Intervention de Henri Plauche Gillon

Réunion du 4 décembre 2013 à 17h00
Commission des affaires économiques

Henri Plauche Gillon, président du Centre national de la propriété forestière et de la Fédération des forestiers privés de France :

Trois projets de lois traitent aujourd'hui de la forêt : le projet de loi de finances pour 2014, le projet de loi de finances rectificative pour 2013 et le projet de loi d'avenir pour l'agriculture.

Nous avons particulièrement apprécié que la présentation du projet de loi d'avenir ait été précédée de plusieurs mois de dialogue avec le ministère de l'agriculture. Grâce aux échanges qui sont intervenus, parfois à l'occasion de visites de terrain, des solutions à certains problèmes ont pu être introduites dans le texte. Des questions demeurent néanmoins.

Je m'associe à mes collègues pour regretter l'absence dans la loi de finances pour 2014 d'un compte d'affectation spéciale, pourtant indispensable à la pérennité des crédits consacrés à la forêt. Nous sommes dans l'attente du Fonds stratégique de la forêt et du bois, dont la création est prévue par le projet de loi d'avenir. En 2014, les crédits seront inscrits sur une ligne budgétaire, par ailleurs trop faible.

S'agissant des chambres d'agriculture, il est prévu d'affecter les 3,7 millions d'euros qu'elles collectent au profit de la forêt au Fonds stratégique et de dédier cette somme à l'animation forestière. Nous pensons que chacun doit faire son métier : aux forestiers, le métier de la forêt ; aux agriculteurs, le métier de l'agriculture. Il faudra veiller au bon usage de ces 3,7 millions d'euros.

Le projet de loi de finances rectificative répond aux préoccupations des forestiers privés dans deux domaines. Le besoin d'un compte d'épargne et d'investissement – de l'argent qui vient de la forêt et repart à la forêt en obéissant aux règles fiscales de la forêt – a été entendu avec la création du compte d'investissement forestier et d'assurance. Il reste à apporter quelques améliorations afin que ce compte puisse être utilisé par tous les propriétaires forestiers, personnes physiques comme personnes morales.

En outre, les mesures d'accompagnement fiscal, qui devaient prendre fin en 2014, sont prolongées jusqu'en 2017.

Un nouvel outil est créé : le DEFI « assurance » – dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt – qui permet d'obtenir une réduction d'impôt sur la base des cotisations d'assurance versées par les propriétaires, afin de les encourager à s'assurer. Nous souhaitons que la réduction d'impôt octroyée puisse être transformée en crédit d'impôt. Sinon, certains propriétaires forestiers qui ne paient pas l'impôt sur le revenu ne pourront pas bénéficier du dispositif. Or, les propriétaires de petits patrimoines forestiers doivent aussi pouvoir s'assurer. C'est une question d'équité. Nous travaillons avec les parlementaires en ce sens.

Quant au projet de loi d'avenir, je ferai sept ou huit remarques qui ne sont pas classées par ordre d'importance.

La refonte de la politique forestière avec la déclinaison à l'échelle territoriale du Programme national de la forêt et du bois est une bonne mesure. Nous souhaitons néanmoins une meilleure prise en compte de ce qu'apporte la forêt dans la politique forestière. Nous souhaitons donc des amendements de précision sur ce sujet.

Sur le foncier forestier, le projet de loi est muet. Nous vous soumettons plusieurs propositions : s'agissant des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), nous sommes fermement opposés à ce qu'elles détiennent des droits particuliers sur la forêt ; en revanche, nous proposons que pour les biens mixtes, agricoles et forestiers, qu'elles détiennent, elles affectent la partie forestière du bien à des forestiers et non à des tiers. Par ailleurs, nous devons rendre plus efficace le droit de préférence, institué il y a quelques années, au bénéfice des propriétaires voisins en cas de vente d'une parcelle de moins de quatre hectares.

En matière de gestion forestière et de regroupement des petites propriétés, sujet récurrent, la loi innove. Elle prévoit un dispositif en deux parties qui nous donne satisfaction : le plan simple de gestion collectif qui permet à des petits propriétaires qui n'ont pas les moyens d'adopter un plan simple de gestion de se regrouper à cet effet. L'adoption de ce plan est un préalable à la création d'un groupement d'intérêt économique et environnemental forestier (GIEEF), projet cher au ministre de l'agriculture. Nous serons des acteurs très constructifs dans ces efforts d'accompagnement du regroupement de la petite forêt privée.

Néanmoins, les plans simples de gestion collectifs ne pourront pas être élaborés partout car notre établissement public manque de moyens pour remplir cette mission. De nombreuses parties du territoire ne seront pas couvertes. Nous travaillons donc à l'amélioration du code de bonnes pratiques sylvicoles élaboré par les centres régionaux de la propriété forestière (CRPF). Le propriétaire adhérant à ce code bénéficie aujourd'hui d'une présomption de gestion durable. Nous souhaiterions que cette présomption devienne une garantie de gestion durable. Il conviendrait pour cela d'adjoindre au code pour chaque propriétaire un plan de travaux et un plan de coupe. Tout propriétaire disposerait ainsi d'un document de gestion et pourrait être en conformité avec les différentes normes.

À la Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, il y a de nombreuses forêts privées, mais il n'y a pas de CRPF. Dans les dispositions relatives aux DOM-TOM, il est donc prévu, à défaut d'établissement public, que le préfet joue le rôle attribué au CRPF. Nous espérons qu'un établissement public pour les DOM-TOM pourra voir le jour, probablement dans une dizaine d'années, et prendre le relais du préfet.

En matière d'assurance, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010 prévoit qu'à compter de 2017, les sinistres majeurs ne donneront plus lieu à aucun concours de l'État. Nous vous demandons d'enlever cette épée de Damoclès au-dessus de la tête des propriétaires forestiers.

Enfin, les dégâts de gibiers sont la principale source de démotivation des propriétaires de forêts. Plus de la moitié de la forêt privée française ne peut pas être louée pour la chasse mais subit tous les dégâts. Nous souhaitons faire des propositions pour que cela change et que le point de vue des forestiers soit entendu dans les plans de chasse.

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