Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir invité. Cette audition va me permettre de présenter, de la manière la plus transparente possible, le Comité économique des produits de santé (CEPS), tout en levant une série d'ambiguïtés que certains dans les médias se plaisent à afficher.
Le CEPS est un comité interministériel. Sa composition est équilibrée entre le ministère de la santé et le ministère de l'économie et des finances, avec la présence de représentants de quatre grandes directions : direction générale de la santé ; direction de la sécurité sociale ; direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services ; et direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Le CEPS est également un comité interinstitutionnel, avec la présence des représentants de l'État – des deux grands ministères – et des représentants des payeurs, c'est-à-dire de l'assurance maladie obligatoire et des organismes d'assurance maladie complémentaire.
Siègent également au Comité, mais sans voix délibérative, des représentants du ministère de la recherche, dont l'avis sur certains dossiers nous est utile.
Je précise tout de suite, puisque certains se sont crus autorisés à commenter la composition du comité, que nous fonctionnons de façon totalement indépendante par rapport à l'industrie. Les industriels ne sont absolument pas représentés au sein du Comité.
Nous fonctionnons donc en toute indépendance. Comme pour toutes les institutions de cette nature, les déclarations d'intérêts des membres du Comité sont publiques et sont en ligne sur le site du ministère de la santé.
Enfin, les membres du Comité sont des médecins, des pharmaciens, des économistes, des juristes. C'est dire que nous disposons de toutes les compétences utiles à la réalisation de nos missions.
Le fonctionnement du CEPS repose sur l'idée d'une double convergence. En effet, l'ensemble des membres se doit d'atteindre un consensus – sinon par vote, du moins tacitement. En outre, la loi indique que les prix du médicament sont déterminés par convention conclue entre le Comité économique des produits de santé et chacun des industriels concernés. Il nous faut donc négocier pour atteindre un point d'équilibre sur le prix du médicament.
Bien entendu, cela ne signifie pas que nous tombons d'accord de manière systématique. Les refus d'inscription d'un médicament sur la liste des médicaments remboursables sont assez nombreux, faute d'accord sur le prix. Dans de rares cas, le Comité procède de manière unilatérale, ce que la loi l'autorise à faire.
Chaque année, le CEPS remet aux deux ministères un rapport – le dernier vous a été transmis au tout début du mois de septembre. Notre site Internet, qui doit probablement être revu du point de vue de son format et de sa présentation, donne l'ensemble des informations nécessaires à la compréhension du fonctionnement du Comité.
Les textes qui le régissent sont publics : ce sont des lois et des règlements.
En définitive, si le CEPS peut paraître relativement opaque quand on ne le connaît pas, il est en réalité un comité interministériel et interinstitutionnel tout à fait classique dans sa composition et son fonctionnement.
Les compétences du Comité économique des produits de santé sont parfaitement encadrées.
D'abord, le Comité agit dans le cadre des lois et règlements qui le régissent. Ces textes sont réunis, pour l'essentiel, dans le code de la sécurité sociale.
Ensuite, il agit dans le cadre des orientations fixées par les ministres de tutelle. La dernière lettre d'orientation m'a été adressée par les ministres compétents le 2 avril dernier ; elle en ligne sur le site du ministère et annexée au dernier rapport annuel.
Le CEPS agit, enfin, dans le cadre d'un accord conclu avec les entreprises du médicament. Cet accord fait l'objet d'une validation explicite par les pouvoirs publics : les ministres compétents m'ont autorisé à le signer en leur nom. La dernière version, qui date du 5 décembre dernier, est annexée au rapport annuel qui vous a été adressé.
Quatre grands principes ressortent de ces textes.
D'abord, notre compétence vise à permettre l'accès des médicaments au marché et, ainsi, l'accès des patients aux nouveaux traitements – c'est un principe cardinal de notre fonctionnement.
Le deuxième principe, particulièrement prégnant aujourd'hui, est celui de la maîtrise des dépenses de l'assurance maladie.
Le troisième principe est celui de la cohérence de nos décisions. Depuis plusieurs années, la doctrine de fixation des prix par le Comité est publique – elle est annexée au rapport annuel – et nous suivons scrupuleusement les principes qui y sont fixés.
Enfin, le quatrième principe est le contexte conventionnel : nous négocions avec les industriels concernés.
