Intervention de Alexandre Magnan

Réunion du 27 novembre 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Alexandre Magnan, chercheur à l'Institut du développement durable et des relations internationales, IDDRI :

J'ai publié un livre dans lequel j'affirme que nous sommes tous vulnérables au changement climatique. La communauté internationale a tendance à penser que seuls les pays pauvres souffrent de vulnérabilité et que les pays développés n'y sont pas exposés. Réduire la vulnérabilité ne serait qu'une question de moyens. Cela est partiellement vrai. L'argent permet en effet de réduire les risques et de mettre en place des plans, mais il n'apporte pas une solution à tous les problèmes. Nos pays ne doivent pas se sentir à l'abri des impacts du changement climatique. Les pays plus pauvres, les atolls ou les territoires aux marges de l'Arctique, sont en première ligne car ils seront les premiers à subir les effets du changement climatique, mais cela ne signifie pas que les pays développés ne sont pas concernés. Nos exposés vous l'ont montré.

La « maladaptation » ne traduit pas une vision négative. Elle signifie que l'adaptation est une entreprise difficile. Au niveau local, les décideurs, qu'ils soient dans les entreprises ou dans les collectivités, sont confrontés à la même question difficile : comment développer une stratégie d'adaptation au changement climatique sans connaître les impacts précis de celui-ci ? Comment se préparer à l'inconnu ? Cette question est légitime et la réponse scientifique n'est pas claire.

Pour les milieux coralliens que je connais bien, nous pouvons expliquer aux décideurs : plus vous rejetez vos eaux usées sur les récifs, plus vous cassez les récifs pour construire des accès, plus vous perturbez la dynamique sédimentaire et plus vous serez confrontés à des problèmes d'érosion, plus vous limiterez la capacité des écosystèmes à répondre naturellement aux problèmes. Nous leur disons aussi : il y a une part d'incertitude, mais l'incertitude fait partie de votre métier. En outre, il y a aussi des certitudes sur la dégradation à l'oeuvre du système climatique. L'idée de la « maladaptation » peut se résumer ainsi : il y a des choses à inventer, mais il y a aussi des choses sur lesquelles on sait comment agir. Il faut donc trouver les moyens de passer des discours à la réalité.

Vous avez demandé des exemples susceptibles de mobiliser l'opinion publique. Un bilan des plans climat-énergie territoriaux offrirait certainement de bons exemples. La tempête Xynthia fournit un autre exemple : elle a fait énormément de dégâts et elle a induit une évolution de la législation sur l'aménagement et la protection du littoral qui a marqué les esprits pour un temps. Je crois à la force de l'exemple, mais cela ne fait pas tout. Tant que les populations ne sont pas directement touchées par des catastrophes naturelles, la prise de conscience reste insuffisante.

S'agissant de la mobilisation de l'opinion publique, le problème vient de ce que le changement climatique est perçu comme un élément très négatif. Le message ne parvient pas à passer auprès de l'opinion publique car celle-ci n'a pas envie de se confronter à la peur. L'urgence et la catastrophe annoncée ne sont pas des messages mobilisateurs et efficaces. Il serait bienvenu d'introduire une vision positive mettant en avant les moyens dont nous disposons déjà pour agir. Les atolls, parce qu'ils sont confrontés aujourd'hui au changement climatique, sont dans l'obligation de trouver des solutions – bonnes ou mauvaises – permettant de répondre aux enjeux économiques et démographiques et de se protéger contre les risques naturels. On pourrait les présenter comme des pionniers de l'adaptation plutôt que comme des victimes du changement climatique. Cette approche positive serait davantage pertinente que la vision négative qui est improductive.

L'adaptation au changement climatique s'inscrit pleinement dans la logique du développement durable. Si le développement durable pose les principes de l'adaptation, le changement climatique impose les échéances. La Commission pourrait insister sur ces échéances car les conditions de l'action – les principes et les moyens – sont réunies.

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