Qu'attendez-vous, sur le plan budgétaire, des négociations sur les marges des industriels dont vous avez annoncé qu'elles seraient menées avec une certaine brutalité ?
Amiral Édouard Guillaud. Quand il s'agit d'investir, le ministère de la défense n'est pas le seul concerné. Bercy peut geler des crédits ou ne pas les passer au contrôle financier, ce qui retarde certaines décisions, quitte à déclencher un effet de cliquet annuel. C'est un moyen de régulation externe que nous subissons.
Le projet des bases de défense a pu être mené rapidement parce qu'il ne prévoyait pas de construction de matériel et concernait uniquement les hommes. Un programme d'armement peut s'étendre sur 70 ans. Il s'écoule 15 ans entre le moment où l'on choisit un char ou un avion de combat et celui où le premier modèle est opérationnel. Le matériel dure 40 à 50 ans, suivis de quelques années de démantèlement. Ce temps de 70 ans est à peu près le même dans tous les pays. Le programme Leclerc a été lancé pour 1 200 chars, quand l'URSS existait encore. Nous en avons aujourd'hui 254. Plus le matériel est complexe, plus le temps de décision est long. Si le Caesar a pris moins de temps, c'est que l'idée a germé non dans l'armée, mais chez Nexter, qui a dû y penser deux ou trois ans avant nous. J'aimerais que les délais soient plus courts, mais l'armée n'est pas seule décisionnaire. Si elle l'avait été pour les drones, il y a longtemps que le problème aurait été réglé.
Sur les 1 500 Français qui resteront en Afghanistan au 1er janvier, il restera 30 % à 40 % de forces offensives et, sur les 500 qui resteront au 1er juillet, 50 % de forces offensives. Parmi les 1 500, il y aura beaucoup de logisticiens et, parmi les 500, des médecins, infirmiers et personnels médicaux, 150 formateurs et autant d'anges gardiens, le reste appartenant à la structure de commandement de l'aéroport de Kaboul, qui est multinational et dont nous n'assurons pas directement la sécurité.
J'aimerais vous répondre sur l'ampleur des gains que peuvent nous ouvrir des négociations, sachant que les marges, allant de 15 % à 90 %, excèdent en moyenne de 25 % à 30 % celles qu'on trouve dans l'industrie sur du matériel neuf. Nous tenterons de gagner quelques centaines de milliers d'euros pour les réinjecter. La difficulté, même pour négocier de manière brutale, vient du fait que nous parlons à un partenaire en situation de quasi-monopole. Dès lors, il faut recourir à des moyens de pression, comme la médiatisation.