Intervention de Benoît Hamon

Séance en hémicycle du 9 décembre 2013 à 16h00
Consommation — Présentation

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation :

Si l’on ne retient qu’une seule mesure du projet de loi, ce sera probablement celle-là. C’est elle, en effet, qui affectera le plus la vie des consommateurs français dans les années à venir.

Le deuxième grand chapitre que j’évoquerai, c’est évidemment celui du pouvoir d’achat. Comme on le voit aujourd’hui, la consommation, qui est l’un des principaux moteurs de la croissance française, donne à son tour des signes de faiblesse, après l’investissement des entreprises. Il est donc indispensable de lui redonner de la vigueur, en jouant notamment sur les dépenses contraintes. Nous nous attaquons donc à plusieurs postes de ces dépenses, dont celles d’assurance, qui représentent 5 % des dépenses des ménages français. Cela méritait qu’on y regarde d’un peu plus près. Nous avons observé que, depuis plusieurs années, le prix de l’assurance multirisques habitation, comme celui de l’assurance automobile, évolue beaucoup plus vite que le rythme de l’inflation.

Les arguments avancés par les assureurs, cette année comme les précédentes, sont à peu près toujours les mêmes : l’augmentation du nombre de cambriolages et la survenue d’un certain nombre de phénomènes climatiques isolés les obligeraient à augmenter d’année en année le montant des primes. Nous jugeons indispensable, pour notre part, de fluidifier le marché en autorisant le renouvellement de l’assurance automobile et de l’assurance multirisque habitation, non plus seulement à la date anniversaire du contrat, qu’il arrive au souscripteur de laisser passer par mégarde, mais à tout moment une fois passée la première année. Cette possibilité de résiliation infra-annuelle permettra aux Français de mieux comparer les produits d’assurance afin de déterminer celui qui correspond le mieux à leurs intérêts et de choisir le moins cher.

Nous avons constaté dès le début de l’automne que certaines compagnies d’assurance avaient anticipé cette évolution en fidélisant leurs sociétaires et clients par des ristournes ou des promotions. Cela va dans le bon sens, et j’encourage les Français à utiliser la faculté de résiliation infra-annuelle pour faire jouer davantage la concurrence entre assureurs et faire ainsi baisser les tarifs. Cette mesure aura donc un impact sur les primes d’assurance et bénéficiera au pouvoir d’achat des Français.

Le deuxième domaine dans lequel nous avons décidé de faire jouer davantage la concurrence, c’est celui de la mobilité bancaire. Nous en avons abondamment discuté. Pourtant, beaucoup de Français se sentent parfois captifs de leur banque. Ce n’est pas qu’ils s’y sentent mal, mais les conditions imposées pour changer de banque leur paraissent à ce point hors d’atteinte qu’en pratique ils ne le font pas. Toutes les études tendent à montrer, en effet, qu’une part importante de la clientèle des banques, lesquelles font sans doute très bien leur travail, a le sentiment que le poids et le coût des charges administratives nécessaires pour changer de banque sont si dissuasifs qu’il est préférable de rester dans une banque, même si l’on ne s’y sent pas aussi bien qu’il le faudrait, plutôt que d’en changer. C’est pourquoi nous avons lancé le débat sur la mobilité bancaire et obligé les banques qui ne l’avaient pas encore fait volontairement à financer des services d’aide à la mobilité. Elles devront ainsi prendre en charge le transfert des virements importants, liées par exemple aux dépenses de loyer ou d’énergie, d’une banque l’autre, de façon à fluidifier le marché.

À l’initiative de Laurent Grandguillaume, nous avons également ouvert le débat sur la question – qui demandera un long travail avant d’être réglée – de la portabilité du numéro de compte. La question se pose en ces termes : peut-on, oui ou non, imaginer que, demain, il soit possible de changer d’établissement bancaire sans changer de numéro de compte ? Des obstacles techniques existent, qui nécessitent qu’une expertise soit menée, mais le fait de fluidifier le marché et de favoriser le jeu de la concurrence entre les banques ne peut, nous en sommes convaincus, que procurer des avantages au consommateur.

Comme le Gouvernement s’y est engagé à plusieurs reprises sur ces bancs – à l’occasion des débats sur la loi bancaire avec mon collègue, Pierre Moscovici, mais aussi lors des débats sur la loi relative à la consommation en première lecture –, une réforme de l’assurance emprunteur, constituant l’une des grandes nouveautés de ce texte, va vous être proposée. Bien souvent, ceux de nos concitoyens qui négocient un prêt immobilier ne font entrer dans le champ de la négociation que le montant du capital qu’ils souhaitent emprunter et le taux d’intérêt : il est rare que l’assurance associée au prêt soit évoquée. Celle-ci sécurise le prêt en prenant le relais de l’emprunteur dans l’hypothèse où surviendraient certains événements occasionnant une défaillance durable de l’emprunteur. Ce mécanisme permet d’éviter des situations très pénibles que l’on rencontre dans d’autres pays, où le décès de l’un des conjoints, ou son licenciement, peut conduire à l’impossibilité de rembourser, et parfois à l’expulsion du logement.

Si cette assurance est, donc, très utile, elle présente le défaut de coûter cher – parfois jusqu’au tiers du coût du crédit ! Nous avons donc voulu aller beaucoup plus loin que la loi Lagarde, en posant la double question des conditions de souscription et du délai durant lequel celle initialement souscrite peut être remplacée par une autre. Nous avons souhaité ouvrir une « fenêtre » d’un an à partir de la signature du prêt, durant laquelle l’emprunteur aura la possibilité, après avoir fait jouer la concurrence, de substituer à la première assurance souscrite une autre moins onéreuse mais offrant, pour la banque, des garanties équivalentes. On estime que cette mesure peut procurer au consommateur un gain de pouvoir d’achat considérable.

La deuxième mesure susceptible de permettre une amélioration notable du pouvoir d’achat – on en attend un gain de l’ordre d’un milliard d’euros – concerne l’optique. Je rappelle que 40 millions de Français portent des lunettes à verres correcteurs : les 18 millions de presbytes doivent renouveler leurs verres progressifs tous les trois ans en moyenne, tandis que les 22 millions de clients non presbytes le font tous les cinq ans. Le prix moyen d’une paire de lunettes équipée de verres ordinaires est de 300 euros, mais il atteint 580 euros quand il s’agit de verres progressifs. On estime que, du fait de ces prix élevés et du faible remboursement par leur mutuelle, près de trois millions de Français renoncent à s’équiper de lunettes de vue.

Nous avons souhaité ouvrir davantage la distribution en matière d’optique, tout en sanctuarisant, à l’initiative de votre rapporteur, un authentique parcours de soins. Nous soutiendrons donc l’amendement qui soumettra la primodélivrance des verres correcteurs et des lentilles à une prescription médicale, ainsi que l’amendement de la vice-présidente de la commission des affaires économiques, Frédérique Massat, imposant la mention de l’écart pupillaire sur l’ordonnance afin de permettre le développement de la vente de lunettes en ligne. Le gain attendu de ces mesures est, je le répète, d’un milliard d’euros. Il devrait soulager les Français dans un secteur, celui de l’optique, où l’on sait que le coût moyen est bien supérieur en France à ce qu’il est ailleurs en Europe. Si cette différence de coût se justifie en partie par la qualité du service offert par notre formidable réseau d’opticiens, nous considérons que, lorsque la vente de lunettes en ligne se sera développée, les leaders actuels du réseau physique de distribution sauront conserver leur position sur Internet. En tout état de cause, il était important de soulager les ménages d’une dépense pesant lourdement sur leur budget : ce sera chose faite avec ce qui constitue l’une des grandes innovations introduites en deuxième lecture.

Le Gouvernement espère que votre assemblée reprendra les dispositions introduites par le Sénat en ce qui concerne la suppression du monopole des pharmacies dans la distribution de certains dispositifs médicaux comme les tests de grossesses ou les produits d’entretien de lentilles. Nous estimons disposer, à l’heure actuelle, de toutes les garanties nécessaires en matière de fiabilité et de sécurité de ces produits conçus pour le grand public, et espérons que les nouvelles mesures permettront une baisse de 30 % à 40 % de leur prix. D’ores et déjà, nombre de Français s’approvisionnent sur Internet ; l’élargissement de la distribution à d’autres réseaux, notamment celui des grandes surfaces, présente l’intérêt d’être plus sûr, plus sérieux, et offrira aux consommateurs l’information qui leur est indispensable, sous la forme de notices claires et fiables – alors que l’achat sur Internet présente un certain nombre de risques, y compris sanitaires. Enfin, je mentionnerai la suppression des frais pour refus de prélèvement dans les services dits essentiels – l’énergie, l’eau, les télécommunications –, qui devrait également avoir pour effet d’améliorer sensiblement le pouvoir d’achat des Français.

Au-delà des mesures visant à la diminution des dépenses contraintes, ce projet de loi vise aussi à améliorer l’information du consommateur. J’ai eu récemment l’occasion de me rendre dans l’un de ces magasins de jouets que nous sommes nombreux à fréquenter en cette période, afin de tenter de satisfaire les envies exprimées par nos enfants dans leurs listes de souhaits. Tout au long de l’année – mais peut-être encore davantage pendant la période des fêtes, où nous sommes fortement tentés d’acheter –, chaque consommateur souhaite disposer de l’information la plus transparente et la plus loyale possible.

Nous avons souhaité améliorer cette information dans plusieurs domaines, à commencer par celui de la disponibilité des pièces détachées nécessaires à la réparation des produits. C’était l’un des engagements forts de la Conférence environnementale, discutés par l’ensemble des parties concernées, notamment les fédérations professionnelles, les organisations non gouvernementales et le mouvement consumériste. L’un des objectifs poursuivis est d’encourager les Français à faire réparer leurs produits plutôt que d’en demander le remplacement, lorsqu’ils font jouer la garantie légale de conformité. Actuellement, en effet, la plupart des grandes marques préfèrent procéder systématiquement au remplacement plutôt qu’à une réparation qui serait pourtant facile – et créerait, de surcroît, des emplois en France, plutôt que de faire travailler des pays connus pour produire en masse d’excellents fers à repasser, bouilloires ou réfrigérateurs…

En la matière, la mesure introduite au Sénat, visant à porter à 24 mois la présomption d’antériorité du défaut, constitue une garantie ; le Gouvernement y est donc attaché et espère pouvoir compter sur le soutien de l’Assemblée nationale, bien que sa commission des affaires économiques ait décidé de ramener à 12 mois la garantie légale de conformité. Le rétablissement de la durée de 24 mois garantira que le distributeur et le fabricant, dès lors qu’ils prétendent mettre à disposition des pièces détachées, le feront effectivement – ce qui nécessitera, je le répète, un développement des filières de réparation sur notre territoire et constituera un grand progrès environnemental.

La deuxième mesure importante, en matière d’information des consommateurs, est l’instauration, à l’initiative de Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, et de moi-même, d’indications géographiques concernant les produits manufacturés, l’objectif étant d’étendre à ces produits la protection dont bénéficient les productions agricoles et alimentaires – je pense aux AOC, qui ont permis de protéger les productions locales. Rien ne s’y oppose, les produits manufacturés étant, eux aussi, liés à des savoir-faire associés historiquement à nos territoires.

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