Intervention de Annie Le Houerou

Séance en hémicycle du 28 novembre 2013 à 15h00
Rétablissement des avantages liés aux heures supplémentaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Le Houerou :

La défiscalisation de l’exonération sociale des heures supplémentaires, inscrite à l’article 1er de la loi TEPA du 21 août 2007, a été présentée comme la panacée par la majorité de l’époque, et ce sont ses prétendus avantages que vous souhaitez rétablir. Cette mesure phare, défendue ardemment pendant la campagne présidentielle de 2007 symbolisait la revalorisation du travail et de l’emploi. Personne n’a oublié la chimère « Travailler plus pour gagner plus. »

Quel bilan peut-on tirer de cette expérience de défiscalisation des heures supplémentaires ? Dès janvier 2009, le gouvernement d’alors a admis que l’effet sur l’emploi n’était pas satisfaisant. Or c’est la première de nos préoccupations, et notamment l’emploi des jeunes. En octobre 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires estimait nécessaire la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires et préconisait la réintégration de ces heures dans le calcul de la réduction Fillon. En juin 2011, enfin, le député socialiste Jean Mallot et le député UMP Jean-Pierre Gorges ont rédigé un rapport sur le sujet, dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale.

Celui-ci révèle que le recours aux heures supplémentaires défiscalisées n’a pas incité les entreprises à embaucher. Elle a en revanche incité un nombre important d’entreprises à adopter des pratiques d’optimisation fiscalo-sociale en déclarant des heures supplémentaires fictives. Le coût des exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires s’élevait à 3,1 milliards d’euros en 2011, dont 2,4 milliards pour les exonérations salariales et 700 millions pour les exonérations patronales. Quant au coût de la défiscalisation des heures supplémentaires au titre de l’impôt sur le revenu, il s’élevait à 1,4 milliard d’euros. Au total, la mesure a donc coûté à l’État et à la Sécurité sociale, c’est-à-dire au contribuable, 4,8 milliards d’euros en année pleine.

Le dispositif a donc été évalué, et son inutilité, tant sur le plan économique que sur celui de l’emploi, n’est plus à démontrer. Comme le confirment de nombreux experts, cette mesure a limité les créations d’emploi, pesé sur le PIB et créé de la dette. Il est vrai que les heures supplémentaires constituaient un élément stable de rémunération, notamment dans les entreprises de moins de vingt salariés qui n’étaient pas passées aux 35 heures dans les faits. Ainsi, chaque salarié avait systématiquement quatre à cinq heures supplémentaires chaque semaine. Ces pratiques, fréquentes dans les secteurs où les conditions de travail sont difficiles, comme l’industrie, la métallurgie, la restauration ou les transports, se retrouvent également dans l’industrie agroalimentaire, où les conditions de travail sont également très difficiles, les salariés étant souvent atteints de troubles musculo-squelettiques. Ces heures supplémentaires ne font donc qu’accentuer la pénibilité au travail, et ses conséquences sur la santé des salariés.

Dans la plupart des cas, ce ne sont pas les salariés qui choisissaient de faire ces heures supplémentaires mais, leur coût étant plus faible que les heures ordinaires, elles étaient imposées par l’entreprise, et tout le monde semblait y trouver son compte. Les salariés s’en satisfaisaient, car elles constituaient un complément de revenu défiscalisé.

Je veux revenir sur les propos de M. Darmanin, qui regrettait que ces heures supplémentaires ne permettent plus aux salariés de payer les cours du soir à leurs enfants.

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