Intervention de l'amiral Bernard Rogel

Réunion du 10 octobre 2012 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine :

Le MCO me pose un véritable problème pour l'aéronautique navale. Si c'est le cas aussi pour la flotte en termes de régénération de potentiel, la flotte de surface a un taux de disponibilité plutôt satisfaisant, de l'ordre de 70 % –au sens de disponibilité générale des bateaux.

Les principales difficultés tiennent aux retards, aux changements d'activité opérationnelle et aux modifications de contrat qui s'ensuivent, qui sont en général coûteuses. Il y a 30 ans, le système était plus souple – on s'adressait à notre service d'entretien étatique – alors qu'aujourd'hui, on doit faire appel au service de soutien de la flotte – lequel me donne, cela dit, toute satisfaction – qui contractualise les opérations d'entretien. Les coups de rabot budgétaires créent des complications supplémentaires et nous devons être très vigilants. Mais je ne crois pas que nous en soyons encore à entamer le capital.

Concernant les bases de défense, je lis tous les rapports de mes commandants sur le moral de la marine et j'y réponds personnellement. Je ne méconnais aucune des difficultés quotidiennes engendrées par l'ampleur des réformes : réductions d'effectifs, réorganisation territoriale, changement du mode de soutien, qui ont créé une révolution historique dans le fonctionnement traditionnel de la marine. Nous sommes, je le répète, dans la phase de jeunesse ; on ne peut donc tirer de bilan définitif. D'autant que tous les personnels de la marine font le maximum pour que la réforme réussisse et que l'on obtient déjà des résultats positifs : à Toulon, la gestion des carburants, par exemple, qui est passé de la marine vers le service des essences des armées, a été bénéfique.

Le soutien de proximité est, certes, plus compliqué car les nouvelles habitudes ne sont pas prises et certains marins ont le sentiment que le service est moins rapide. On a créé un fonctionnement en tuyaux d'orgues, avec beaucoup de responsables mais pas d'autorité de coordination : nous sommes en train de résoudre ce problème avec le secrétariat général pour l'administration (SGA) et un groupe de travail devrait apporter des solutions dans les semaines à venir. Le cas du contrôle des huiles, important pour l'entretien programmé du matériel, est révélateur : auparavant on venait récupérer les échantillons à bord alors que maintenant, les unités doivent les apporter à Marseille : cela est plus compliqué mais a permis de gagner des effectifs. Je rappelle à cet égard que la réforme des bases est issue de la RGPP.

Nous sommes donc en période de rodage : tout n'est pas réglé, loin de là, mais nous sommes sur la bonne voie.

S'agissant des équipements, nous avons besoin de l'ensemble des composantes pour remplir les missions qui nous incombent. Pour prendre une image, votre question équivaut à demander à un bricoleur de choisir, dans la composition de sa caisse à outil, entre le marteau et le tournevis pour intervenir sur une panne qu'il ne connaît pas encore. C'est un choix impossible ! Nous sommes dans une phase de renouvellement urgent, mais qui était prévu dans la loi de programmation militaire (LPM). C'est le cas notamment pour les frégates de premier rang et les patrouilleurs. Encore une fois, si nous ne faisons rien, il ne nous restera plus que 6 frégates de surveillance outre-mer : comme ces patrouilleurs n'étaient pas considérés prioritaires dans le dernier Livre blanc, on a assisté à une réduction temporaire de capacité (RTC), qui nous conduit aujourd'hui à désarmer tous les P 400 – lesquels ne pourront être prolongés – et les Batral, sans les remplacer tout de suite. Le programme Batsimar tend à y remédier, sachant que nous avons dû avoir recours à des moyens palliatifs avec le déploiement de l'Arago et du Malin – simple chalutier transformé en garde-côtes. Nous essayons aussi de trouver un financement interministériel pour l'acquisition de bâtiments multimissions (B2M), c'est-à-dire des navires de soutien civils, pour remplacer les Batral. On ne peut simultanément considérer la zone économique exclusive (ZEE) comme importante et laisser la situation en l'état.

