Intervention de Hélène Bourges

Réunion du 26 novembre 2013 à 17h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Hélène Bourges, chargée de campagne Océans à Greenpeace France :

Je vous remercie d'avoir invité Greenpeace à participer à cette table ronde.

Après vous avoir présenté la position de Greenpeace sur la pêche en eaux profondes, j'insisterai plus longuement sur les résultats de l'étude de la New Economics Foundation qui ont été publiés il y a quelques jours et qui soulignent les aspects socio-économiques de cette pêcherie.

Mais je voudrais avant tout rappeler de quoi nous parlons. La pêche profonde est pratiquée de 400 à 1 800 mètres de profondeur et concerne 37 bateaux en France – c'est le nombre de permis attribués pour pratiquer ce type de pêche dans notre pays. Les captures d'espèces profondes correspondent à 1,5 % de l'ensemble des captures de pêche de l'Union européenne.

Le texte initié par la Commission européenne, qui se trouve entre les mains du Parlement européen et qui, je l'espère, parviendra au Conseil européen, a pour objectif d'améliorer la gestion et les pratiques de la pêche en eaux profondes.

La proposition de la Commission visait à interdire progressivement les deux pratiques les plus destructrices que sont le chalutage profond et l'usage des filets maillants, et non à interdire purement et simplement la pêche profonde.

Dans la mesure où il existe désormais un consensus sur le fait que le chalutage profond cause des dommages irréversibles à des écosystèmes marins très vulnérables, je centrerai mon propos sur les aspects socio-économiques de cette pêcherie. Car lorsque le législateur décide d'interdire une activité économique, il doit se poser la question des bénéfices que cette activité rapporte mais également des coûts qu'elle engendre sur le plan environnemental, social et économique. Les experts de la NEF ont analysé le rapport coûtsbénéfices de la pratique du chalutage profond. Pour établir son coût environnemental, ils ont pris en compte plusieurs aspects.

Le premier est l'émission de gaz à effet de serre, car les chalutiers consomment une importante quantité de fioul en traînant des engins lourds sur de longues distances. La NEF estime cette consommation à 920 litres de fioul par tonne de poissons pêchés, ce qui correspond à un coût de 165 euros.

La NEF a également pris en compte le coût des rejets des prises accessoires, puisque 20 à 40 % des captures d'un chalut profond sont rejetées à la mer. Si nous considérons que le taux moyen de rejet est de 20 % et que ces poissons ont une valeur commerciale inférieure de 20 % à celle des espèces commercialisées, nous parvenons à un coût situé entre 71 et 104 euros par tonne de poissons pêchés.

Les experts de la NEF ont aussi analysé les comptes des armateurs, dont ceux du premier armateur français de 2002 à 2011 en prenant en compte les subventions européennes qui lui ont été allouées, les détaxes sur le fioul accordées aux pêcheurs qui pratiquent la pêche en eau profonde et les résultats nets de l'entreprise. Ils ont constaté une perte économique nette chiffrée entre 153 et 225 euros par tonne de poissons.

Il en résulte que la somme des coûts environnementaux et énergétiques du chalutage profond se situe entre 389 à 494 euros par tonne de poisson pêché.

L'impact de la pêche en eaux profondes sur les emplois s'est trouvé au coeur de la négociation, compte tenu de la situation de l'emploi en France et en Europe. Il existe une technique de pêche en eaux profondes qui permettrait de créer six fois plus d'emploi que le chalutage profond, dont le ratio nombre d'emploistonnes de poissons pêchés est parmi les plus faibles. Cette technique est celle de la palangre, qui consiste à placer une ligne d'hameçons au fond de l'eau.

Il serait intéressant d'avoir plus de transparence concernant le nombre d'emplois concernés. En 2010, lorsque s'est tenu le Grenelle de la mer, l'industrie de la pêche annonçait 200 emplois dans ce secteur. En 2012, la proposition de la Commission européenne évoquait 600 emplois. Plus récemment, il était question de 3 000 emplois. Ce secteur aurait donc multiplié par 15 les emplois en quatre ans, ce qui paraît totalement féérique dans la période que nous traversons.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion