Intervention de Daniel Gibbes

Séance en hémicycle du 28 novembre 2013 à 9h30
Reconnaissance du vote blanc — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Gibbes :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur François Sauvadet, mes chers collègues, notre assemblée est réunie ce matin pour examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, de M. le député François Sauvadet, visant à reconnaître le vote blanc aux élections. C’est un texte court, certes, pour des débats sur une question qui est loin d’être nouvelle, vous l’avez déjà tous dit.

Ce sujet délicat de la dissociation entre votes nuls et votes blancs agitait déjà notre hémicycle sous la IIIe République et, législature après législature, des parlementaires de sensibilités diverses ont régulièrement déposé des propositions de loi visant à reconnaître le vote blanc. Pour les seules deux dernières décennies, ce sont ainsi quelque trente textes qui ont été déposés sur le sujet. Un seul, finalement, a été adopté, en 2003, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, mais on se souvient que la navette s’était interrompue au Sénat, comme vous l’avez précisé, monsieur le ministre. Si le sujet n’est pas nouveau, l’attente de nos concitoyens, en revanche, portée par des associations militantes dédiées, est forte. L’illustrait, dans le rapport Pour un renouveau démocratique de la commission Jospin, ce sondage de LH2Le Nouvel Observateur selon lequel quelque 69 % des Français se disaient favorables à la reconnaissance du vote blanc.

Concrètement, le présent texte, qui a fait l’objet de modifications au Sénat et en commission des lois de notre assemblée, ne propose plus une reconnaissance juridique du vote blanc au sein des suffrages exprimés dignes de ce nom, mais un décompte séparé des bulletins blancs et des bulletins nuls. La part des bulletins blancs, annexée au procès-verbal, établie dans chaque bureau de vote, sera en outre mentionnée dans les résultats de l’élection.

Le texte peut sembler quelque peu dénaturé, mais il reste à mon sens un premier pas appréciable. Je suis de ceux qui pensent qu’une distinction claire doit être établie entre un bulletin nul, parce qu’irrégulier, et un bulletin blanc, expression d’une décision politique du citoyen. Un électeur qui fait le chemin vers l’isoloir pour voter blanc, quelles que soient ses motivations, doit voir reconnue l’expression de sa volonté politique. Il ne peut plus être confondu avec celui qui s’abstient et qui s’exclut de ce fait de toute participation à la vie politique de son pays. Qu’il intervienne comme une sanction ou qu’il soit l’expression d’un désarroi, le vote blanc reste une réponse électorale que nous, élus parlementaires, qui avons à prendre à bras-le-corps la réconciliation de nos concitoyens avec la chose politique, nous devons d’entendre et de respecter.

Dans un contexte de crise économique, de crise de sens, de crise de la représentation politique, on ne peut pas non plus, à mon sens, aborder la question de la reconnaissance du vote blanc sans évoquer la question de l’abstention, ces deux phénomènes étant, selon moi, imbriqués. La réconciliation de nos concitoyens avec la chose politique s’impose quand 2,1 millions de Français ont voté blanc ou nul au deuxième tour de la présidentielle de 2012, atteignant un taux record, qui égale quasiment celui de 1969, lorsque les communistes avaient refusé de choisir entre Poher et Pompidou. La réconciliation de nos concitoyens avec la chose politique s’impose quand ce sont près de quatre millions de citoyens qui ne sont tout simplement pas inscrits sur les listes électorales.

Alors, certes, le renouveau démocratique passe par des réformes bien plus ambitieuses, certes, le texte qui nous revient ce matin semble altéré en ce sens qu’il ne reconnaît pas le vote blanc comme un suffrage exprimé, mais il reste un premier pas dans la bonne direction, et c’est pour cette raison que je voterai, à titre personnel, en faveur de cette proposition de loi.

Cela dit, mes réserves, tout comme celles du rapporteur, portent naturellement sur l’entrée en vigueur de ce texte après les municipales de 2014. Les précisions apportées hier par M. le ministre Vidalies lors de la séance de questions au Gouvernement ne sont pas faites pour rassurer. Elles mettent au contraire en exergue l’impréparation du Gouvernement en la matière.

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