Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 4 décembre 2013 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli, rapporteure chargée de la veille européenne :

La Commission européenne a déposé le 27 mars 2013 une proposition de règlement relative à l'Office européen de police (Europol), aujourd'hui régi par la décision du Conseil 2009371JAI du 6 avril 2009. Or l'article 88 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dispose qu'Europol relève d'un règlement adopté conformément à la procédure législative ordinaire et qui fixe les modalités de contrôle des activités d'Europol par le Parlement européen en association avec les Parlements nationaux.

La proposition de règlement vise notamment à intégrer au sein d'Europol le collège européen de police (CEPOL), qui s'occupe de la formation des policiers, en s'appuyant sur la déclaration commune du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne de juin 2012, qui préconise la fusion des agences dont les missions se recoupent. Il est prévu également d'apporter des modifications importantes au fonctionnement d'Europol : transmission d'informations, communication avec les services répressifs, réforme de la gouvernance. Enfin, les modalités du contrôle parlementaire d'Europol seraient précisées.

Les Parlements nationaux doivent se saisir des pouvoirs de contrôle qui leur ont été conférés par le traité de Lisbonne, et prendre position sur ce dernier point, tout comme sur les principales modifications apportées au fonctionnement et à la direction d'Europol.

À l'invitation de la commission des Libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), j'ai participé aux travaux du Parlement européen sur la proposition de règlement. Les débats ont notamment porté sur la fusion d'Europol et du CEPOL ainsi que sur la structure de contrôle parlementaire, qui doit assurer un contrôle efficace tout en tenant compte de la spécificité des travaux d'Europol, en particulier pour ce qui est des données classifiées. Tous ont souhaité ne pas instituer de nouvel d'organe interparlementaire. Le rapporteur du Parlement européen a proposé plusieurs avancées dont certaines en direction des Parlements nationaux.

Parmi les principales modifications apportées par la proposition de règlement, figure l'intégration du CEPOL – le collège européen de police – dans Europol. Ce règlement réformerait également le fonctionnement d'Europol en matière de transmission d'informations, de communication avec les services répressifs et de gouvernance. Enfin, il définirait les modalités du contrôle parlementaire d'Europol prévu par le traité de Lisbonne.

La Commission européenne estime que la fusion du CEPOL et d'Europol permettrait de dégager des synergies et des gains d'efficacité, se traduisant par des économies de l'ordre de 17,2 millions d'euros sur la période 2015-2020. La très grande majorité des États membres, dont la France, est très opposée à cette fusion. En effet, les deux agences ont des champs de compétences et des modes de fonctionnement différents. Les formations du CEPOL sont largement hors du champ de compétences d'Europol, dont il convient d'éviter la dispersion. Enfin, le montant annoncé des économies est très discutable. En l'état actuel des négociations au Conseil, il paraît très probable que les dispositions sur la fusion des deux agences seront abandonnées.

La proposition de règlement vise à accroître le transfert d'informations des États membres vers Europol. Toutefois, l'unité nationale Europol devrait rester le point de contact privilégié entre Europol et les autorités nationales.

Les données personnelles ne pourraient être transmises par Europol, dans le cadre de ses missions, à des États tiers, organisations internationales ou organes de l'Union, qu'avec le consentement de l'État membre ayant fourni ces données à Europol. Toutefois, l'autorisation de l'État membre pourrait être « réputée acquise » si ce dernier n'a pas expressément limité les possibilités de transferts ultérieurs.

Le régime de protection des données personnelles serait, selon la Commission européenne, renforcé. Le contrôleur européen, en charge de la protection de ces données, recevrait et examinerait les réclamations, contrôlerait l'application du règlement, conseillerait Europol et effectuerait un contrôle préalable des traitements notifiés. Actuellement, le contrôle de la protection des données repose sur les autorités nationales de protection des données s'agissant des données transmises par les États membres, et sur l'Autorité de contrôle commune (ACC) s'agissant de l'activité d'Europol. Les États membres ont souligné que le régime de contrôle par le contrôleur européen de la protection des données n'était pas nécessairement convaincant.

D'ailleurs, le contrôleur européen de la protection des données, dans son avis du 31 mai 2013, souligne la nécessaire coopération entre les autorités européennes et nationales chargées de la protection des données. Il rappelle que les transferts de données personnelles aux États tiers et aux organisations internationales en dehors du cadre d'un accord international ou d'une décision d'adéquation devraient être plus strictement limités et encadrés. Il ajoute même que le consentement d'un État membre à un transfert vers un tiers ne doit jamais pouvoir être présumé.

