Intervention de Benoît Hamon

Séance en hémicycle du 9 décembre 2013 à 16h00
Consommation — Discussion générale

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation :

Monsieur le président, je veux tout d’abord remercier M. Hammadi, qui a contribué à enrichir le présent projet de loi en proposant une procédure de liquidation accélérée pour améliorer le service aux consommateurs. Je regrette que M. Abad se soit livré à une caricature en considérant que c’est une deuxième procédure. Connaître à l’avance le fichier des consommateurs qui peuvent être lésés permet d’aller plus vite, et je regrette qu’il n’ait pas vu là, au contraire, un élément de simplification d’une procédure qui va dans l’intérêt des consommateurs.

Mme Le Loch a beaucoup travaillé, en tant que rapporteure, sur le dossier – très complexe parce qu’il est au croisement d’intérêts contradictoires – des négociations commerciales entre les fabricants, les fournisseurs, les producteurs, d’une part, et la grande distribution, d’autre part, les uns étant tentés de dénoncer les autres comme de grands méchants loups. Nous avons essayé de travailler en respectant l’équilibre indispensable à la mise en oeuvre de ces négociations qui avait été trouvé par la LME, tout en l’aménageant pour améliorer l’effectivité de la loi. Quant au décret qui précise notamment les conditions de la renégociation en raison de la volatilité des prix des matières premières, il sera bientôt soumis à la consultation. Dans le compte rendu de renégociation seront mentionnés la date à laquelle la clause est activée par la partie qui prend l’initiative de la renégociation en raison de la volatilité, le calcul des fluctuations qui déclenchent la clause, les arguments avancés par la partie qui demande l’application de la clause, la réponse de l’autre partie et la conclusion, qui devra faire mention de la signature des deux parties.

Mme Bonneton a évoqué la question de l’action de groupe dans le domaine de la santé et de l’environnement. Je lui rappelle que, pour ce qui est de la santé, un engagement a été pris dans le cadre du troisième pilier de la stratégie nationale de santé, qui concerne les droits des patients. Bien entendu, l’action de groupe en matière de santé sera une procédure différente, car on ne traite pas les préjudices économiques de la même façon que les préjudices de santé et corporels : ils nécessitent une expertise individuelle. Cette priorité inscrite par le Gouvernement dans sa stratégie nationale de santé trouvera, nous le souhaitons, une traduction législative courant 2014 – cela dépendra du calendrier parlementaire.

S’agissant de l’action de groupe en matière environnementale, à ma connaissance, le ministre de l’environnement a saisi le Conseil général de l’environnement et du développement durable pour faire des propositions en ce sens, afin que ce fameux troisième étage de la fusée puisse faire l’objet de propositions concrètes et que l’on ne se contente pas de déclarations de principe dans ce domaine.

Nous avons essayé d’avancer dans le domaine de l’obsolescence programmée en faisant le choix de la durabilité, de la réparabilité des produits. Là encore, beaucoup de choses peuvent être faites. En tout cas, le Gouvernement avance dans ce domaine, comme sur les frais de comptes inactifs puisqu’une proposition de loi consacrée à ce sujet a été déposée par M. Eckert.

Mme Dubié et M. Chassaigne ont évoqué les moyens de la DGCCRF. J’indique que ceux-ci augmentent cette année. Nous avons donc inversé la courbe du recul de ses effectifs. M. Chassaigne a rappelé à juste titre qu’elle compte 3 000 agents, dont 2 000 enquêteurs sur le terrain. Encore une fois, ces effectifs, qui avaient été stabilisés l’année dernière, augmentent cette année. Je reconnais que l’augmentation est modeste, mais ce n’est pas l’évolution suivie par d’autres administrations. Cet effort est destiné à faire en sorte que les nouveaux pouvoirs donnés par la loi à la DGCCRF se traduisent par des moyens supplémentaires sur le terrain, et je me réjouis que nous soyons parvenus à les obtenir. Mais nous ne nous en contentons pas, puisque nous essayons de tenir compte des critiques qui avaient pu être légitimement portées sur les conséquences de la mise en oeuvre de la réforme de l’administration territoriale de l’État. Sans remettre en cause le caractère interministériel des directions départementales, nous allons rétablir ou restaurer la chaîne de commandement qui avait permis à la DGCCRF de mener des actions efficaces, lorsque ses effectifs étaient plus nombreux et surtout lorsque l’entité métier était mieux préservée.

