Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du 9 décembre 2013 à 16h00
Consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici une loi singulière qui nous instruit sur la loi en général. Il s’agit en somme de protéger les plus fragiles, de protéger nos biens communs, de se libérer des rapports léonins, de faire valoir le droit et de donner la force du collectif à des citoyens consommateurs atomisés.

Oui, cette loi, par son esprit même, dit deux réalités indissociables : la liberté créatrice du commerce et la liberté créatrice du sens commun, garant de l’égale dignité. Action de groupe, amorce de lutte contre l’obsolescence programmée, cadre contractuel rénové pour plus d’équité, registre national du crédit : ces capacités nouvelles offertes par la loi ne sont pas des entraves, mais des balises qui sont de nature à nous prémunir contre les dérives et parfois les naufrages d’une économie sans boussole.

Les questions du crédit revolving m’ont passionné : comment éclairer le consommateur et éviter ce qu’on appelait au Moyen Âge l’usure ? Comment moraliser ce service de prêt si particulier, sans repousser vers un marché parallèle et sordide ceux qui ont un besoin urgent de liquidités ? Pour séparer le bon grain de l’ivraie, nous avons fait un pas vers plus de clarté.

Autre sujet passionnant : la durée des plans conventionnels de redressement, sujet sur lequel il nous fallut faire preuve d’un délicat discernement pour trouver le point d’équilibre entre une générosité fondée sur le droit à une deuxième chance et le principe de responsabilité. Entre le Sénat et nous, il n’y a pas un fleuve mais un ruisseau, que nous pourrons allégrement franchir. En effet, si nous intégrons le fait que la proposition sénatoriale de sept ans intègre et prend en compte les périodes de moratoire, évaluées à dix-huit mois pour 60 % des 410 000 ménages surendettés qui font l’objet d’un plan, il existe peu de différences avec notre proposition initiale de cinq ans. Je souhaite néanmoins que, sur ce point, une fenêtre reste ouverte, car les effets conjugués du registre national du crédit et des mesures de lutte contre la pauvreté permettront, je l’espère, des étapes nouvelles.

Combattre la pauvreté, c’est combattre les préjugés. Je voudrais, en incise, saluer les trois chiffres véhiculés avec force par ATD Quart Monde ces derniers mois : la fraude aux prestations sociales coûte 3 milliards d’euros ; la fraude aux prélèvements sociaux coûte 9 milliards d’euros ; enfin, la fraude fiscale est évaluée en France à 50 milliards d’euros.

Autre attente, du moins je l’espère : un rendez-vous annuel sous la forme d’un dialogue entre le Gouvernement et le Parlement, pour mesurer si les évolutions réglementaires sont au bon niveau pour combattre les ruses du mauvais commerce. En effet, à la diversité des mauvaises pratiques s’ajoute la rapidité avec laquelle elles sont générées par une minorité d’acteurs économiques. C’est le cas, par exemple, des nouvelles fraudes liées au numérique.

Enfin, chers collègues, trois jalons pour le futur ; s’ils ne relèvent pas du strict périmètre de cette loi, ils ne lui sont pas pour autant étrangers. Tout d’abord, nous devrons à terme nous affranchir d’une forme de désinvolture, propre à l’épuisement actuel de nos ressources comme de notre pouvoir d’achat, à laquelle l’économie circulaire et l’éco-recyclage doivent apporter une alternative. Par ailleurs, nous devons peut-être avant tout nous libérer de deux esclavages contemporains : le premier est un consumérisme parfois ubuesque, dont les relais médiatico-financiers sont surpuissants, et générant autant de frustration chez les repus que chez les exclus. Nos sociétés sont fatiguées de l’austérité, mais elles manifestent aussi une lassitude du gaspillage, d’un consumérisme sans fin. Ici et là s’exprime le désir de consommer et de produire autrement, de vivre mieux, de redonner du sens et des valeurs à nos vies. Il est temps, car certains vont jusqu’à imaginer qu’en travaillant le dimanche, la société progresserait – alors que cela serait au contraire la marque d’une régression considérable.

L’autre esclavage, plus important peut-être, est celui des chaînes de fabrication des nouvelles usines du monde. Nous devons aux damnés de la terre, du Rana Plaza et d’ailleurs, des lois qui contribuent à réguler et donc à humaniser la mondialisation. Impossible ? Certainement pas pour l’homme auquel nous rendons hommage aujourd’hui et qui, contre d’autres esclavages, a osé dire : « Invictus ! »

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