Intervention de Philippe Vitel

Réunion du 10 octobre 2012 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vitel :

Peut-on en savoir un peu plus sur le programme des nouveaux bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH) que le ministère de la défense considère non comme une acquisition patrimoniale mais comme un partenariat public-privé (PPP) mis en place pour quinze ans ?

Le port d'attache des sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) declasse Barracuda est Toulon, mais, hier soir, le secrétaire général pour l'administration a évoqué des investissements en infrastructures à Toulon et à Brest. Envisage-t-on de répartir ces sous-marins sur les deux ports ?

La construction d'un missile antinavire léger (ANL), envisagée dans le cadre d'un accord industriel franco-britannique, est-elle toujours d'actualité ou la France y a-t-elle définitivement renoncé ?

Amiral Édouard Guillaud. Les modalités du retrait d'Afghanistan n'ont pas changé depuis juillet. Il s'effectue pour l'instant par la voie aérienne mais, au nord, la voie terrestre se dégage, l'Ouzbékistan ayant ratifié la semaine dernière des accords techniques. Restons prudents, toutefois : les Américains, en avance sur nous, ont mis six mois à sortir de la jungle administrative, après la signature de leurs accords. Pour l'heure, nous avons réalisé 28 % de notre plan de marche, contre 25 % prévus à cette date, ce qui dégage une marge d'avance, par exemple au cas où la météo se gâterait.. Nous réalisons donc fidèlement le programme fixé par le Président de la République.

Aucune difficulté nouvelle n'est apparue. Officiellement, rien n'est sorti d'Afghanistan par le Pakistan depuis l'annonce de sa réouverture. Presque rien n'y est entré. Seuls 50 conteneurs ont quitté Karachi. Il est logique d'attendre quelques mois en pareil cas.

Pour 2012, on évalue à moins de 500 millions d'euros le surcoût des opérations en Afghanistan. En 2013, les surcoûts baisseront sous l'effet de la diminution du nombre d'hommes sur place– ils ne seront plus que 1 500 à partir du 1er janvier –, la fin de l'opération de désengagement étant prévue au 1er juillet. Les sommes consacrées à l'Afghanistan sont pratiquement équivalentes en 2011 et en 2012, mais les dépenses se sont déplacées des combattants vers les surcoûts logistiques.

Toutes les unités de l'armée de terre sont passées en Afghanistan.. Si elles disposent d'un savoir-faire, la guerre qui s'y déroule n'a rien à voir avec les opérations qu'il faudrait conduire, par exemple, pour soutenir la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) au Mali ou sécuriser les armes de destruction massive en Syrie. Certaines leçons, que nous avons correctement identifiées avec nos alliés, sont pérennes. D'autres sont spécifiques au théâtre afghan.

Le format de l'armée de terre doit rester cohérent. Il n'est pas prévu de renoncer à certaines fonctions, même si leur proportion peut être réduite. Pour des raisons stratégiques, les abandons éventuels devront être étroitement coordonnés avec nos alliés dans le cadre du traité de Lancaster House, du triangle de Weimar, de Weimar plus, de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) ou de l'OTAN, le risque étant que les États « se repassent la patate chaude ». Tant que le Livre blanc n'est pas paru, nous ne connaissons pas nos ambitions, qui devront ensuite être déclinées à la fois armée par armée et de manière globale.

Le Kosovo ne saurait profiter géographiquement de la ligne de retour aérienne ou maritime de l'Afghanistan. Une mutualisation est d'autant moins envisageable qu'il ne s'agit pas des mêmes matériels. Si le nombre de gendarmes présents au Kosovo a beaucoup diminué dans le cadre de la mission EULEX, notre présence reste indispensable sur place, où le conflit demeure entre Kosovars d'origine serbe (KOS) et d'origine albanaise (KOA), notamment autour de l'Ibar. La question peut être posée au Gouvernement mais, sur le plan non de la politique mais de la géostratégie, il sera plus difficile de nous retirer du Kosovo, situé à 1 500 kilomètres des capitales européennes, que de l'Afghanistan, qui est à 7 000. Si le Kosovo progresse sur la voie de l'indépendance, la Kosovo Security Force (KSF) n'a ni le savoir-faire ni la rectitude d'une gendarmerie ou d'une armée. Le côté serbe n'étant pas très calme, je pense que nous resterons encore quelque temps sur place.

Pour 2013, l'enveloppe de 630 millions consacrée aux OPEX me semble réaliste mais nous ne savons jamais exactement quelles seront les dépenses. Cette année, nous terminerons à 870 millions, pour 630 budgétés. Une loi de finances rectificative prendra l'écart en compte. Reste que le budget ne prévoit pas l'ouverture d'une opération nouvelle, qui pourrait intervenir en Afrique ou ailleurs. À la différence du Royaume-Uni ou des États-Unis, la France est un des rares pays à inclure les OPEX dans le budget de la défense.

Pour les BSAH, deux versions concurrentes étaient prévues : l'une, en PPP, l'autre patrimoniale, avec 8 navires aux normes civiles dont 4 à équipage civil et 4 à équipage militaire, ce qui revenait à reconduire le dispositif actuel avec des bâtiments plus modernes et mieux adaptés. Ces BSAH ne doivent pas être confondus avec les Abeille Bourbon, remorqueurs d'intervention, d'assistance et de sauvetage, dont le rapport coût-efficacité n'est plus à démontrer, même si des contraintes budgétaires nous obligent à « rogner » sur les équipements.

Le stationnement des SNA en Méditerranée n'est pas remis en cause, et leur entretien majeur est à ce jour prévu à Toulon. Pour l'heure, je n'ai pas de changements considérables à annoncer, sinon que la baisse de 30 % de nos crédits d'infrastructures, lesquelles ont été trop souvent sacrifiées depuis vingt ans, posera à terme des difficultés, notamment dans le domaine nucléaire.

Le projet de missile antinavire léger (ANL), un des programmes phares de la coopération franco-britannique, n'est pas abandonné, mais il est provisoirement suspendu pour des raisons de calendrier..

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