Intervention de Claire Nouvian

Réunion du 26 novembre 2013 à 17h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Claire Nouvian, Présidente de l'association Bloom :

Il y a un désarroi sur le statut scientifique de la littérature publiée. Sur le site de l'Ifremer, figure un article sans signature qui prend position. Nous le contestons. Cet article interprète l'avis rendu par le CIEM en disant que la pêche profonde est devenue durable. Or, 32 publications scientifiques disent le contraire. Quant à l'avis du CIEM, il n'est écrit nulle part que les stocks sont conformes au RMD. Il est indiqué que le RMD pourrait être atteint si les tendances étaient confirmées. Mais ces dernières sont à prendre avec précaution car les seules évaluations dont nous disposons reposent sur les captures par les bateaux. Il n'y a pas d'évaluation indépendante de la ressource. Les chiffres des pêcheurs sont intéressants mais ils ne rendent pas compte du nombre de poissons dans la mer. Le CIEM a d'ailleurs mis en garde contre l'utilisation des données de pêche pour évaluer la biomasse. Il faut davantage d'objectivité. Les revues scientifiques internationales posent des garde-fous importants en la matière. C'est pourquoi il est essentiel de s'y référer.

Aujourd'hui, la pêche en eaux profondes n'est plus de la pêche mais de la captation de ressources publiques permettant de dégager une marge bénéficiaire. 80 % de la pêche en France est faite par des artisans ; selon nous – mais je sais que nombre de pêcheurs partagent cette conception – elle consiste à avoir un bateau, à aller chercher du poisson, à le vendre et à vivre du produit de sa pêche. En revanche, la pêche profonde est le fait de trois conglomérats industriels qui réalisent une marge sur le consommateur final. L'activité est en outre chroniquement déficitaire. Les comptes certifiés par le cabinet KPMG, une référence solide, et déposés au tribunal de commerce en témoignent. Le modèle économique sur laquelle elle repose est défaillant.

Le secteur de la pêche artisanale se tourne vers les ONG car les pêcheurs constatent avec dépit que les ressources publiques ne sont pas consacrées au maintien de leur activité et des emplois. Le rapport de la Cour des comptes sur les aides de l'État à la pêche, dont Le Nouvel Observateur s'est fait l'écho, souligne l'absence de volonté et de réflexion sur l'avenir de la pêche et la préservation des emplois alors que cette préoccupation est probablement notre seul dénominateur commun.

La réponse ne peut pas être dans le maintien d'une activité de pêche problématique sur le plan écologique et dont le modèle économique est dysfonctionnel. Ce débat n'a lieu qu'en France. Pourquoi des fonds publics devraient-ils soutenir ce genre d'activité ?

Le budget de l'association Bloom s'élevait à 100 000 euros l'année dernière, deux personnes sont salariées. Par ailleurs, je doute que les services de lobbying du cabinet GPlus Europe n'aient pas coûté aux pêcheurs plus de 250 000 euros.

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