Intervention de Jean-Louis Borloo

Séance en hémicycle du 3 juillet 2012 à 15h00
Déclaration de politique générale du gouvernement débat et vote sur cette déclaration — Déclaration de politique générale du gouvernement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Borloo :

Rarement une majorité aura connu à son avantage une telle configuration politique. À vous d'en faire un atout majeur et d'éviter à la fois les conflits entre amis, les conflits entre légitimités territoriales, l'hégémonie politique, l'absence de dialogue, d'échange, d'écoute.

Plus qu'en d'autres temps encore, cela donne des devoirs et des droits à l'opposition, tout comme au Parlement en tant que pouvoir législatif et organe de contrôle du Gouvernement. La réforme constitutionnelle voulue par le Président Sarkozy a renforcé ces droits ; nous en ferons le meilleur usage démocratique, nous serons une force d'opposition vigilante, mais aussi une force d'initiative et de proposition.

Je souhaite tout d'abord, monsieur le Premier ministre, vous dire, au nom du groupe UDI, ce que sera notre conception de l'opposition. Vous avez la responsabilité du Gouvernement, vous devez agir et décider. Nous sommes quant à nous dans l'opposition, nous ne sommes pas co-gestionnaires. Pour autant, deux crises financières viennent, comme une vague tellurique, de renverser les édifices que l'on croyait les plus solides, les digues que l'on pensait les plus protectrices, révélant les fragilités de nos solidarités territoriales, nationales, européennes et même internationales. Ces crises qui ont touché tous les gouvernements en exercice, de gauche comme de droite, nous concernent tous. Chacun d'entre nous a sans doute en tête de multiples illustrations de leurs effets dans sa propre circonscription. Ce contexte donne à l'alternance politique une tonalité particulière, marquée par la gravité des circonstances et l'inquiétude des Français. C'est la raison pour laquelle, si opposition nous sommes et serons, il pourra toutefois nous arriver, lorsque l'intérêt national sera en jeu, sur certains points particuliers, notamment sur des réformes telles que la formation professionnelle, dont vous n'avez pas parlé tout à l'heure, de vous apporter notre soutien.

En un mot, notre position dans les trois ans à venir sera toujours fondée sur le triptyque de base suivant : efficacité économique et emploi, responsabilité écologique, dimension sociale et humaine du projet. Avec trois lignes de force : l'Europe, la République et la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Je vous ai écouté attentivement, monsieur le Premier ministre, et j'ai eu le sentiment que vous n'aviez pas tout à fait confiance en vous. Vous demandiez une confiance que vous ne nous communiquiez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.) Pourtant, vous n'êtes pas passé, par le truchement d'une élection, de l'ombre à la lumière ; vous vous appuyez sur une réalité française qui existe. De grâce, ne commencez pas le détricotage systématique de ce qu'ont pu faire vos prédécesseurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP) : l'effort considérable pour nos universités et leur autonomie, la nécessaire et courageuse réforme des retraites, si longtemps différée – même si j'ai compris que vous ne souhaitiez la modifier que partiellement –, la clarification des responsabilités territoriales, le Grenelle de l'environnement, qui a posé les bases d'une nouvelle économie, les investissements d'avenir, si soigneusement sélectionnés dans tous les territoires de notre pays, la reconfiguration du G20, la taxe sur les transactions financières, le travail considérable du précédent gouvernement et du Président Sarkozy pour la crise de 2008 et, plus récemment, pour la crise de l'euro.

Permettez-moi, monsieur le Premier ministre, de commencer par vous adresser un satisfecit. Le premier renoncement, le premier reniement de votre action politique est en réalité salutaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Au plus fort de la crise grecque, à un moment où tout risquait d'exploser, vingt-cinq États représentés démocratiquement ont conclu un traité. Que disait-il ? Pour aider aujourd'hui la Grèce, pour aider demain l'Espagne et l'Italie, nous voulons un pacte de stabilité, avec la réduction des déficits, la règle d'or, l'acceptation que la Banque européenne d'investissement ou des euro-obligations puissent financer de grands travaux, le renvoi à la Commission pour l'exécution technique. Voilà le pacte qui a été passé par vingt-cinq chefs d'État et de gouvernement.

Je dois vous dire qu'en entendant le candidat-président expliquer à la France entière qu'il n'y aurait pas de renégociations, pas de ratification – « pas de bras, pas de chocolat ! » –, j'étais stupéfait. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Il était invraisemblable qu'un tel sentiment d'incompréhension soit suscité parmi nos partenaires à l'occasion d'un accord européen. Ce n'était pas acceptable. Merci, donc, d'avoir bien voulu d'une ratification rapide dans les termes exacts du document signé par le Président de la République française de l'époque. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) C'est nécessaire. Le plus vite sera le mieux, et je vous remercie d'inscrire la règle d'or dans un prochain débat de l'Assemblée nationale.

D'une manière générale, nous serons pour l'intégration européenne, car nous croyons à une Europe forte, et nous sommes heureux que la BCE accepte aujourd'hui l'intervention directe auprès des banques, sans passer par les États. Décidément, M. Draghi, qui était déjà intervenu il y a neuf mois, est un grand président de la Banque centrale européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Dans votre discours, monsieur le Premier ministre, je relève, en gardant le ton mesuré qui est traditionnellement celui de notre groupe, quatre fautes, qui seront provisoires, je l'espère, et j'ai même éprouvé en vous écoutant une très grande inquiétude.

La première faute touche à la composition de votre gouvernement. Permettez-moi d'en dire un mot rapidement. Le monde est en mutation. Il n'y aura pas de croissance sans respect de l'efficacité énergétique, des ressources et de la biodiversité. La croissance verte est le seul chemin de notre avenir, le seul chemin de nos emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) C'est la raison pour laquelle il avait été décidé, lors du dernier quinquennat, de mettre en cohérence, dans l'architecture gouvernementale, à la fois le logement, qui utilise 42 % de l'énergie, l'urbanisme, pour l'étalement urbain, les transports, la mer, les océans et l'énergie : c'était le premier outil d'ingénierie publique au monde, qui nous a permis de conduire les principales révolutions écologiques et industrielles, et qui a fait de notre pays l'un des rares à être en avance sur le protocole de Kyoto et ses engagements européens.

Mais, stupéfaction ! Pourquoi un tel démantèlement de cette action publique ? (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.) Qu'est-ce que cela veut dire ? Comment dès lors rendre cohérents la mer, les fleuves, les océans, l'urbanisme, le logement, l'énergie ? (Mêmes mouvements.) C'est insensé, sans même vous demander comment vous comptez assurer la cohérence, l'impulsion, l'organisation et les arbitrages… J'ai le sentiment que nous revenons à une période ancienne où il n'y avait pas de politique de l'écologie mais une écologie politique, fruit d'un rapport de forces politique, à savoir silence contre circonscriptions,…

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