Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 9 décembre 2013 à 16h00
Consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Les opposants les plus déterminés siègent sur tous les bancs.

Le fichier rationalisera la distribution du crédit. Il permettra à certains qui en sont privés aujourd’hui d’y avoir accès. Il bloquera l’accès au crédit des personnes dont la situation financière est précaire et de tous ceux pour qui ce crédit ne serait pas soutenable. Il responsabilisera les organismes prêteurs et permettra de mettre fin aux comportements irrationnels – souvent médiatisés – de ceux qui, plongés dans une situation de détresse, souscrivent dix, quinze ou vingt crédits. Ainsi, les cas très minoritaires de surendettement liés à l’excès de crédit seront théoriquement évités. Ce seront autant de drames humains en moins.

Mais à quel prix ? Posons la question. N’aurions-nous pas pu répondre à ces problématiques par d’autres moyens, plus adaptés ? Les députés radicaux sont convaincus que les mêmes réponses et les mêmes avancées positives auraient pu être données par des moyens plus simples, moins coûteux, et surtout plus proportionnés.

Le Conseil d’État l’a écrit : le fichier positif est un dispositif disproportionné. Il est lourd, complexe, long à mettre en place, potentiellement attentatoire aux libertés publiques, et d’un coût prohibitif.

Pour vérifier la solvabilité réelle de l’emprunteur et responsabiliser les établissements de crédits, d’autres possibilités plus simples, plus efficaces et moins coûteuses existaient. Pour évaluer le reste à vivre, nous aurions pu mettre en place une attestation de la banque mentionnant le delta entre les revenus et les dépenses contraintes récurrentes.

Nous aurions pu encadrer plus durement les conditions d’acceptation du crédit, par des mesures comme la déliaison entre carte de crédit et carte de fidélité, la limitation du crédit renouvelable ou l’interdiction du crédit sur le lieu de vente. Beaucoup de mesures de ce type constituaient des réponses plus simples, moins attentatoires aux libertés publiques et moins coûteuses.

Je ne peux m’empêcher de penser à tout ce que nous pourrions faire avec les 500 à 700 millions d’euros que coûtera ce fichier pour toutes les personnes en situation précaire ou surendettées. N’aurait-il pas été plus utile de dépenser cet argent pour développer des actions d’accompagnement auprès de ces personnes en grande difficulté matérielle ?

Je pense notamment aux actions déjà conduites par les associations qui accompagnent des personnes en situation de précarité. Elles en auraient bien besoin car elles sont de plus en plus sollicitées. Je pense aussi à la désignation d’un référent social en cas de dépôt d’un deuxième dossier de surendettement auprès de la Banque de France, afin de ne pas laisser ces personnes dans le désarroi, ou encore à l’ouverture de l’accès aux prêts à taux zéro qui permettraient de faire face à ces dépenses contraintes que vous avez évoquées tout à l’heure, monsieur le ministre.

Dans leur immense majorité, les personnes surendettées sont d’abord victimes d’un manque de ressources. Elles ont avant tout besoin d’aide, de pédagogie et d’accompagnement personnalisé.

Nous vous proposerons quelques amendements dans la lignée de ceux que nous avions présentés, notamment pour encadrer plus durement la distribution du crédit renouvelable, à la fois socialement toxique et économiquement inefficace.

Enfin, je tiens à aborder la question des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.

En instaurant en 2008 une convention annuelle et en en définissant le contenu, le législateur voulait garantir une véritable négociation commerciale qui ne favorise pas les acteurs dont la position est la plus forte. En effet, le déséquilibre des relations commerciales aboutit, ainsi qu’on le vérifie constamment, à des rentes abusives directement liées à ces positions dominantes, ce qui conduit à des déséquilibres de marché et à des poches d’inefficacité économique.

La LME était censée faire baisser de 5 % les prix mais, depuis sa mise en application, les prix ont continué d’augmenter, et les conventions annuelles ne permettent pas de caractériser la « substance » de la négociation, du fait de l’absence de contreparties réelles ou de l’impossibilité de les vérifier.

Nos travaux nous ont permis de progresser sur un certain nombre de points. Nous proposerons des amendements visant à renforcer réellement l’équilibre entre les parties, notamment en publiant les sanctions en cas de récidive.

La consommation n’est pas capable, et ne le sera jamais, de répondre aux aspirations essentielles de l’être humain et d’assurer son épanouissement, mais une régulation économique efficace et un cadre juridique clair et protecteur peuvent donner à notre pays les moyens de développer des relations commerciales apaisées.

Nous sommes convaincus que ce projet de loi apportera de nombreuses améliorations importantes et nous permettra de nous inscrire, modestement, dans la tradition française de solidarité.

Pour ces raisons, et malgré les réserves que nous avons pu émettre sur des points précis, nous abordons cette deuxième lecture dans un esprit positif.

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