Intervention de Jean-François Lamour

Séance en hémicycle du 27 novembre 2013 à 15h00
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Lamour :

Je rappelle que le projet de loi de finances rectificative de fin d’année – que nous sommes en train de discuter – prévoit d’ores et déjà 650 millions d’euros d’annulations de crédits, dont vous nous annoncez, monsieur le ministre, sans trop y croire vous-même, la compensation.

D’autre part, nous avons toutes les raisons de craindre que les ressources exceptionnelles, sur lesquelles repose plus de 3 % du budget de la défense pour les cinq prochaines années, ne seront pas au rendez-vous. À titre de comparaison, la précédente loi de programmation, qui, elle non plus, je le reconnais, n’a pas été exécutée en totalité, reposait pour 1 % seulement sur des ressources exceptionnelles. La défense subit donc une débudgétisation particulièrement sensible de ses moyens, qui met en péril l’exécution annuelle de ses crédits.

Pour préciser les choses – car c’est là le noeud de l’opérabilité de ce texte –, le rapport annexé au projet de loi de programmation prévoit cinq types de ressources exceptionnelles : le produit de cession d’emprises immobilières du ministère de la défense ; un nouveau plan d’investissement d’avenir ; les cessions de fréquences ; les redevances dues par les opérateurs pour les fréquences déjà cédées ; le produit de cessions additionnelles, autrement dit la vente des « bijoux de famille ».

Or, monsieur le ministre, si l’on fait l’effort d’examiner attentivement et une par une ces ressources, on voit bien que le compte n’y est pas. Si, pour 2014, je le reconnais, le PIA est au rendez-vous, à hauteur de 1,5 milliard d’euros, auxquels s’ajoutent les 200 millions d’euros de cessions immobilières, c’est le flou complet pour les exercices 2015 et 2016.

Comment, en effet, pouvons-nous raisonnablement espérer atteindre respectivement 1,77 et 1,25 milliard d’euros de ressources exceptionnelles pour ces deux exercices, c’est-à-dire 5,6, puis 4 % des moyens globaux de la défense sur chacune de ces deux années, alors que nous savons premièrement, que le produit de cession d’emprises immobilières représentera au mieux 200 millions d’euros par an – vous l’avez confirmé lors de votre audition en commission –, deuxièmement, que le programme d’investissement d’avenir sera sollicité uniquement pour l’exercice 2014 et enfin, que le produit de la vente aux enchères de fréquences hertziennes n’est pas attendu avant fin 2016 ou début 2017, dans le meilleur des cas ? Il y a là, monsieur le ministre, un gap vous êtes dans l’incapacité de combler.

Le Gouvernement nous explique sans plus de précisions que si ces ressources exceptionnelles n’étaient pas au rendez-vous, d’autres recettes seraient mobilisées. Mais cette option n’est pas crédible, alors même que l’on s’apprête à ponctionner la défense de plus d’un demi-milliard d’euros pour renflouer d’autres missions apparemment considérées comme plus prioritaires.

Chers collègues, je vous pose la question au passage : a-t-on jamais vu une administration accepter, sans sourciller, qu’il manque à son budget, avant même son exécution, plusieurs centaines de millions, voire plusieurs milliards d’euros ? Franchement, je ne le crois pas.

À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que l’armée française s’est réformée, ces dernières années, plus rapidement et plus efficacement que n’importe quel autre secteur ministériel. Je souligne également le caractère somme toute paradoxal de cette situation, où la compétence régalienne ultime, garante de nos intérêts et de notre sécurité, est peu à peu dégagée du champ fiscal pour être soumise à l’incertitude de ressources exceptionnelles, lesquelles nous conduiront tôt ou tard à brader certains éléments stratégiques de notre patrimoine.

Nous sommes tous conscients de la nécessité de réduire rapidement et massivement la dépense publique. À l’occasion de l’examen du budget 2014, avec Gilles Carrez, président de la commission des finances, et nos collègues de l’UMP, nous avons justement proposé 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires, notamment via des réformes de structure.

Mais la réalité est que les exercices budgétaires qui se préparent conduisent nos armées dans l’impasse. Or, dans un monde instable, qui réarme, où la France sera de plus en plus sollicitée sur le plan militaire, le ministère de la défense devrait voir son budget sécurisé. La sécurisation de ce projet de loi de programmation nécessite avant tout le tuilage des deux exercices budgétaires les plus périlleux, 2015 et 2016, où les ressources exceptionnelles pourraient bien faire substantiellement défaut.

L’argent existe ; il faut aller le chercher où il se trouve. Pourquoi, par exemple, ne pas consacrer au renforcement de notre défense le produit des dividendes des participations de l’État ? Ces recettes sont estimées à 4,5 milliards d’euros pour 2013, c’est-à-dire exactement ce que le Gouvernement est prêt à dépenser pour faire gagner le candidat socialiste à Marseille, ou encore ce qu’il est prêt à emprunter sur les marchés financiers pour solder la dette du Crédit lyonnais.

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