Intervention de Véronique Massonneau

Séance en hémicycle du 28 novembre 2013 à 15h00
Expérimentation des maisons de naissance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Massonneau :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet d’expérimentation de maisons de naissance est ancien.

En 1998, Bernard Kouchner, alors secrétaire d’État à la santé, souhaitait voir ouvrir de telles structures.

En 2004, le plan périnatalité 2005-2007 prévoyait l’expérimentation de maisons de naissance. Un groupe de travail fut constitué, chargé de définir des cahiers des charges, mais aucun accord ne fut trouvé entre les différents acteurs.

En 2010, Roselyne Bachelot, ministre de la santé, proposait le lancement d’une expérimentation dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011. L’opposition d’alors vota en faveur de cette expérimentation après avoir obtenu quelques gages. L’article 40 de ce PLFSS fut ainsi adopté, mais le Conseil constitutionnel, estimant que cette mesure avait un effet trop indirect sur les dépenses de l’assurance maladie, avait censuré le dispositif.

L’année suivante, en 2011, les députés écologistes, Anny Poursinoff en tête, déposent une proposition de loi autorisant l’expérimentation des maisons de naissance après une longue concertation avec les acteurs concernés. Parallèlement, la sénatrice UDI Muguette Dini dépose une proposition de loi similaire. C’est donc cette proposition de loi qui est examinée et adoptée par le Sénat en février puis en juin dernier et qui nous est présentée aujourd’hui.

Comme je vous l’ai dit, les députés écologistes avaient déposé une proposition de loi similaire, ils sont donc tout à fait favorables à une telle expérimentation, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, l’exemple de l’étranger montre que cela fonctionne. En effet, les premières maisons de naissance sont apparues aux États-Unis dans les années 70 et en Europe, à Berlin, en 1987. Aujourd’hui, on en trouve dans de nombreux pays : Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède ou encore Suisse. Certes, le choix d’accoucher dans les maisons de naissance reste encore assez minime, assez marginal, dans la majorité de ces pays, mais, au Québec, 76 % des accouchements se déroulent dans de telles structures, et il pourrait y avoir dans notre pays une volonté de recourir à un accouchement plus naturel.

Plusieurs pays étrangers ont mis en place ces structures que sont les maisons de naissance, mais ils n’imposent pas tous une proximité médicale, ce que prévoit la proposition de loi. En effet, dans ces pays, les maisons de naissance sont gérées de façon autonome par des sages-femmes qui effectuent un suivi global des patientes du début de la grossesse au suivi post-partum. Elles ne sont donc pas nécessairement attenantes à une maternité mais, cependant, elles doivent rester proches d’un plateau technique obstétrical. Ce sont, pour la plupart, des structures de taille modeste, qui assurent un nombre limité d’accouchements, 350 par an tout au plus, et qui n’assurent pas l’hébergement des femmes. Ces dernières rentrent effectivement à leur domicile, avec un suivi adéquat évidemment, vingt-quatre heures au plus après l’accouchement.

Tous ces exemples, même sans l’obligation d’adosser les maisons de naissance à des maternités, ce qui me semble une bonne chose pour lancer l’expérimentation dans notre pays, n’ont pour ainsi dire connu aucun dysfonctionnement. C’est donc de bon augure.

Ensuite, ces structures répondent à la demande d’une partie des usagers et des professionnels. Selon Muguette Dini, on estime que 60 000 à 80 000 mères pourraient faire ce choix, soit un peu moins de 10 % des accouchements pratiqués en France chaque année. Une enquête de 2010 de l’UNAF a démontré que 15 % des femmes interrogées estimaient que leur projet de naissance ou leur choix d’accouchement n’avait pas été respecté et 36 % d’entre elles déclaraient ne pas avoir été libres de bouger ou d’adopter la position qu’elles souhaitaient lors de l’accouchement.

Ainsi, les maisons de naissance peuvent apporter une réponse aux femmes et aux couples qui le souhaitent, et qui connaissent une grossesse sans risque, en leur offrant un accompagnement global et personnalisé.

Du côté des professionnels, le conseil national de l’ordre des sages-femmes soutient fortement l’idée de maisons de naissance, et le collège national des gynécologues et obstétriciens français, après s’y être opposé dans un premier temps, soutient à présent publiquement le projet d’expérimentation à la condition que les maisons de naissance soient à proximité immédiate d’un plateau technique, ce qui est prévu dans la présente proposition de loi.

Enfin, ces maisons de naissance présentent des intérêts économique et sanitaire.

Il y a un intérêt économique car le coût d’un accouchement en maison de naissance est estimé à 1 800 euros contre 2 600 euros en moyenne pour un accouchement en maternité. La Cour des comptes, dans un rapport de 2011 sur la Sécurité sociale, a critiqué l’hyper-médicalisation autour de la naissance, la jugeant coûteuse et ayant des conséquences sur la santé périnatale. La mise en place, à terme, d’une soixantaine de maisons de naissance pourrait ainsi permettre une économie pour la Sécurité sociale d’environ 7 millions d’euros.

Il y a un intérêt sanitaire, également, puisque les études internationales montrent que, si la France est dans la moyenne des pays européens concernant la mortalité infantile et maternelle, ses résultats ne sont pas à la hauteur de ce qu’ils pourraient être.

L’INSERM classe ainsi la France au dixième rang européen. Bien que ce ne soit pas la seule explication, j’en conviens tout à fait, madame la présidente de la commission, la tendance française à la surmédicalisation de la grossesse et de l’accouchement permet d’expliquer en partie ce rang. En effet, cette hyper-médicalisation peut avoir des conséquences néfastes sur l’état de santé, liées à la pratique excessive des épisiotomies, des césariennes ou de l’utilisation de forceps, mais peut entraîner également des troubles psychologiques ou encore des difficultés pour certains parents à accueillir leur enfant.

Les maisons de naissance peuvent alors apporter une réponse à ces difficultés. Ainsi, une étude anglaise a montré en 2011 que le taux d’incidents périnataux ne différait pas significativement selon le lieu d’accouchement.

Aux États-Unis, une étude publiée en 2013 sur 15 574 femmes ayant prévu d’accoucher en maison de naissance a montré que 84 % d’entre elles ont bien accouché dans ces structures, 4 % ont été transférées à l’hôpital avant leur admission en maison de naissance et 12 % pendant le travail. Les études montrent donc toutes que les maisons de naissance peuvent assurer la prise en charge de la maternité pour les grossesses à bas risque, de manière sûre et efficace.

Aussi, pour toutes ces raisons, les écologistes soutiennent pleinement cette proposition de loi et prônent depuis longtemps l’expérimentation des maisons de naissance, au nom d’une vision plus naturelle de la grossesse et de l’accouchement pour les femmes et les couples qui le désirent.

Je conclurai donc en reprenant la réponse que vous m’avez faite, monsieur le rapporteur, en commission. Cette expérimentation, c’est « un bébé quand je veux, de la manière qui me convient, et où je veux ». Nous la voterons.

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