Il importe de replacer la question du financement de la branche famille dans une réflexion plus générale. Depuis plusieurs années, je souligne la nécessité d'opérer une distinction fondamentale entre la protection sociale personnelle et la protection sociale universelle. La première ouvre des droits proportionnés aux cotisations versées, et concerne donc les retraites – à l'exception du minimum vieillesse –, le chômage et, dans une certaine mesure, l'invalidité. Il n'est pas envisageable de la financer autrement que par des cotisations sociales. Je sais que pour équilibrer le financement du système de retraite, certains suggèrent de faire appel à des taxes sur l'activité plutôt que d'allonger la durée de cotisation, mais une telle politique serait suicidaire. Il est économiquement, socialement, politiquement et philosophiquement illogique d'asseoir le financement du chômage et de la retraite sur autre chose que les salaires de leurs bénéficiaires directs.
À l'inverse, la protection sociale universelle ne doit pas être financée par des prélèvements sur les salaires. Les dépenses de santé, les prestations familiales, les prestations d'invalidité et de retraite sans lien avec des cotisations et tout ce qui relève de la lutte contre la pauvreté, comme le revenu minimum d'insertion (RMI) et le revenu de solidarité active (RSA), doivent faire l'objet de financements directs et universels.
Dès lors se pose une deuxième question : la protection sociale universelle doit-elle être financée par l'impôt sur le revenu, par la CSG ou par la TVA ?
S'agissant de la santé, de la famille et de l'invalidité, il convient selon moi de ne recourir qu'à des impôts proportionnels comme la CSG ou la TVA. C'est pourquoi l'hypothèse d'une fusion entre impôt sur le revenu et CSG me paraît relever de l'impasse idéologique – j'en débats d'ailleurs depuis des années avec M. Thomas Piketty. Faire de la contribution sociale généralisée un impôt progressif serait une erreur historique.
La CSG finance essentiellement des dépenses à caractère universel comme la santé. Or si, il y a trente ans, on pouvait encore affirmer que les plus éduqués bénéficiaient plus des services de soin, parce qu'ils en connaissaient mieux les portes d'accès, les écarts de consommation entre classes sociales se sont depuis considérablement réduits. La CSG étant proportionnelle, une personne qui gagne dix fois plus d'argent qu'une autre paiera également dix fois plus d'impôt. Elle versera donc dix fois plus pour des services de soins délivrés de façon égale. Dès lors, l'usage de la CSG pour financer une prestation universelle a déjà un caractère extrêmement progressiste.