Intervention de Laurence Abeille

Réunion du 27 novembre 2013 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille :

Je remercie le rapporteur et le groupe UMP de nous permettre de traiter de la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, problème important quand il s'agit de protéger et de reconquérir la biodiversité. Ces espèces envahissantes sont actuellement considérées comme la deuxième cause de régression de la biodiversité, et nous devons faire face à des menaces écologiques bien plus graves que l'ambroisie.

Aussi le groupe écologiste juge-t-il dommage que l'axe retenu ne soit pas environnemental mais essentiellement sanitaire : si l'ambroisie ne causait pas d'allergies mais seulement des atteintes à l'environnement et à la biodiversité, cette proposition de loi n'aurait sans doute jamais existé. D'ailleurs, comme le président de notre commission l'a rappelé, le texte a initialement été renvoyé à la commission des affaires sociales. D'évidence, il est toujours difficile de traiter les problèmes concernant à la fois la santé et l'environnement, sujets transversaux que l'on ne peut appréhender sous un seul angle.

Les espèces invasives le sont du fait d'une intervention humaine, et les changements de milieu favorisent très souvent leur développement. C'est précisément le cas pour l'ambroisie, espèce introduite par l'homme et qui prolifère dans des écosystèmes souvent pauvres en biodiversité. Les invasions biologiques, accusées d'appauvrir les milieux naturels, révèlent en réalité souvent des dégradations causées par l'homme.

Il est indispensable de tirer les conséquences de l'introduction de cette plante il y a plus de cent ans. La dissémination de l'ambroisie et les problèmes qu'elle entraîne doivent nous faire modifier nos pratiques, qu'il s'agisse du commerce des plantes ornementales exotiques, du contrôle des échanges horticoles ou de l'introduction d'OGM en plein champ. Une fois la plante introduite, elle peut bouleverser profondément les écosystèmes et elle est souvent difficile à éradiquer ; c'est le risque que font courir les OGM, espèces exogènes introduites volontairement.

En bref, je pense que cette proposition de loi doit s'inscrire dans une réflexion plus globale sur la lutte contre les espèces envahissantes et la protection de la biodiversité.

Ce texte permettra-t-il de lutter contre la prolifération de l'ambroisie ? Pour une grande part, les mesures proposées consistent à imposer des plans de lutte aux collectivités locales et aux préfets. Or, les collectivités locales agissent déjà lorsque le problème apparaît ; pourquoi ajouter des contraintes quand l'intelligence locale permet une action souvent efficace ? Il est surtout nécessaire de savoir comment lutter efficacement contre cette dissémination et de donner les moyens aux collectivités de le faire.

Si ce dont il s'agit est d'utiliser des produits phytosanitaires, le remède risque d'être pire que le mal : imposer de supprimer l'ambroisie sans imposer une technique respectueuse de l'environnement, comme le fait la proposition de loi, peut entraîner un accroissement substantiel de l'utilisation de pesticides. C'est pourquoi les instituts de recherche doivent élaborer des méthodes de lutte écologiques contre cette plante. Je rappelle qu'après l'adoption récente d'une proposition de loi présentée par le groupe écologiste du Sénat, l'utilisation de produits phytosanitaires en dehors de l'agriculture ne sera de toute façon bientôt plus possible. Contre l'ambroisie, espèce envahissante qui craint la concurrence végétale, il faut développer la lutte biologique par la réintroduction d'espèces indigènes, une technique moins nocive pour l'environnement.

L'exposé des motifs de la proposition signale par ailleurs que la prolifération de l'ambroisie est liée à l'augmentation des rejets de gaz à effet de serre. Une mesure essentielle devrait donc être de tout faire pour atteindre l'objectif de division par quatre de ces émissions d'ici à 2050.

De même, l'ambroisie se développant davantage dans des zones de monoculture, notamment de tournesol, et peu dans les espaces naturels, nous devons nous attacher à promouvoir une agriculture biologique, respectueuse de l'environnement et de la biodiversité.

Les mesures proposées aux articles 8 et 9, qui concernent d'une part le niveau de contamination par les graines d'ambroisie des aliments pour animaux, d'autre part l'obligation de couvrir les sols nus, vont dans le bon sens ; il conviendra de privilégier les couvertures végétales telles que le trèfle, et ne pas « artificialiser » les sols.

La lutte contre l'ambroisie est un combat difficile. La proposition de loi, bien qu'imparfaite, apporte un début de solution. C'est pourquoi le groupe écologiste pourrait envisager de la soutenir si elle était précisée lors de l'examen en séance publique. Nous présenterons des amendements à cette fin ; ils porteront particulièrement sur le volet « prévention » – par la mise en culture des friches industrielles – et sur les moyens de lutter contre l'ambroisie, car il faut choisir des modes d'action biologiques et soutenables, telles les plantations indigènes.

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