Intervention de Alain Tourret

Réunion du 4 décembre 2013 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret, rapporteur :

Ces questions sont très intéressantes, et j'en remercie leurs auteurs. Je rappelle qu'un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès est nécessaire à l'aboutissement d'une demande en révision. C'est seulement lorsque ce préalable est établi que la question du doute que le fait ou l'élément fait naître sur la culpabilité se pose. Si ce fait ou cet élément fait naître un doute sur la culpabilité du condamné, alors il faut renvoyer l'affaire devant une nouvelle juridiction ou annuler directement la condamnation.

Le président de la cour d'assises peut ordonner, de façon dérogatoire, l'enregistrement des débats. J'ai été choqué d'entendre des avocats dire qu'ils ne demandaient pas cet enregistrement au président de la cour d'assises afin de ne pas entrer en conflit avec lui au moment où ils doivent assurer la défense de l'accusé. Nous estimons que l'enregistrement doit, en matière criminelle, devenir obligatoire. Comment peut-on établir que le fait est nouveau alors que l'oralité des débats y fait obstacle ? La situation actuelle est intenable. Nous nous sommes assurés auprès de la garde des Sceaux qu'elle soutenait ces dispositions.

Quant à la question de la motivation, je tiens à vous faire part de mon malaise. L'Assemblée nationale, en 2011, a déjà traité le sujet. Si elle ne l'avait pas fait, nos propositions auraient été au-delà de ce qu'elles sont aujourd'hui. La loi du 10 août 2011 a fixé, à compter de 2012, une exigence minimale de motivation. Je constate que la Cour européenne des droits de l'homme considère que c'est « a priori » suffisant : cela signifie qu'elle peut à nouveau condamner la France. En outre, la motivation ne porte pas sur le quantum de la peine. Il est extrêmement difficile d'expliquer au justiciable pourquoi les jugements correctionnels sont parfois longuement motivés quand les arrêts criminels le sont en seulement quelques lignes. Plus vous avez commis une infraction grave, moins les magistrats ont à motiver leur décision ! Notre collègue Georges Fenech vous fera part, à ce propos, des entretiens qu'il a eus avec des présidents de cour d'assises, qui démontrent qu'il est possible d'aller au-delà de ce qui est prévu actuellement. Est-il souhaitable de modifier une disposition légale deux ans à peine après son entrée en vigueur ? Telle est la question.

En ce qui concerne la conservation des scellés, dans l'affaire Leprince, tous les scellés, sauf un, avaient disparu ! Les scellés cessent généralement d'être conservés six mois après la condamnation définitive. Leur conservation au-delà de ce délai représente un coût indéniable. Là encore, nous nous sommes entretenus avec la garde des Sceaux en vue d'une conservation raisonnable des scellés. Une proposition de loi de M. le sénateur Jean-Pierre Michel, récemment déposée, prévoit une conservation des scellés pendant trente ans. Cela nous paraît excessif ; c'est pourquoi nous avons proposé que le condamné puisse se prononcer en faveur de la conservation des scellés, tous les cinq ans, lorsque le procureur envisage de les détruire, notamment lorsqu'ils sont encombrants. En cas de désaccord, la chambre de l'instruction se prononcera. Cela nous semble être une position réaliste. Il n'y a rien de pire que de faire des propositions maximalistes qui ne sont ensuite pas suivies par la Chancellerie.

Pour ce qui est de la révision des acquittements, je suis en désaccord complet avec notre collègue Dominique Raimbourg. Certaines personnes entendues, en particulier issues du parquet, nous ont fait part de cette proposition ; tous les autres l'ont, comme nous, rejetée. La possibilité de remettre en cause un acquittement sur la base d'un fait nouveau portera assurément atteinte à la paix sociale ; la vie deviendra insupportable pour les personnes acquittées. En l'absence de délai, des requêtes pourront être déposées en ce sens en permanence. Nous nous sommes convaincus qu'il ne fallait pas ouvrir la révision aux acquittements.

Mme Christine Lazerges, présidente de la commission nationale consultative des droits de l'homme, a suggéré que l'on permette la révision des contraventions de la 5e classe. Nous ne le souhaitons pas, pour ne pas risquer de faire exploser la machine. L'honneur et la considération ne sont pas fondamentalement mis en cause par une contravention.

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