Je veux remercier Mme Dubié pour les commentaires extrêmement positifs qu’elle a émis sur le travail que nous avons réalisé ensemble, puisque ce texte est le fruit d’une coproduction – j’aurai l’occasion d’y revenir, non sans indiquer à M. Abad que je le trouve assez injuste envers M. Lefebvre. Le Conseil d’État n’a pas jugé disproportionné le registre national du crédit – et Mme Grosskost a raison sur ce point. Pour ma part, je souhaitais qu’il y ait un registre national du crédit aux particuliers. Je craignais par-dessus tout qu’à vouloir à tout prix un registre qui intègre et le rachat de crédit et le crédit immobilier, nous prenions le risque que ce fichier soit disproportionné par rapport à son objectif, à savoir la lutte contre le surendettement, le mal-endettement et l’exclusion, comme l’ont fait remarquer Mme Dubié et M. Chassaigne. Tenant compte des remarques du Conseil d’État et de la CNIL, nous avons donc réduit la portée de ce registre, après avoir consulté à nouveau ses partisans historiques, que sont M. Kiehl et l’association CRESUS, le Secours catholique et le Secours populaire, afin que le fichier ait une taille qui lui permette de passer le cap du Conseil constitutionnel.

Le Conseil d’État, madame Dubié, n’a donc pas jugé que le registre était disproportionné, puisque l’amendement gouvernemental se fonde sur son avis, qui a du reste été sollicité par le Gouvernement lui-même.

Monsieur Benoit, je me contenterai de commenter nos points de désaccord. Incontestablement, le groupe UDI a une antériorité sur la question du registre national du crédit aux particuliers. C’est une bataille qu’il mène depuis de nombreuses années, bien avant même que certains, y compris moi, soient convaincus de sa pertinence. Lorsque j’ai été nommé ministre de la consommation, j’étais très réservé à l’égard de ce registre et c’est après avoir participé à de nombreuses discussions sur le sujet que j’y suis devenu favorable. Je crois d’ailleurs que c’est également le cas de Mme Grosskost, dont la position a évolué, a-t-elle dit, lorsqu’elle a été nommée par Mme Lagarde au comité de préfiguration du registre.

L’action de groupe n’est pas une charge pour l’entreprise, c’est une procédure nouvelle. Dès lors, je ne vois pas bien pourquoi elle ne pourrait pas s’appliquer à un dossier d’entente anticoncurrentielle qui serait instruit actuellement. Il n’y a pas de problème de rétroactivité dans ce cas-là, puisqu’il s’agit d’une procédure nouvelle.

S’agissant des indications géographiques protégées, vous avez évoqué, monsieur Benoit, l’extraction du granit. Le dossier est assez compliqué ; je m’y suis impliqué aux côtés de Mme Pinel. Je comprends – et cela n’a rien à voir avec nos origines communes – vos préoccupations. Ce problème se pose depuis longtemps et mérite d’être encore discuté.

En ce qui concerne les pouvoirs de la DGCCRF, ce que nous voulons c’est sanctionner les tricheurs. Il en existe, hélas ! et la crise invite parfois à arbitrer en faveur du non-respect de la loi. Je crois au caractère dissuasif de la pénalité. Au reste, nous avons vu, dans l’affaire de la viande de cheval, que le montant des pénalités qui pouvaient être payées par les entreprises était assez peu dissuasif et que les arbitrages étaient très vite rendus en faveur du non-respect de la loi.

Cela me permet de revenir un instant sur cette affaire. Je suis d’accord avec les uns et les autres : il ne faut pas se contenter des premiers résultats que nous avons pu obtenir. C’est le Conseil européen qui se tiendra en janvier, et non celui qui aura lieu en décembre, qui traitera de ces questions. Qu’avons-nous fait depuis le vote de ce texte par le Sénat ? La semaine dernière encore, nous avons organisé, avec mon collègue Stéphane Le Foll, une conférence de presse avec la presse allemande et la presse britannique, pour rappeler aux opinions publiques de ces pays que leurs gouvernements avaient pris position en faveur d’un avancement de la remise du rapport sur l’étiquetage de l’origine de la viande, notamment, pour ce qui est des Allemands, de la viande utilisée dans les plats préparés.

Je me réjouis qu’en Allemagne, ce point soit au coeur de l’accord de coalition entre les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates, car cela confirme qu’elle soutient la France en ce domaine. Quant aux Britanniques, on ne les entend plus beaucoup, alors qu’à l’origine, ils étaient favorables à l’accélération de la remise du rapport. Vous avez entièrement raison lorsque vous dites que la Commission, qui avait pris cet engagement, a pris ensuite prétexte d’un désaccord entre les commissaires pour retarder une fois de plus le moment de rendre public le rapport.

Là encore, la France prend ses responsabilités en disant que la Commission ne tient pas ses engagements sur ce point. Le Sénat a voté une mesure législative, tout en précisant que nous attendons que la législation européenne évolue. Sinon, nous ferions l’objet d’une procédure de contentieux et nous nous exposerions à des pénalités. Or, il serait tout de même curieux que nous affirmions une volonté politique, que nous la traduisions dans la loi et que nous payions des amendes parce que nous serions ainsi en infraction avec le droit européen.

Nous pouvons être en désaccord sur bien des sujets, mais je pense que sur ce point, il faut poursuivre dans la même voie. Je ne peux pas garantir le résultat – il serait absurde et prétentieux de dire que nous aurons gain de cause –, mais je crois que la France a beaucoup pesé en montrant qu’exécutif et législatif agissaient de concert.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion