Intervention de Bruno Le Roux

Séance en hémicycle du 10 décembre 2013 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'engagement des forces armées en république centrafricaine et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

À ce stade, il convient de rappeler l’étendue des ravages causés par l’impuissance passée de la communauté internationale dans la sous-région. À l’Est de la République Centrafricaine, le Soudan a connu une guerre civile qui a fait quatre millions de victimes et s’est conclue par la partition du pays. Au sud de la République Centrafricaine, la République du Congo a été le théâtre de la deuxième guerre du Congo. Cette guerre a, elle aussi, engendré plus de 4 millions de morts et ne s’est véritablement achevée que le mois dernier avec la reddition des combattants du M23.

Au-delà de l’enjeu humanitaire, nous devons aussi relever un défi sécuritaire considérable. Un flot important de réfugiés affecte tous les pays limitrophes – République Démocratique du Congo, Tchad, Cameroun, Soudan –, pays déjà fragilisés par leurs propres problèmes internes.

Or, la République Centrafricaine se trouve au carrefour de trois zones elles-mêmes en crise : le Sahel, l’Afrique de l’Est et la région des Grands Lacs. Elle incarne malheureusement ce que le dernier Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale appelle « le risque de la faiblesse » : faute de structures étatiques dignes de ce nom, elle devient un terreau propice aux trafics d’ivoire et de diamants, ainsi qu’aux réseaux armés. Cela favorise l’implantation de réseaux s’articulant autour des ex-opposants tchadiens au sein de la Séléka, d’activistes de la LRA, et pouvant constituer demain des réseaux terroristes comme Boko Haram, chassé du Nigeria et du Cameroun voisin. Ce danger existait et existe toujours aujourd’hui en République Centrafricaine, et personne ne peut se résoudre à cette évolution inacceptable.

Ainsi, les forces françaises et la MISCA engagées dans l’opération Sangaris doivent rétablir la sécurité sur l’ensemble du territoire centrafricain.

Mes chers collègues, je voudrais, pour finir, déjà tirer quelques enseignements de la crise centrafricaine.

Tout d’abord, le développement d’une forme d’égoïsme international : alors qu’un consensus s’est dégagé pour constater que la RCA se trouvait dans une situation pré-génocidaire, au-delà de nos partenaires africains, seule la France a pris toutes ses responsabilités pour répondre à l’urgence. Je regrette, même s’ils nous accompagnent au niveau logistique en mettant des avions à disposition, que les États-Unis aient refusé le déploiement de 6 000 casques bleus, préconisé par le secrétaire général des Nations unies. Pourtant, Samantha Power, l’ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies, fut l’une des premières à ouvrir les yeux de la communauté internationale sur les ravages de son impuissance face aux génocides.

De la même façon, cela a été dit avant moi, l’Union européenne ne joue pas pleinement son rôle. Notre groupe sait que le Gouvernement profitera pleinement du prochain Conseil européen dédié aux questions de défense pour obtenir de l’Europe qu’elle déploie enfin tous les outils dont elle dispose pour défendre la paix et la sécurité au-delà de ses frontières.

Monsieur le Premier ministre, alors que notre nation s’apprête à commémorer le centenaire de la Grande Guerre, il ne faut pas oublier, dans ces combats pour la liberté de la France, ce que nous devons à ceux qui sont venus combattre à nos côtés. Dans notre réflexion comme dans notre action, cette leçon sert de guide pour engager aujourd’hui la France sur ces théâtres d’opération. Le peuple centrafricain, nous le savons, aspire à renouer avec les piliers de sa devise patriotique : unité, dignité, travail. Notre honneur, monsieur le Premier ministre, est de l’accompagner sur le chemin de sa renaissance.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion