Pourtant, devant l’explosion du chômage et de la précarité, l’accroissement des inégalités salariales, sociales, territoriales et sanitaires, nous aurions pu porter collectivement l’exigence d’assurer à toutes et à tous un très haut niveau de protection sociale. Nous savons, sur tous ces bancs – en particulier à gauche –, que notre système de protection sociale permet d’amortir les effets des crises que nous traversons et qu’il contribue pour une large part à la réduction des inégalités dans notre pays. Voilà pourquoi nous pensons qu’il n’est d’autre issue que de le sanctuariser.
Il nous faut malheureusement faire le constat que ce PLFSS n’est pas au niveau d’une telle exigence. Inscrit, comme vous l’avez dit, madame la ministre, dans la trajectoire de redressement des comptes publics, il s’apparente davantage à un exercice comptable qu’à la mise en oeuvre d’une exigence de justice sociale. Encore une fois, la réduction des déficits publics l’emporte sur la satisfaction des besoins des assurés.
J’en veux pour preuve l’ONDAM, dont la progression, restreinte à 2,3 %, est inférieure à celle, déjà insuffisante, votée pour 2013. M. Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, s’est félicité d’une baisse « historique », comme si l’on pouvait se réjouir que le Gouvernement applique une telle austérité, notamment aux hôpitaux, dont les dépenses devraient mécaniquement augmenter de 3 % l’an prochain sous l’effet de l’inflation, de la hausse des salaires et de la TVA.
Ce sont, une fois encore, les établissements publics de santé qui paieront le plus lourd tribut à l’austérité appliquée à la branche maladie. Pour ces établissements, la potion est d’autant plus amère que ces dispositions interviennent après la suppression formelle, dans le PLFSS pour 2013, de la convergence tarifaire entre public et privé. Les établissements publics de santé ont ainsi subi en 2013 l’une des plus dures campagnes de fixation des prix, aboutissant à des réductions de leurs tarifs jusqu’à trois fois plus importantes que celles imposées aux cliniques et établissements commerciaux. Cette baisse tarifaire représente une baisse de ressources de plus de 300 millions d’euros. Dans les faits, la poursuite de la convergence tarifaire et la réforme de la tarification à l’activité se font au détriment des populations et des structures publiques de santé. Nous pensons que ce n’est pas acceptable.
Certes, vous n’avez pas persévéré dans le sillage de la prétendue responsabilisation des patients, chère à la droite, qui conduit aux déremboursements. Mais vous n’êtes pas non plus revenus sur les freins à l’accès aux soins – franchises médicales, forfait hospitalier – votés sous la précédente majorité, que nous n’avons pourtant cessé de combattre ensemble. Vous avez même inscrit à votre tableau de chasse des prises qui pourraient faire rêver la droite. Il en va ainsi de la réduction du champ de la protection sociale aux risques les plus graves et les plus coûteux, laissant aux organismes complémentaires, mutuelles et assurances privées, le soin d’assurer le reste des remboursements. C’est un marché de 25 milliards d’euros qui peut non seulement faire rêver, mais surtout aiguiser bien des appétits.
Les effets de la trajectoire de redressement se feront également sentir dans le champ médico-social : vous avez fixé le taux d’évolution de l’ONDAM médico-social à 3 %, contre 4 % l’an passé. Comment les établissements médico-sociaux pourront-ils faire face à l’inflation et à l’augmentation de la TVA, si ce n’est au prix d’une dégradation des conditions de travail et d’une réduction des capacités humaines ? Les salariés sont en première ligne, jouant à nouveau le rôle de variable d’ajustement de l’équilibre financier de ces établissements. Or nous savons tous que la dévalorisation du travail, notamment dans les services d’aide à domicile, se traduit toujours par une baisse de la qualité du service rendu aux usagers.
C’est d’autant plus dommage que, dans ce domaine, beaucoup reste à accomplir, qu’il s’agisse de la modernisation des EHPAD, de la prise en charge des maladies liées au grand âge, de l’aide à apporter aux familles ou de la prise en charge de la perte d’autonomie en général. À cet égard, comment ne pas rappeler et dénoncer une fois encore le détournement du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, instaurée l’an dernier sur les retraites ?