Plusieurs modifications relatives aux organes de direction d'Europol ont suscité des critiques. Le directeur exécutif serait nommé par le conseil d'administration pour cinq ans sur la base d'une liste de trois noms fournie par la Commission européenne, et non plus pour quatre ans par le Conseil de l'Union. Les modifications ayant trait à la procédure de nomination, aux modifications découlant de l'intégration du CEPOL et aux deux voix accordées à la Commission européenne, au lieu d'une actuellement, sont très contestées.

J'en viens maintenant au contrôle parlementaire d'Europol.

Bien qu'Europol ne dispose pas d'un pouvoir d'enquête autonome ni de pouvoirs coercitifs propres, les activités de l'agence concernent les droits fondamentaux, et plus particulièrement la vie privée des citoyens, ne serait-ce que du fait de l'échange de données à caractère personnel. Cela implique nécessairement le renforcement du contrôle démocratique prévu par le traité de Lisbonne.

Depuis qu'Europol est devenu une agence, le Parlement européen, en tant qu'autorité budgétaire, en vote le budget, le contrôle et donne décharge au directeur de l'exécution du budget. Actuellement, les Parlements nationaux contrôlent Europol essentiellement par le biais de leurs pouvoirs de contrôle du pouvoir exécutif national.

Le Parlement européen s'est, à de nombreuses reprises, exprimé sur le contrôle d'Europol et a toujours soutenu la création d'une commission mixte composée de représentants des Parlements nationaux et du Parlement européen.

La proposition de règlement déposée par la Commission européenne prévoit la transmission d'un certain nombre de documents d'Europol. En outre, Europol devrait également transmettre au Parlement européen et aux Parlements nationaux plusieurs rapports, notamment ses programmes de travail.

Devant la commission des Affaires européennes, je me suis intéressée aux points suivants : les Parlements nationaux doivent pouvoir continuer à prendre leurs propres mesures de contrôle, si bien qu'il ne faut pas supprimer les procédures existantes au sein des États membres. Il conviendra de s'assurer que, dans le texte final, les parlementaires nationaux seront destinataires des mêmes documents que le Parlement européen, pour garantir un contrôle démocratique intégré. Par ailleurs, l'accès à des informations classifiées sous certaines conditions n'est prévu que pour le Parlement européen. Cette question nécessite un travail complémentaire afin de trouver une solution qui garantisse la confidentialité nécessaire aux activités d'Europol.

Après les travaux que j'ai évoqués tout à l'heure, il est proposé que le contrôle d'Europol par le Parlement européen en association avec les Parlements nationaux se fasse par l'intermédiaire d'une cellule de contrôle parlementaire. Il s'agirait d'une structure spécialisée, de petite taille, constituée par la commission LIBE du Parlement européen en collaboration avec un représentant de la commission de l'intérieur de chacun des Parlements nationaux des États membres. Cette cellule serait toujours reçue au siège du Parlement européen et convoquée par le président de la commission LIBE. Présidée par lui et le représentant du Parlement national de l'État membre présidant le Conseil, elle – et non le seul Parlement européen – aurait accès aux informations classifiées de l'Union européenne et aux informations sensibles traitées par Europol, mais, compte tenu de leur caractère sensible, celles-ci seraient traitées au Parlement européen.

Dans la proposition de résolution, il est proposé, au point 4, d'attribuer deux sièges par chambre nationale. Compte tenu des travaux que j'ai poursuivis depuis le dépôt de cette proposition de résolution, il me semble plus opportun de prévoir un membre pour chaque Parlement national, avec un suppléant. Cette rédaction permettrait de régler la question des Parlements bicaméraux, sans pour autant augmenter trop fortement le nombre des membres de la cellule de contrôle parlementaire, donc le risque de divulgation des informations.

Pour le moment, la cellule n'est convoquée que par le président de la Commission LIBE. Or elle devrait pouvoir l'être par ses deux coprésidents. Par ailleurs, le candidat retenu par le conseil d'administration pour le poste de directeur exécutif serait invité à faire une déclaration devant la cellule de contrôle parlementaire, qui l'entendrait aussi avant que le conseil d'administration ne prolonge son mandat. Il conviendrait de prévoir un avis de la cellule de contrôle parlementaire avant toute nomination et prolongation de mandat.

En complément, nous devons réfléchir à la question de l'accès aux données classifiées, dans le cadre de la cellule mixte. S'agissant des informations classifiées, il importe que les parlementaires nationaux membres de cette cellule aient accès aux mêmes données que les parlementaires européens. C'est d'ailleurs la position qui serait soutenue par la commission LIBE. Le rapporteur de cette commission propose que ces données soient traitées selon une procédure établie par le Règlement du Parlement européen. Le détail de ces précisions ne relève pas de la proposition de règlement.

Je vous propose donc de préciser que les règles de confidentialité applicables à ces données doivent être respectées par les membres de la commission mixte, qu'ils soient des parlementaires nationaux ou européens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion