Intervention de Annick Le Loch

Séance en hémicycle du 9 décembre 2013 à 16h00
Consommation — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Le Loch, rapporteure de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’être rapporteure de la commission des affaires économiques pour les articles 61 et 62, qui modifient quelques dispositions de la loi de modernisation de l’économie. Cette partie du projet de loi vise à renforcer l’encadrement des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs. En effet, la LME n’est pas pleinement appliquée, ce qui crée un déséquilibre dans les relations commerciales interentreprises. Ces relations se sont dégradées et il règne un climat de défiance et de tension croissantes, de sorte que – vous l’avez dit, monsieur le ministre délégué – l’ordre économique se trouve lui aussi affaibli.

Je pense au fait que l’État ait assigné un distributeur le 20 novembre dernier – en l’occurrence, l’enseigne Leclerc – pour déséquilibre significatif dans ses relations avec ses fournisseurs. Il s’agit là, non pas d’attiser les conflits, mais de montrer qu’il n’y a pas d’impunité et que les fournisseurs sont protégés et soutenus en cas d’abus. L’État joue ainsi pleinement son rôle de régulateur entre les différentes parties puisque, depuis 2009, seize procédures de ce type ont été engagées. Les témoignages de rapports difficiles avec les distributeurs sont nombreux. Le projet de loi vise donc à renforcer l’effectivité de la loi existante en rééquilibrant les rapports entre les différentes parties.

Nous avons, sur deux points en particulier, cherché le consensus et – me semble-t-il – tenu bon pour protéger les différentes parties. Je veux parler des délais de paiement, à l’article 61, et de la clause de renégociation, à l’article 62.

L’article 61 a suscité d’importants débats, en particulier concernant les délais de paiement, et ce à juste titre, puisqu’ils sont de douze jours en moyenne et représentent un manque à gagner pour les entreprises d’environ 13 milliards d’euros. Nous avons été très sollicités sur le sujet.

Mon collègue sénateur Martial Bourquin constate dans son rapport que le dispositif législatif en vigueur depuis la LME est globalement pertinent et qu’il a permis une diminution significative des délais de paiement, mais que cette dynamique de réduction s’essouffle aujourd’hui et que le cadre juridique est parfois contourné. Il préconise donc de simplifier le décompte des délais de paiement. Le présent texte a été élaboré dans cet esprit et nous devrions être satisfaits : les délais sont de quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. Pour les factures périodiques, un délai de paiement de quarante-cinq jours sera applicable à compter de l’émission de la facture. Le dispositif d’acompte pour le paiement des travaux privés devrait sensiblement améliorer la trésorerie pour les entreprises du bâtiment, lesquelles étaient particulièrement inquiètes et le demeurent en raison de la conjoncture. De plus, pour les filières ayant des contraintes particulières, la loi du 22 mars 2012 autorise la signature d’accords dérogatoires.

Dans le cadre de la deuxième lecture, la commission des affaires économiques a continué à travailler sur l’article 61 en renforçant les conditions générales de vente. Nous avons, par exemple, précisé que, parmi celles-ci, figure non seulement le barème des prix unitaires, mais également sa date d’entrée en vigueur, afin d’éviter que certains distributeurs ne s’affranchissent de la date convenue. De plus, nous avons renforcé les sanctions et permis la publication systématique des sanctions administratives en matière de délais de paiement. Nous devrions ainsi encourager la tendance positive, observée ces dernières années, qui se caractérise par une réduction des délais de paiement, au bénéfice de nos entreprises.

En ce qui concerne l’article 62, le texte actuel oblige les contractants à formaliser plus précisément les contrats et alourdit les sanctions en cas de manquement. L’un des grands apports de cet article est qu’il prévoit explicitement que des renégociations puissent intervenir en cas de variation importante des cours des matières premières – dans des conditions fermement définies, afin d’éviter tout abus. On sait en effet que, lorsque l’évolution des cours leur est favorable, les acteurs de la grande distribution savent rouvrir de force les relations commerciales pour renégocier certaines clauses. Désormais, que les cours soient orientés à la hausse ou à la baisse, la réouverture pourra se faire. À ce propos, où en est-on, monsieur le ministre, dans la rédaction du décret qui doit préciser la liste des produits transformés concernés par la clause de renégociation ?

Certes, aujourd’hui, la filière agroalimentaire – je pense notamment aux producteurs – est en difficulté. Je le constate chaque jour dans ma région. Mais, à la veille des négociations commerciales de 2014, je voudrais porter un message d’espoir. Le Gouvernement a beaucoup travaillé, de même, d’ailleurs, que les parlementaires. Toutes les parties ont été écoutées. Nous souhaitons tous une amélioration des relations commerciales interentreprises. Le climat tendu qui caractérise ces relations doit maintenant cesser et faire place à un climat plus apaisé. La confiance est un vrai facteur de production et ne me semble pas incompatible avec la compétition. Notre pays, notre économie, les salariés des entreprises de l’agroalimentaire – et tous les autres – ont besoin de confiance ; je me permets donc de nourrir l’espoir que nous parvenions à l’instaurer.

J’ai constaté, çà et là, des efforts et quelques exemples de bonnes pratiques ; les choses semblent bouger. Je pense en particulier au contrat de la filière alimentaire, élaboré en juin dernier par le Gouvernement et l’ensemble des acteurs de la filière. Concrètement, un label d’État « Relations fournisseurs responsables » a été mis en place qui distingue les relations commerciales durables et équilibrées. Quelques entreprises l’ont déjà obtenu ou sont en cours de labellisation. Nous n’en sommes qu’au début, mais je veux croire que, demain, les grands distributeurs participeront également à cette démarche. La filière agroalimentaire et les pouvoirs publics travaillent ensemble à la promotion de la médiation interentreprises. Ces récents accords, chartes, labels et discussions démontrent qu’une évolution est en cours et qu’un effort collectif est fait pour restaurer des liens constructifs et productifs pour les entreprises. Il n’y aura pas de développement ni de perspectives sans confiance. Il est donc nécessaire d’encourager le retour de celle-ci, afin que les relations commerciales soient apaisées, transparentes et équitables, au profit de nos fournisseurs, de nos producteurs, de nos territoires, mais aussi, bien sûr, du consommateur.

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