Je partage entièrement ce que vient de dire Mme Masson-Delmotte. Nous sommes engagés quotidiennement auprès des jeunes et de la société pour essayer de transmettre une part de nos savoirs.
Nous disposons d'éléments solides sur l'évolution des températures. En revanche, des incertitudes demeurent sur les précipitations. Nous alertons néanmoins sur la disponibilité de la ressource en eau du fait de l'évapotranspiration que provoque le réchauffement. Dans nos projections, la quasi-totalité du territoire pourrait, à la fin du XXIème siècle, connaître toute l'année une sécheresse similaire à celle de 1976. Dès la moitié du siècle, des zones importantes pourraient en être victimes. Quand on quitte les chiffres et les rapports pour faire appel à la mémoire – je pense à 1976 ou à l'épisode du printemps 2011 –, on peut éveiller l'attention et mettre en mouvement la société. Nous montrons parfois l'image d'agriculteurs appelant la pluie dans leurs prières devant un calvaire en 1976.
Notre premier travail consiste à parfaire la connaissance scientifique et à améliorer le diagnostic. Il y a dix ans, sur la carte d'évolution des précipitations par département, de nombreux départements n'étaient pas renseignés faute de données suffisamment solides, malgré une riche histoire météorologique. Nous avons entrepris un effort de reconquête qui s'apparente à de la paléoclimatologie dans les archives. Cet effort n'est possible qu'avec le soutien financier du mécénat, en complément du soutien institutionnel, en l'occurrence de la Fondation BNP Paribas.
Nous devons couvrir le territoire pour des raisons non seulement scientifiques, mais aussi politiques car certains élus nient la réalité. Or ces derniers doivent être de puissants relais d'opinion. Le message que nous portons est que notre devoir est de regarder la situation avec lucidité.
Les pays doivent s'adapter parce que le système climatique est en mouvement. L'adaptation consiste en une gestion des risques qui tienne compte d'échéances plus longues et plus complexes. En la matière, nous observons un fourmillement de bonnes volontés et d'actions qui demeurent isolées. Il manque une stratégie et une planification sur le modèle du plan que nous avons connu il y a quelques années.
Nous rencontrons des chargés de mission dans les collectivités territoriales, qui élaborent seuls dans leur coin des plans climat-énergie et nous appellent à la rescousse. Mais les climatologues ou les météorologues ne sont pas aptes à couvrir tous les champs des plans climat-énergie territoriaux. Ces chargés de mission sont parfois une manière de se donner bonne conscience.
Nous ne nous intéressons pas aux industriels et à ce qu'ils font dans ce domaine alors qu'eux ne peuvent pas se permettre de faire l'impasse sur l'analyse de tous les possibles.
Il faut accepter l'idée que l'adaptation a un coût, mais celui de la non adaptation est encore plus élevé. Il faut donc porter un nouveau regard sur nombre de secteurs de notre économie dont les activités ont un impact sur le climat.
Enfin, pour conclure, je veux répéter combien Météo-France est engagé en matière de changement climatique. L'établissement public travaille à cet effet en collaboration avec l'Institut Pierre Simon Laplace (IPSL) et le Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique (CERFACS), ainsi qu'avec toutes les communautés connexes à la météorologie, l'agronomie, l'hydrologie. Nous sommes en effet convaincus de la nécessité de renforcer la cohérence de l'action des organismes publics dans ce domaine. Nous avons ainsi créé une mission, baptisée « mission Jouzel » qui doit fournir une synthèse des scénarii climatiques pour la France métropolitaine et l'outre-mer. Nous souhaitons faire des projections sur l'ensemble du territoire des conclusions du GIEC, qui soient suffisamment unanimes et cohérentes pour être utilisées par tous les acteurs de l'action publique.
Nous ne sommes pas assez nombreux et devons encourager la participation de tiers capables de relayer l'information, d'être à vos côtés et aux côtés des industriels. Je n'ai malheureusement pas le temps de répondre à toutes les questions, mais si j'avais un seul mot à dire, ce serait : « plan ».