Je vais tenter d'apporter un éclairage extérieur à la zone européenne, car je travaille sur les zones antarctiques où est également pratiquée la pêche en eaux profondes.
Dans ce domaine, de gros efforts ont déjà été faits pour améliorer les pratiques. Il est indéniable que les filets maillants et le chalut de fond portent atteinte à l'environnement, mais qu'à une partie de cet environnement car il existe dans certaines zones de vastes plaines qui ne recouvrent pas un écosystème marin vulnérable. Ce n'est pas le cas dans les systèmes rocheux, où l'utilisation de ces engins conduit à la destruction massive de coraux, d'éponges et de nombreux organismes qui structurent la biodiversité.
L'impact de la pêche sur ces écosystèmes marins vulnérables n'est pas aussi important qu'on peut l'imaginer, y compris dans les mers européennes. Si nous acceptons de restreindre la pêche à certaines zones et d'interdire l'utilisation d'engins peu adaptés à la pêche en eaux profondes, nous pourrions parvenir à un compromis acceptable qui respecte l'environnement et permette de maintenir une petite pêche en eaux profondes.
Cette approche est celle qu'a adoptée dans les mers australes la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR), qui est très en avance sur cette question par rapport à la Commission européenne. Nous avons en effet adopté au sein de cette commission une approche « écosystémique » qu'il conviendrait de mettre en oeuvre dans la zone européenne. Le CIEM, qui gère les stocks, doit s'intéresser également aux captures d'espèces accessoires et non uniquement aux espèces de la pêche dirigée. C'est un élément important pour une pêche durable en zone profonde.
Il faut proposer des restrictions de zone et imposer l'observation scientifique embarquée pour récupérer des données fiables, objectives et utilisables en statistiques. En matière de valorisation des produits, il faudrait faire un effort pour valoriser les captures accessoires qui sont en grande partie rejetées à la mer. Il faut privilégier la pêche locale et non faire appel à des pêches lointaines très coûteuses en énergie – je pense aux pêches africaines ou sud-américaines, dont le transport vers l'Europe représente un coût considérable et ne sont pas du tout viables au plan de la gestion durable. Enfin, il faut imposer un dialogue constructif entre les scientifiques, les ONG et l'administration, car il est la clé de voûte d'une pêche durable.