Intervention de Jean-Pierre Le Roch

Réunion du 4 décembre 2013 à 16h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Le Roch, rapporteur pour avis :

Je remercie à mon tour les intervenants pour la qualité, la richesse et la diversité de leurs propos.

Je partage la préoccupation de Mme Bourguignon sur l'obligation de produire plus et de façon plus responsable. L'agriculture a la mission noble de nourrir le monde, dans de bonnes conditions de sécurité sanitaire et alimentaire. Si des erreurs ont été commises par le passé, les agriculteurs en ont pris conscience, grâce à leurs organisations et à l'enseignement dispensé tant sous l'égide du Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP), que dans les MFR, dans le cadre de l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP), qui dépend en grande partie des chambres d'agriculture, ou dans l'enseignement agricole public. Dans son discours de septembre 2012 au Space – le « salon des productions animales carrefour européen » – de Rennes, le Président de la République a présenté l'aptitude à produire plus et autrement comme un des grands enjeux des prochaines décennies.

L'enseignement agricole joue un rôle exemplaire en matière de promotion sociale et d'insertion professionnelle. Toutefois, pour avoir présidé pendant quinze ans le conseil d'administration d'un établissement public d'enseignement agricole, je sais à quel point cet enseignement a souffert des suppressions de postes, notamment pendant la dernière décennie. Il faut féliciter les équipes pédagogiques d'avoir maintenu malgré tout un taux élevé de réussite aux examens et d'entrée des élèves dans la vie active.

Il est temps de compenser ces suppressions massives de postes, notamment pour les classes de quatrième et de troisième, dans les établissements publics et privés. Les premiers ayant plus souffert que les seconds, le gouvernement adoptera, dans un souci de rééquilibrage, un ratio de 70 % de création des postes dans le public contre 30 % dans le privé.

Madame Genevard, Mme Faure vous a en partie répondu sur le rôle du médiateur. Il existe une quarantaine de médiateurs dans l'éducation nationale, soit un ou plus par académie, alors que l'enseignement agricole, qui ne connaît pas d'académie, ne dispose que de deux médiateurs, au service de l'enseignement agricole public et privé.

Certains d'entre vous regrettent que le texte fasse trop peu référence à la formation des enseignants. Un amendement vous sera présenté à ce sujet, qui est essentiel pour accompagner la transition vers l'agro-écologie. Former les enseignants de demain et accompagner ceux d'aujourd'hui figurent en outre parmi les missions de l'IAVF, qui devrait créer à cette fin un réseau de formation.

Mme Genevard a rappelé l'autonomie des établissements agricoles. Je tiens à souligner que, depuis 1985, même si leur marge de liberté est contrainte, tous les lycées et collèges publics bénéficient d'une autonomie administrative et pédagogique qui leur a aussi permis d'être innovants.

L'IAVF a notamment pour mission de lutter contre la dispersion de l'enseignement supérieur dans notre pays, qui possède une vingtaine d'établissements publics et privés pour 13 000 étudiants. Il tiendra compte des spécificités de certains, qui sont très anciens et qu'on considère généralement comme de grandes écoles. Si les établissements supérieurs d'enseignement agricole publics lui seront automatiquement rattachés, les établissements de recherche comme l'INRA, le CIRAD ou les établissements de recherche n'y adhéreront que sur la base du volontariat. Certains organismes ou écoles ont déjà anticipé leur adhésion.

Au terme d'une enquête effectuée dans les établissements, le rapport de M. Chevassus-au-Louis définit les missions prépondérantes de l'IAVF : la prospective, l'analyse stratégique, l'expertise collective permettant d'accompagner les politiques publiques, l'éthique, la déontologie, les grands programmes de recherche et les appels à projets internationaux, auxquels les écoles de petite taille ne peuvent pas toujours répondre.

Au cours des auditions, l'acquisition progressive des diplômes a été unanimement appréciée comme une bonne mesure. Certains craignent qu'elle ne dévalorise les diplômes, mais on peut faire confiance à l'enseignement agricole, compte tenu de ses capacités d'innovation. Des amendements préciseront la manière dont connaissances et compétences seront capitalisées, afin que ceux qui n'auront pas obtenu leur diplôme mais fait valider certains acquis puissent reprendre des études sans repartir de zéro. La promotion sociale est également valorisée à travers l'ouverture des écoles d'ingénieurs aux bacheliers professionnels, grâce à un parcours adapté, dont les modalités seront définies par décret.

Madame Bourguignon, afin de favoriser la mobilité des jeunes, les projets internationaux seront intégrés aux projets des établissements, ce qui revient à institutionnaliser une pratique courante.

Dans le cadre de la transition à l'agro-écologie, la formation continue jouera un rôle important. Madame Pompili, les centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA), les centres de formation des apprentis (CFA) et les actions de développement des chambres d'agriculture relèvent de l'article 26 du projet de loi ; en revanche, les formations d'adultes de ces derniers organismes sont régies par le code du travail.

M. Rogemont a évoqué les formations en alternance. Beaucoup d'entre vous regrettent que les maisons familiales et rurales, dont je rappelle qu'elles accueillent 32 % des élèves de l'enseignement agricole, ne soient pas citées dans les articles 26 et 27. Elles figurent pourtant, de manière implicite, dans l'alinéa 3 de l'article 26, qui mentionne les opérateurs de l'enseignement agricole sans en citer nommément tous les acteurs.

En ce qui concerne la formation en alternance, nous ne disposons pour l'heure d'aucune évaluation.

L'enseignement agricole souffre d'un déficit d'image, en partie dû au mode d'orientation des élèves, pour lesquels il représente un dernier recours. M. Allossery l'a souligné. Dans les documents de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP), les formations agricoles apparaissent en bout de ligne et ne sont aucunement mises en valeur. Des chefs d'établissement m'ont indiqué qu'ils n'étaient pas admis dans tous les collèges pour promouvoir l'enseignement agricole. Je vous proposerai par amendement d'inclure les parcours d'orientation dans les projets d'établissement des établissements d'enseignement technique.

Cet enseignement est trop peu mis en avant, alors que nous saluons unanimement son rôle en matière de promotion sociale et d'insertion professionnelle. Les maisons familiales et rurales de Bretagne obtiennent ainsi un taux d'insertion professionnelle impressionnant. Leurs anciens élèves signent des contrats à durée indéterminée dans 65 % des cas. Et beaucoup d'offres d'emplois ne sont pas pourvues dans le secteur de l'agriculture.

M. Hetzel a souligné le lien entre cet enseignement et le monde professionnel, en rappelant que les conseils d'administration des établissements d'enseignement agricole ne sont pas présidés par des chefs d'établissement. Pour en avoir présidé certains, je peux témoigner que j'ai eu plaisir à y rencontrer une réelle diversité d'opinions et d'approches des pratiques agricoles, au service de l'enseignement et des jeunes.

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