Intervention de Gisèle Biémouret

Séance en hémicycle du 28 novembre 2013 à 15h00
Expérimentation des maisons de naissance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, nous allons examiner un texte qui fait l’objet d’un consensus politique et médical. Consensus politique qui s’est d’abord dégagé au Sénat, puis au sein de notre commission, et qui met au coeur de l’actualité la question de la naissance telle qu’elle se pratique aujourd’hui dans notre société. Consensus médical avec le ralliement du collège national des gynécologues et obstétriciens français aux expérimentations de maisons de naissance.

Au cours des décennies passées, nous avons assisté, petit à petit, à une médicalisation croissante des accouchements, au fur et à mesure des progrès de la recherche et de la médecine. Alors que, dans les années cinquante, on était encore à 45 % d’accouchements à domicile, la tendance s’inverse en faveur de l’hôpital.

Comme le souligne Marie-France Morel, historienne de la naissance, les femmes n’étaient pas les victimes de ces mutations, qui étaient le gage, pour elles et leurs bébés, de ne plus mourir en couches, de ne plus souffrir. Mais aujourd’hui, pour un certain nombre d’entre elles, cette médicalisation engendre un sentiment de frustration et de déshumanisation face à l’acte d’accouchement. Cette proposition de loi est effectivement un début de réponse à une prise en charge plus humaine de la grossesse et de l’accouchement. Elle offre un droit à la liberté de choix.

Nous avons pu visiter la semaine dernière, avec Yannick Favennec, une des préfigurations de maisons de naissance qui existent à Paris, le CALM. Nous avons rencontré des sages-femmes et des parents particulièrement motivés qui nous ont expliqué leur désir de vivre des accouchements moins médicalisés et plus naturels, dans un univers plus intimiste, avec une prise en charge globale et personnalisée lorsque la grossesse s’est déroulée normalement, c’est-à-dire sans complication. Ce fut une expérience très enrichissante pour notre réflexion. Si l’accouchement sans douleur, en bénéficiant d’une péridurale, reste un choix qu’il faut respecter, redonner une vision naturelle à cet acte en évitant une surmédicalisation excessive répond effectivement à une demande sociétale alternative.

Ce désir des futures mères rejoint également la forte demande de reconnaissance professionnelle des sages-femmes, puisque les maisons de naissance relèveront de leur responsabilité et de leur compétence pour pratiquer ces actes médicaux. Vous avez d’ailleurs lancé la semaine dernière, madame la ministre, les travaux relatifs à la reconnaissance du rôle et de la place des sages-femmes dans le système de santé, sous l’autorité d’Édouard Couty.

Dans la mise en place d’une telle expérimentation, la recherche de la sécurité périnatale doit rester une priorité. Cette exigence absolue a été obtenue par un certain nombre de garanties, dont nous avons débattu en commission. Si l’inspiration qui a présidé à l’élaboration de ce texte est venue d’expériences existant à l’étranger, il nous semble important d’inventer notre propre modèle.

Tout d’abord, la maison de naissance sera contiguë à une maternité, et, comme l’a fait voter par amendement au Sénat le groupe socialiste, avec un accès direct afin de garantir de meilleures conditions de sécurité vis-à-vis des parturientes et des enfants à naître.

Les naissances qui auront lieu en maisons de naissance seront comptabilisées avec celles de la maternité. C’est un gage supplémentaire de non-concurrence entre maisons de naissance et maternité et au contraire d’offre complémentaire.

Une convention sera signée entre les deux établissements, organisant leur travail en commun, notamment le transfert des patientes en cas de nécessité. L’accréditation d’un projet de maisons de naissance se fera en fonction d’un cahier des charges rédigé par la Haute autorité de santé, formalisant les normes sanitaires applicables ainsi que les protocoles de fonctionnement de ces maisons.

Au regard des expériences menées jusqu’à présent, il y a des améliorations nécessaires à apporter, en particulier sur la prise en charge et la consultation pédiatrique des enfants nés. Rappeler que, s’il peut y avoir une maternité sans maisons de naissance, il ne peut y avoir de maison de naissance sans maternité, est un point extrêmement important pour les élus que nous sommes car il ne s’agit en aucun cas de remplacer les structures existantes. Ainsi, les maisons de naissance ne sonneront pas le glas de nos petites maternités, auxquelles les territoires ruraux sont très attachés.

Il faut bien entendu continuer à porter une attention toute particulière à la question de la répartition de l’offre de soins et de maternités sur le territoire. Au terme des cinq ans d’expérimentation, le Gouvernement procédera à une évaluation et si celle-ci s’avère positive, une loi sera présentée devant le Parlement.

L’existence de cette proposition de loi a eu le mérite de nous faire réfléchir sur la question de la périnatalité dans son ensemble. Les maisons de naissance sont une forme de réponse envisageable mais ne concerneront qu’un nombre très limité de femmes. D’autres offres à mi-chemin entre les maisons de naissance et le service obstétrique sont à développer en complément. Il faut ainsi davantage développer les filières physiologiques raisonnablement médicalisées, notamment au sein des petites maternités, qui ne sont pas des usines à bébés, ce qui permettrait de développer un service d’accompagnement et de suivi plus attrayant.

Comme je le disais en commission, l’envie d’un accompagnement personnalisé est partagée par l’ensemble des futures mères, y compris celles qui vivent une grossesse pathologique, qui, pour le coup, n’est pas un choix mais une situation subie et angoissante et qui, à mon sens, nécessiterait une prise en charge plus humaine.

Par exemple, comme le rappelait Dominique Gillot lors des débats au Sénat, l’académie de médecine préconise le développement d’espaces physiologiques au sein des services de gynécologie-obstétrique. Néanmoins, l’existence de tels espaces où les sages-femmes hospitalières exerceraient pleinement leur rôle et prendraient en charge le déroulement de l’accouchement dépend aujourd’hui entièrement de la bonne volonté des chefs de service praticiens hospitaliers. Tel est le cas de l’expérience de maison de naissance menée au sein de l’hôpital de Pontoise, sur laquelle je ne reviendrai pas, qui représente un excellent exemple de ce qui peut se faire en la matière.

Je voudrais conclure en ajoutant que si plusieurs études ont pointé les risques de surmédicalisation comme l’une des raisons avancées pour expliquer le mauvais taux de mortalité maternelle, il ne faut pas pour autant négliger la nécessité de revoir l’ensemble du parcours périnatal afin de détecter au plus tôt les grossesses à risque, liées notamment au tabac ou à l’alcool, et d’étendre les actions de prévention auprès des futures mères. C’est notamment l’un des axes prioritaires de la stratégie nationale de santé que vous avez lancée, madame la ministre, en septembre dernier. Ainsi, parce que nous partageons l’esprit général de l’expérimentation proposée ici et que nous voulons saluer le travail mené conjointement par Muguette Dini au Sénat et Yannick Favennec à l’Assemblée, le groupe SRC votera cette proposition de loi.

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