Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 4 décembre 2013 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli, rapporteure chargée de la veille européenne :

Je ne reviendrai pas sur le contexte de la proposition de résolution européenne que nous préparons, qui a été rappelé par le président Urvoas, et je vais plutôt vous présenter, avec M. Guy Geoffroy, le contenu de cette proposition.

Son objectif est de rappeler le soutien constant de l'Assemblée nationale à la création d'un parquet européen, depuis plus de dix ans, et l'accueil favorable réservé à la présentation par la Commission européenne d'une proposition de règlement sur ce sujet.

Certaines des modalités retenues par la Commission européenne dans sa proposition devraient cependant être substantiellement revues, afin d'assurer l'efficacité et l'indépendance du futur parquet européen.

S'agissant de la compétence matérielle du parquet européen, tout d'abord, la proposition de résolution réitèrera l'attachement de l'Assemblée nationale à ce que le parquet européen soit compétent en matière de lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière, et ne se limite pas à la seule protection des intérêts financiers de l'Union européenne. Certes, dans le traité, la compétence du parquet européen est en principe limitée à la recherche, à la poursuite et au renvoi en jugement des auteurs et complices d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union.

Toutefois, cette compétence peut être étendue, simultanément ou ultérieurement, à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière par le Conseil européen statuant à l'unanimité, après approbation du Parlement européen.

La proposition invitera le Conseil européen à faire usage de cette possibilité et procéder à une telle extension. La plus-value apportée par le parquet européen en matière de lutte contre le terrorisme, la traite des êtres humains ou le trafic de stupéfiants serait au moins aussi considérable qu'en matière de lutte contre la délinquance financière au détriment du budget de l'Union, et correspondrait sans doute mieux aux attentes des citoyens européens. Cet élément doit être présent à l'esprit.

La proposition de résolution soulignera également que la compétence du parquet européen ne devrait pas être exclusive, mais partagée avec celle des autorités judiciaires des États membres. Un principe d'exclusivité poserait en effet des difficultés pratiques pour le traitement des infractions connexes. Pour garantir l'efficacité du parquet européen, cette compétence partagée devrait être assortie, d'une part, d'une obligation d'information du parquet européen par les autorités judiciaires nationales de toute infraction susceptible d'entrer dans son champ de compétence et, d'autre part, d'un droit général d'évocation lui permettant de se saisir de l'affaire en cause.

La proposition rappellera que le parquet européen devrait être créé, en application de la lettre même du traité, « à partir d'Eurojust ». Cela signifie notamment que sa structure devrait être collégiale, comme l'est celle de l'unité Eurojust, et qu'il devrait entretenir des liens étroits avec cette dernière. Pour que de réelles synergies se développent entre ces deux organes, une proximité géographique, s'agissant du siège du parquet européen, apparaît également indispensable.

Plusieurs paragraphes de la proposition de résolution seront consacrés à la structure du parquet européen. Le parquet européen devrait être institué sous une forme collégiale, composée de membres nationaux ancrés dans leurs systèmes judiciaires respectifs et élisant en leur sein un président, et non sous celle, proposée par la Commission européenne, d'un procureur européen unique, assisté par de simples adjoints et par des délégués auxquels il adresserait ses instructions. Cette structure collégiale confèrerait une plus grande légitimité au parquet européen, faciliterait son acceptation et la prise en compte de la diversité des traditions juridiques des États membres et renforcerait ainsi son efficacité.

Cette collégialité est parfaitement compatible avec la réactivité nécessaire à la conduite des enquêtes, puisque ce collège pourrait être divisé en formations restreintes ou en chambres, regroupant les membres nationaux des États membres concernés par le dossier, et chargées de prendre les décisions opérationnelles courantes.

Les procédures de nomination et de révocation ainsi que le statut des membres du parquet européen devraient s'inspirer de ceux prévus pour les membres de la Cour de justice de l'Union européenne par les articles 253 à 255 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et par le Statut de la Cour de justice de l'Union européenne, afin de garantir leur indépendance. Les personnalités désignées devront notamment réunir toutes les conditions requises pour l'exercice de hautes fonctions juridictionnelles et posséder une expérience pertinente en qualité de procureur.

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