Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, au stade de cette seconde lecture, un constat s’impose : votre projet de loi n’est pas l’acte III de la décentralisation que l’on nous avait annoncé. À notre grand regret, le prolongement, sinon l’achèvement, de la réforme territoriale, cette nouvelle étape de la décentralisation que nous laissait espérer le discours prononcé à Dijon par le Président le République le 5 mars 2012, n’aura pas lieu.
Ainsi que je l’ai indiqué en première lecture, nous lui reprochons d’abord un manque de cohérence dans la méthode. Vous avez fait le choix de scinder la réforme en trois volets législatifs distincts, en séparant trois composantes de notre organisation territoriale, qui participent pourtant d’une architecture d’ensemble. Je les cite dans l’ordre que vous avez choisi : les métropoles ; les régions ; les communautés et les communes. Vous avez ainsi pris le risque d’enliser le chantier que vous avez lancé en le privant de sa cohérence générale. Avec ce texte, nous commençons en effet par traiter des métropoles et des grandes villes, pour aborder ensuite, ensuite seulement, la question des régions, qui pourtant les englobent, et pour, enfin, légiférer sur les autres territoires. Mais qui arbitrera entre ces métropoles et les villes moyennes ? Qui gérera les espaces interstitiels, l’hinterland des géographes ?
Nous allons donc examiner la partie avant le tout, sans aucune perspective, sans vue d’ensemble du sujet et du projet. En outre, ce découpage en trois phases revient à construire l’aménagement du territoire sur le seul fait métropolitain, en reléguant, je le disais, la question du maillage territorial et des solidarités territoriales au second plan, voire en l’occultant. Curieuse conception de l’aménagement du territoire !
Ce n’est certes pas la nôtre. Nous devions avant tout procéder à une véritable remise en ordre et à une redéfinition du rôle de nos différents échelons territoriaux. Tout en respectant le rôle de proximité des communes, nous devions procéder à un renforcement simultané des régions et des intercommunalités dans la mise en oeuvre de stratégies politiques d’aménagement et de développement des territoires. Nous en sommes loin !
L’autre défaut de ce texte, c’est son manque de perspectives et de lignes directrices. Nous pourrions vous suivre, sur les objectifs : donner une plus grande lisibilité à notre organisation territoriale qui, avouons-le, est aujourd’hui un véritable imbroglio institutionnel. D’ailleurs, nous ne faisons ici que rappeler les propos que tenait M. François Hollande au mois de mars 2012, lorsqu’il présentait la décentralisation comme « un facteur de clarté, de responsabilité, une source d’efficacité de la dépense publique, qui écarterait les superpositions, les enchevêtrements, les confusions ».
Où en sommes-nous donc aujourd’hui avec ce texte, alors que notre organisation territoriale perpétue, en l’accentuant même, l’insoutenable enchevêtrement des compétences, alors que la multiplication des structures, associée à la complexité des circuits de décision et de financement, pèse de plus en plus lourdement sur la compétitivité de notre pays ? Si le projet de loi n’avait eu pour objectif affiché que d’améliorer le sort de quelques métropoles, il aurait pu être, à la limite, et dans ces limites, acceptable, mais vous avez annoncé une grande réforme décentralisatrice, que nous avons grand-peine à retrouver, à déceler, même, dans ce texte.
Il est vrai que les métropoles, conçues comme pôles de développement, sont un facteur de croissance économique. Cela a été dit. À cet égard, les dispositions qui concernent la structuration de la métropole lyonnaise et la reconnaissance du fait métropolitain auraient pu nous satisfaire. Je veux d’ailleurs à nouveau saluer le travail réalisé par nos collègues sénateurs du groupe UDI-UC, notamment par Michel Mercier, sur la métropole lyonnaise ; Michel Mercier en avait lancé l’idée dès 2012. Il n’en demeure pas moins que même la partie du texte consacrée à la métropole lyonnaise, la plus consensuelle, demeure inaboutie. L’agglomération lyonnaise, je le rappelle, représente 74 % de la population de son département. Une ambition plus forte n’aurait-elle pas permis d’en faire la première agglomération-département de France ? Et je dis bien agglomération-département avec un trait d’union.
En ce qui concerne l’Île-de-France – mon collègue Jean-Christophe Fromantin y reviendra au cours des débats, comme il l’a fait en première lecture – nous n’avons guère trouvé de motifs de satisfaction, c’est un euphémisme. Créer trois grands Paris sur trois périmètres différents est une mesure dont nous saisissons très mal la cohérence. Elle nous paraît surtout dangereuse et contreproductive à l’heure où nous cherchons à moderniser nos politiques publiques en veillant à la convergence des initiatives et de la gouvernance.
Où est donc la réforme quand on se contente de créer un statut de métropole pour quelques villes françaises et un statut de pôle d’excellence rurale pour quelques régions à faible densité ? Comment penser que la réforme de nos territoires peut se résumer à cela ?
Dans le domaine des compétences, enfin, c’est d’abord le non-choix qui perdure. À l’encontre de l’objectif visé, la multiplication des instances et des schémas rendra encore plus difficile la prise de décisions à tous les niveaux. Elle rendra plus illisible encore les politiques conduites par les collectivités. Le rétablissement de la clause de compétence générale pour les départements et les régions, que nous récusons, est emblématique de ce refus de clarification. Cette clause n’est certainement pas un gage de rationalité, ni d’efficacité, ni de maîtrise des coûts à l’heure où le poids de notre endettement s’accroît pour des raisons notoirement et désespérément structurelles. À coup sûr, le chef de filat que vous proposez ne permettra de mettre de l’ordre dans l’émiettement des politiques locales.
Mesdames les ministres, le groupe UDI considère que le sujet de la décentralisation aurait mérité que l’on voie beaucoup plus large, plus profond et plus loin.
Or, nous ne pourrons pas éternellement maintenir notre organisation territoriale dans un tel état de décentralisation inachevée, de centralisation perpétuée avec, d’un côté, un État qui surréglemente et, de l’autre, des collectivités qui prennent des initiatives et tentent de les valoriser au milieu d’un excès de règles étouffant voire paralysant. Entre initiatives territoriales et réglementation nationale, il eût été temps de franchir une nouvelle étape de la décentralisation.
Le groupe UDI est partisan d’une décentralisation assumée, c’est-à-dire appuyée sur la diversité de nos territoires, adossée à elle. Il appelle de ses voeux une réforme globale repensant le rôle de l’État et redéfinissant les compétences de l’ensemble de nos collectivités territoriales.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est-il à la hauteur de ces enjeux ? Répond-il à ces questions ? Certainement pas. Il traduit même un manque d’ambition flagrant.