C’est vrai que nous avons, nous autres, été engoncés dans de multiples réglementations, en particulier environnementales. La France, il y a dix ans, était à vingt-cinq millions de porcs abattus, majoritairement en Bretagne, et nous sommes aujourd’hui à vingt-trois millions. Le ministre de l’agriculture évoque de nouveau un objectif de 25 millions ; j’espère que nous saurons y revenir.
Voilà l’évolution des chiffres en quelques années. Dès le mois d’octobre 2009, le comité régional porcin et les abatteurs bretons ont dénoncé cette situation. Ils ont d’ailleurs introduit une plainte devant les instances européennes. Depuis quelques mois, cette affaire a pris un tour tout à fait considérable. Je voudrais, mes chers collègues, que chacun mesure les difficultés. Elles ne sont pas spécifiques à l’abattage-découpe. J’évoquerai quelques exemples dans le domaine du légume, exemples qui m’ont été indiqués par des spécialistes de Saint-Pol-de-Léon et de Paimpol, connaissant parfaitement ces questions.
Tout cela se passe à quelques encablures de notre frontière, dans le Palatinat. L’entreprise Sahler à Dannstadt, sur 650 hectares, emploie cinq cents saisonniers en été, cent en hiver, pour une production de radis, de poireaux, de céleris, de carottes, autant de produits qui nous concurrencent : les conditions y sont devenues tellement exigeantes que les Polonais sont partis et ont été remplacés par des Roumains et des Biélorusses.
Autre exemple, toujours dans le Palatinat, à quelques kilomètres de la France, l’entreprise Geil à Harthausen, spécialisée dans le bio – cela vous intéressera, madame la présidente de la commission : 650 hectares, 450 saisonniers, produit toutes sortes de de légumes, et ses salariés travaillent entre douze et quatorze heures par jour.
Dernier exemple, toujours dans le Palatinat, à quelques kilomètres de la France : l’entreprise Renner qui, il y a encore dix ans, était spécialisée dans les céréales et les betteraves à sucre, et qui désormais, sur 1 300 hectares, a plus de 500 salariés, dont 90 % de Roumains. Ces salariés sont payés entre cinq et six euros de l’heure.
De même, on mesure les difficultés dans la filière porcine. En Bretagne, le coût différentiel est estimé autour de cinq euros par porc. Quand on sait que la marge de nos entreprises – pour celles qui réalisent encore des marges – est de l’ordre d’un euro par porc, la différence pour la Bretagne est de 75 millions d’euros chaque année. Ces cinq euros permettent aux Allemands, non seulement de soutenir leurs éleveurs, mais aussi d’être plus compétitifs sur les marchés et de financer la modernisation de leurs infrastructures.
Mesurez bien que, dans certaines entreprises d’abattage, c’est près de 90 % des salariés qui sont des étrangers. L’entreprise Tönnies, qui est peut-être celle qui a lancé ce « modèle » outre-Rhin, salarie à Rheda-Wiedenbrück 2 200 salariés, dont 90 % sont des Européens de l’Est.