Je rappelle que la marine n'avait plus d'hélicoptères lourds sur ses deux façades maritimes depuis la disparition des Super Frelons : quand on voit les opérations de sauvetage que nous avons à mener, je suis heureux et soulagé d'avoir recréé la semaine dernière la flottille 31F dans le Sud après avoir recréé la 33F en Bretagne.

En ce qui concerne l'Adroit, j'ai été très intéressé par le partenariat avec DCNS : le bateau est mis à disposition pour trois ans, ce qui nous procure un patrouilleur de haute mer supplémentaire ; nous en profitons, nous, marins, pour affiner notre besoin sur les patrouilleurs de haute-mer (BATSIMAR). Nous avons en effet des adversaires de mieux en mieux équipés : on ne rattrapera pas un « go-fast » de trafiquant de drogue avec un patrouilleur de 12 noeuds, sachant qu'il est souvent trop tard quand la drogue est arrivée sur la plage. Il en est de même pour l'immigration illégale : il ne faut pas attendre que les bateaux viennent s'échouer dans les bouches de Bonifacio pour réagir ! L'avantage pour l'industriel de cette expérimentation est de certifier le bateau – ce qui est important en termes d'export – et de permettre de l'améliorer : le partenariat est donc gagnant-gagnant.

Quant aux RTC, elles touchent non seulement les patrouilleurs outre-mer, mais aussi les frégates anti-sous-marines. Nous avons désarmé le Tourville en 2011, nous allons désarmer le De Grasse dans l'année, ainsi que, l'année prochaine, le Montcalm, et nous n'aurons, pour les remplacer, qu'une frégate Aquitaine.

Monsieur Dhuicq, la marine n'a pas attendu pour tirer les conséquences de la sur-sophistication : le BPC a été construit selon des normes civiles, mais avec pour inconvénient d'être faiblement protégé. Il convient pour accomplir des missions humanitaires dans un pays n'ayant pas d'armement naval lourd, mais lorsqu'on l'a envoyé au large du Liban pour évacuer 13 000 compatriotes, il a fallu l'entourer de frégates anti-sous-marine et antiaérienne. On peut donc trouver des équipements moins sophistiqués pour certaines missions mais on aura toujours besoin de bâtiments lourds pour d'autres.

Quant aux frégates de surveillance, elles ont été construites à Saint-Nazaire selon des normes civiles. Les frégates légères furtives, quant à elles, qui sont intégrées dans les 18 frégates de premier rang, n'ont pas de sonar et une autodéfense limitée au missile Crotale.

Je précise aussi qu'on a supprimé les remorqueurs de la marine pour louer les services d'une société de remorquage.

Enfin, pour les bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH), le but est d'avoir des navires aux normes civiles, armés par des civils ou des militaires.

Les équipements les plus complexes sont le porte-avions, les sous-marins, les frégates de défense aérienne et les frégates de lutte anti-sous-marine, pour lesquels la sophistication est inévitable.

Si l'on devait demain rétablir la liberté de circulation dans un détroit, il faudrait envoyer des bâtiments capables de faire de la lutte anti-sous-marine et des frégates de défense antiaérienne – sachant que dès qu'on approche d'une côte, on peut être confronté à des missiles sol-mer, de l'aviation de chasse ou des sous-marins.

Il est prévu à l'avenir 9 frégates de défense anti-sous-marine – dont nous avons aussi besoin pour sécuriser, en particulier mais pas seulement, les approches de Brest – et 4 frégates de défense antiaérienne, ce qui est loin d'être excessif. Il faut donc éviter de descendre en dessous du « socle » nécessaire et de faire croire qu'on peut réaliser toutes les missions avec des bâtiments aux normes civiles. Je rappelle que nous sommes passés en dix ans de 41 bâtiments porteurs de sonar à 20 !

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