Intervention de Bernard Deflesselles

Réunion du 10 octobre 2012 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Deflesselles :

Que recouvre pour vous l'expression de mutualisation capacitaire, qui fait florès ? Quelles sont vos intentions en la matière ? Négociation après négociation, il semble que l'OTAN soit amenée à contribuer financièrement à la défense anti-missiles. Dans ce cas, quelle serait notre participation et à quelles retombées peut-on s'attendre en matière industrielle et technologique ?

Amiral Édouard Guillaud. L'arc de crise est une approche pertinente sur le plan géographique et stratégique, même si l'on doit s'interroger sur le tracé de ses contours : il identifie les zones d'instabilité potentielles, sur la base d'un constat. Il ne désigne aucun théâtre d'intervention, mais la notion peut être mal comprise par les populations concernées. Lorsque l'on parle de zone d'intérêt régional, on change de registre : celui des intérêts, de fait plus complexe. Quand des problèmes surgissent entre la Corée et le Japon et entre celui-ci et la Chine, nous n'y sommes intéressés que de fort loin. Tout aussi éloignée, la mer de Chine méridionale – l'entrée du détroit de Malacca –, qui voit passer 40 % du commerce mondial, nous intéresse en revanche au premier chef. La notion de distance n'est pas la seule pertinente. D'ailleurs, elle ne signifie rien dans l'espace ou le cyberespace. Je fais confiance à la Commission du Livre blanc et à son président Jean-Marie Guéhenno pour choisir l'expression la plus appropriée.

Pour les bases de défense, il y a quelques écueils à éviter. Les représentants de la Cour des comptes ont dû regarder une carte sans relief quand ils ont suggéré qu'en Corse, une seule base de défense pouvait suffire. Ont-ils jamais fait en voiture la route qui mène de Solenzara à Ajaccio ? En revanche, on peut probablement s'interroger sur le statut de Vannes et de Lorient.

Pour le Sahel, le Président de la République a indiqué que nous serions prêts à soutenir une opération africaine ou internationale. Un projet est en cours d'élaboration à l'ONU. Placé sous chapitre VII de la charte des Nations Unies, il concerne une mission non seulement de maintien mais d'imposition de la paix. Nous suivons le dossier de près. Nous soutiendrons bien entendu la légalité internationale mais il faut aussi une appétence malienne, qui ne se manifeste pas clairement.

La notion de mutualisation capacitaire est une auberge espagnole, comme le pooling and sharing ou la smart defence. Si j'y suis extrêmement favorable, je suis aussi très prudent. Avant de mutualiser, il faut avoir un accès garanti, ce qui relève du politique, et très bien connaître l'autre, pour ne parler que du bilatéral. Il est aussi plus facile politiquement et diplomatiquement de mutualiser des capacités de défense ou de résilience que des capacités offensives. Ainsi, nous travaillons avec les Allemands en vue de rapprocher nos services de santé, domaine dans lequel l'accord du Bundestag est acquis. D'autre part, il est plus facile à deux pays de la même taille de mutualiser. Enfin, il existe des stratégies de niches, comme en développent les Néerlandais ou les Danois. La mutualisation n'est pas la panacée, mais seulement un outil parmi d'autres.

À l'égard de l'OTAN, la position française est de proposer non un financement mais des fournitures en nature. Certes, à mesure que leur budget diminue, des industriels américains ont tendance à réclamer des financements à l'OTAN. Ils font preuve de la même agressivité pour négocier les contrats d'armement à l'exportation. Il faut toutefois se rappeler la déconvenue industrielle qu'a représentée la guerre des étoiles, soutenue par les grands groupes français, qui n'ont bénéficié d'aucune retombée. Même bilan pour l'avion F-35 ou Joint Strike Fighter (JSF), auquel tout le monde s'était rallié. Les Britanniques, qui financent 10 % de son développement, n'ont pas pu accéder aux codes de furtivité : il y a deux ans, la direction de Lockheed leur a répondu qu'ils avaient signé un accord avec le Gouvernement américain, mais non avec elle. Il y a trois jours, la Fédération des industries danoises a protesté parce qu'aucun contrat industriel n'avait été passé aves le Danemark sur ce dossier. Regardons l'histoire avant de céder aux industriels.

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