En effet, les caractéristiques propres à l'enseignement privé, qui semblent ne pas pouvoir s'appliquer à l'éducation nationale dans son ensemble, jouent à mon sens un rôle majeur. Je pense en particulier à l'autonomie des établissements.
On comprend mal que le projet de loi traite avec tant d'insistance du médiateur alors qu'il n'a même pas été évoqué dans la discussion du projet de loi de refondation de l'école. Les problèmes dans l'éducation nationale sont si nombreux qu'il y aurait pourtant eu toute sa place. Si toute organisation sociale est amenée à évoluer, j'estime qu'il ne faut toucher qu'avec prudence à ce qui fonctionne bien. Plutôt que réformer l'enseignement agricole, il serait préférable de s'inspirer de ses pratiques pour « modéliser » ailleurs ce qui marche.
Ainsi, paradoxalement, alors que vous mettez en valeur l'autonomie dans l'enseignement agricole, elle vous fait peur dès que l'on veut l'appliquer à l'éducation nationale. Un bon degré d'autonomie permet pourtant d'installer une dynamique collective. Vous pourriez aussi prendre exemple sur la pédagogie inductive qui fait appel à la fois à l'approche globale des savoirs et à l'alternance. Je note enfin que les conseils d'administration des établissements agricoles sont très souvent pilotés par des professionnels, ce qui devrait vous inspirer.
Tout n'est pas négatif dans les dispositions que nous examinons. Nous sommes favorables, au groupe UMP, à l'accompagnement individualisé que vous avez supprimé dans l'éducation nationale. Or je constate avec plaisir que vous partagez notre position dès qu'il s'agit d'enseignement agricole : l'accompagnement individualisé des élèves titulaires d'un baccalauréat professionnel agricole qui empruntent la voie d'accès spécifique vers les écoles d'ingénieurs nous semble constituer une bonne mesure. Il en est de même de l'acquisition progressive des diplômes et de la sécurisation des parcours des étudiants, des élèves, des apprentis et des stagiaires. Par ailleurs, l'obtention de diplôme par capitalisation constitue l'une des solutions permettant de remédier au décrochage scolaire ; nous y sommes favorables. Enfin, l'inscription d'un projet international dans le projet de l'établissement est d'autant plus intéressante que le secteur agricole est exportateur. Un certain nombre de points nous paraissent toutefois insuffisamment développés, comme la référence à la formation des enseignants, pourtant considérée par le ministre de l'éducation nationale et celui de l'agriculture comme fondamentale
Mais je veux surtout m'arrêter sur deux points préoccupants.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous annoncez un rééquilibrage au profit de l'enseignement public. N'aura-t-il pas lieu au détriment de l'enseignement privé ? Ce dernier est majoritaire dans la filière agricole, et, aux dernières nouvelles, ce n'est pas négatif. J'ai pourtant lu dans votre projet de rapport que pour rééquilibrer la part du privé et du public, le gouvernement avait attribué au profit de ce dernier 140 postes en 2013 et 105 en 2014, contre respectivement 60 et 45 pour l'enseignement agricole privé. Vous insistez aussi sur le fait que le médiateur oeuvre au fonctionnement du service public de l'enseignement agricole ; cette préférence permanente pour le secteur public m'interpelle.
Le plus grand danger me semble toutefois résider dans votre choix de reconfigurer l'outil de formation en fonction du projet politique d'agro-écologie. L'environnement est certes une préoccupation majeure, mais il faut d'abord veiller à la viabilité économique des exploitations. En matière d'écologie, il ne faut pas trop charger la barque ; nous ne pouvons tout de même pas aller plus loin que les préconisations européennes !
Pour conclure, trouvez-vous normal, mes chers collègues, qu'avant même que le projet de loi n'ait été examiné, une circulaire du ministre de l'agriculture 30 octobre 2013 organise déjà la prochaine rentrée scolaire, rendant d'application immédiate des mesures que nous n'avons pas encore adoptées ?