Les compétences du Comité économique des produits de santé sont au nombre de trois : la fixation conventionnelle des prix des médicaments ; la régulation du marché ; une contribution au bon usage du médicament.
S'agissant de la fixation conventionnelle des prix des médicaments, qui donne lieu aux interrogations les plus récurrentes, les critères sur lesquels nous nous appuyons sont d'ordre législatif. Ces critères sont au nombre de quatre : l'amélioration du service médical rendu (ASMR) par le produit, telle qu'appréciée par la Commission de la transparence qui nous donne son avis ; les prix des médicaments comparateurs – dans son avis, la Commission de la transparence détermine les produits comparables à celui qui nous est soumis et nous examinons les prix de ces produits – ; les conditions prévisibles d'exploitation du produit ; enfin, les volumes de vente prévisibles pour ce même produit.
Comment exploitons-nous ces données ? Cela est en réalité très simple.
L'amélioration du service médical rendu est finalement une appréciation de la valeur ajoutée thérapeutique d'un produit. Si le produit n'a pas de valeur ajoutée thérapeutique par rapport aux médicaments existants – ASMR V –, la règle, fixée dans le code de la sécurité sociale, est très claire : nous ne pouvons admettre un produit au remboursement que s'il permet de réaliser une économie dans le coût du traitement.
Pour les médicaments présentant une forte valeur ajoutée thérapeutique – les médicaments dits « innovants », avec une cotation ASMR III, II ou I –, nous avons admis depuis une dizaine d'années que nous devions faire référence au prix européen. Nous ne fixons pas de prix inférieur au plus bas des prix constatés dans les quatre pays comparateurs que sont l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne. J'y insiste : cette règle conventionnelle s'applique aux seuls médicaments innovants et non – comme on a pu l'entendre à tort dans un commentaire télévisé récent – à l'ensemble des médicaments. Cela représente une dizaine de produits chaque année, car les médicaments innovants sont rares.
Entre les ASMR I, II et III et l'ASMR V, il existe une « zone grise », l'ASMR IV, qui correspond à des médicaments ayant une valeur ajoutée thérapeutique modeste et sur lesquels une marge de négociation est possible : en général, leurs prix sont un peu plus élevés que les prix des médicaments comparateurs.
Voilà pour les règles de base de fixation des prix.
Dans certains cas, très limités, la fixation du prix s'accompagne de la négociation de clauses. Madame la présidente, vous avez abordé la question de l'écart entre le prix facial et le prix réel et de l'existence de remises. Sur ce point, je vais être très clair : les remises versées par les laboratoires pharmaceutiques s'élèvent à 327 millions d'euros pour 2012, soit 1 à 1,5 % du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique. Ces données sont disponibles dans le rapport annuel du Comité.
Pourquoi des clauses de remises et quelles clauses sont utilisées ? Là aussi, la doctrine est très ancienne. Le Comité négocie ce type de clauses car il a une habilitation législative : la notion de remises figure bien dans la loi et elle a été déclinée dans l'accord-cadre. Il existe trois catégories de clauses.
D'abord, avec les clauses dites « prix-volume » on cherche à limiter la progression des volumes de vente d'un médicament en fonction de la population cible. Dans son avis, la Commission de la transparence nous indique que le médicament est indiqué dans telle situation et que, pour telle indication, il correspond à X centaines de milliers de patients. On en déduit donc une enveloppe de chiffre d'affaires. Soit l'enveloppe est parfaitement bien délimitée, soit elle est sujette à caution. Nous avons deux approches.
Si l'enveloppe est parfaitement déterminée et qu'il s'agit de médicaments orphelins ou d'une indication orpheline, nous arrivons à fixer un chiffre d'affaires plafonné strict. Nous disons que tel médicament s'adresse, par exemple, à 700 patients et qu'il n'y a aucune raison que nous payions au-delà. Au-delà de ce chiffre d'affaires plafonné, l'entreprise versera des remises à l'assurance maladie. Cette mesure vise tout simplement à limiter le chiffre d'affaires à la population cible du médicament.
Dans certaines situations, la population n'est pas aussi nettement déterminée et plusieurs médicaments peuvent se faire concurrence pour une même indication. Dans ce cas, nous obéissons non seulement à une logique de bon usage, mais aussi à une logique économique en demandant des rabais en fonction des quantités vendues. Dans ce cas, les clauses sont libellées de manière différente avec des seuils au-delà desquels l'entreprise va remiser 20 %, 30 % ou 50 % de son chiffre d'affaires.
