Je revendique le scepticisme. Je suis rémunérée par de l'argent public non pas pour défendre une thèse, mais pour remettre en cause constamment l'état des connaissances.
L'action de l'homme sur le climat est l'objet d'un déni dont les causes sont multiples : absence de formation aux sciences du climat, fossé entre la perception quotidienne et le discours sur le climat, peur et impuissance. Ce déni porte parfois sur des faits avérés. C'est le cas pour l'action de l'homme sur la composition atmosphérique et son effet sur le climat, qui correspond à de la physique élémentaire. Or, le déni est alors en décalage complet avec les connaissances scientifiques.
Une présentation caricaturale laisse croire que seul le CO2 a une influence sur le climat, ce dont certains ne manquent pas de tirer argument pour contester les préconisations en matière de lutte contre le réchauffement. Or le système climatique est complexe. Il réagit à des facteurs naturels – soleil et volcans, avec un rôle déterminant pour ces derniers – et subit des fluctuations internes dont une part seulement est prévisible. Là encore, la formation et l'éducation sur le système climatique sont insuffisantes.
Le doute porte aussi sur le bien-fondé de l'urgence à prendre certaines mesures de court terme face aux conséquences d'un climat qui change. Cela demande selon moi d'une véritable réflexion politique.
Il est difficile pour les scientifiques de faire des recommandations à l'intention des politiques. Néanmoins, en tant que parlementaires, vous faites le lien entre le niveau national et le niveau local. Dans le même esprit, il serait utile de faire une synthèse nationale des plans territoriaux énergie-climat. Cette lecture serait intéressante pour les Français car elle permettrait d'identifier les vulnérabilités du territoire et les voies d'action.
La formation des élus est notoirement insuffisante, comme celle des professionnels. Quant à l'école, les enseignements manquent d'un fil conducteur.
Nous avons besoin d'une communication positive qui propose une stratégie en réponse à un constat qui est anxiogène. J'observe également un décalage croissant entre les élus et la jeunesse, faute de sensibilisation aux enjeux de long terme. La question du climat dépasse le temps d'un mandat et d'une vie humaine. Il faut parvenir à associer la jeunesse, à transmettre et à construire un lien entre les générations. Cette mobilisation de la jeunesse est également essentielle pour s'adresser à l'opinion publique.
Enfin, il ne faut pas séparer la question du climat des aspects sociaux et de l'emploi. Il s'agit non pas uniquement de sauver la planète, mais de construire un monde dans lequel on puisse vivre dignement et où le coût de l'action soit justement partagé. Il est évident que l'augmentation du prix de l'énergie est le seul levier efficace pour réduire la consommation. Mais comment faire appel à ce moyen de la manière la plus équitable possible, sans pénaliser ceux qui souffrent le plus aujourd'hui ? L'équité et la justice sociale sont indispensables.
Quant à l'impact de l'homme sur le climat, nous avons besoin de grands instruments d'observation et d'étude pour appréhender un système complexe. Cette science n'est pas disponible dans les pays pauvres. L'Afrique souffre d'un déficit de scientifiques du climat, ce qui pose problème pour réaliser l'adaptation locale. Il faut peut-être s'appuyer sur la francophonie pour transmettre les connaissances scientifiques et construire ensemble des moyens d'action communs pour surmonter les blocages nationaux.
Nous travaillons non pas sur les corrélations – aucun constat n'est fondé sur les corrélations entre gaz à effet de serre et climat –, mais sur la compréhension des processus en appliquant à un système complexe des lois de la physique bien établies.
La qualité de l'air, s'agissant de l'ozone et des particules, dépend des émissions. Dans un climat qui se réchauffe, la concentration d'ozone pourrait diminuer en surface. En revanche, plus les émissions de méthane sont importantes, plus la concentration d'ozone va augmenter. Dans les grandes villes, les pics de chaleur vont certainement augmenter la concentration ponctuelle en ozone et en particules fines, dont les effets importants sur la santé sont connus.
La question du dégel du permafrost, avec le risque de libération de gaz à effet de serre due au réchauffement des zones arctiques, est prise en compte dans le rapport du GIEC à partir de l'état des connaissances, qui demeure partiel. À l'horizon 2100, dans le scénario le plus haut, les rejets de méthane et de dioxyde de carbone pourraient représenter l'équivalent de 10 à 20 % des émissions humaines. Ces rejets de gaz à effet de serre viendront s'ajouter aux rejets actuels et occasionneront un réchauffement plus important. L'exploitation des hydrates de méthane sous-marins a-t-elle un impact ? C'est une source d'énergie fossile qui s'ajoutera aux autres.