Je vous ai apporté des exemples de clauses : vous verrez que la manière dont elles sont rédigées est très simple.
Ensuite, nous avons des clauses dites « de posologie » ou « de coût de traitement journalier ». Là aussi, l'objectif est le bon usage du médicament. Si un médicament doit être pris à une posologie de trois comprimés par jour, mais que l'on constate qu'il est pris à quatre comprimés par jour, une clause – que nous utilisons à bon escient – conduit au reversement d'une partie du chiffre d'affaires et, le cas échéant, à des baisses de prix ultérieures.
Enfin, une troisième catégorie de clauses, que nous appelons les clauses de performance – les plus rares, que nous écrivons avec le plus de parcimonie –, conduisent à mettre l'entreprise au défi de prouver que, au cours des deux ou trois premières années de commercialisation du médicament, les résultats de celui-ci en termes de performance et de tolérance sont au moins équivalents aux résultats acquis au cours des études cliniques. Si tel n'est pas le cas, nous pouvons baisser les prix de ces produits après ces deux ou trois années.
L'utilité de ces clauses est double : d'une part, la recherche du bon usage du médicament ; d'autre part, le versement de remises à l'assurance maladie – ce sont des recettes –, la totalité de ce versement représentant 1,2 à 1,3 % du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique – vous le voyez : nous n'en abusons pas.
Quant à la régulation du marché – deuxième compétence du CEPS –, elle s'opère en fin d'année et en cours d'année.
Vous votez chaque année le taux K, et les entreprises dont l'évolution du chiffre d'affaires consolidé dépasse ce taux sont censées verser des remises de fin d'année. Depuis trois ans, en dépit de son faible niveau – il est passé de 0,5 %, à 0,4 % –, ce taux n'est pas dépassé puisque le marché pharmaceutique est en décroissance. Les dispositions de régulation de fin d'année ne sont donc pas utilisées.
En revanche, la régulation en cours d'année est pleinement utilisée. Elle résulte du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui, dans ses annexes, comporte un tableau fixant le mandat annuel du Comité économique des produits de santé en termes de baisses de prix. Ces baisses de prix annuelles ont connu une augmentation très significative : entre 400 et 500 millions d'euros chaque année entre 2007 à 2011 ; 900 millions en 2012 et 860 millions en 2013. Pour 2014, vous avez fixé la contribution des baisses de prix à l'équilibre de l'ONDAM à 960 millions d'euros. Ainsi, nous faisons baisser les prix à hauteur du mandat que vous avez fixé.
Enfin, s'agissant de la contribution au bon usage du médicament – troisième compétence du CESP –, j'ai largement abordé le sujet en détaillant le contenu des clauses de remises. Le dernier élément sur lequel je tiens à insister est l'existence de la charte de la promotion pharmaceutique. La charte actuelle est obsolète, puisqu'elle date des années 2005-2006. La lettre d'orientation des ministres qui m'a été adressée au mois d'avril me demande de remettre la charte en négociation. Ces négociations sont en cours de finalisation et je transmettrai aux ministres compétents le projet de charte révisée dans les toutes prochaines semaines.
En conclusion, je vous présenterai quelques éléments relatifs à l'évolution du marché du médicament.
Comme je l'ai souligné, ce marché est en régression aussi bien en chiffre d'affaires qu'en montants de remboursements. Parmi les dépenses d'assurance maladie, le poste médicaments est le seul à décroître aujourd'hui. Deux facteurs principaux expliquent cette tendance. D'une part, un facteur conjoncturel : la relance de la substitution des médicaments génériques en avril 2012, suite à la conclusion d'une convention entre les médecins et l'assurance maladie. D'autre part, un facteur structurel : la baisse des prix observée depuis de nombreuses années, et qui s'est encore accélérée depuis 2012.
Enfin, beaucoup d'informations fausses circulant sur la question des comparaisons de prix de médicaments entre la France et ses voisins européens, j'ai souhaité que le rapport annuel qui vous a été transmis au mois de septembre comporte une annexe sur ce sujet. Celle-ci fait état d'études françaises et internationales montrant que les prix des princeps français se situent plutôt dans le bas de la fourchette et que ceux des génériques sont plus élevés que dans certains États membres de l'UE. Les explications sont assez simples et je répondrai à toutes vos questions à ce sujet.