Intervention de Jérôme Cahuzac

Séance en hémicycle du 17 juillet 2012 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2012 — Article premier

Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget :

Le rapporteur général a raison d'indiquer que l'opération, qui avait été imaginée, de baisse des cotisations familiales pesant aujourd'hui sur les entreprises avait pour contreparties une hausse de la TVA et une augmentation de 2 points de la taxation des produits du capital, et non une hausse de la CSG, contrairement à ce que certains ont pu dire. Il indique également, à juste titre, que cela aboutissait à une baisse maximale de 2 % du coût du travail.

Si l'on admet, ce que personne ne contestera, que le coût du travail représente entre 20 et 40 % du prix du produit final, il suffit de se livrer à un calcul pour comprendre que, pour accroître de près de 12 milliards d'euros les recettes de la TVA, c'est à une baisse de prix de 0,4 à 0,8 % que ce dispositif aurait abouti pour solde de tout compte. Or une baisse de prix limitée à 0,4 ou 0,8 % est gommée, non pas au bout de quelques années, mais au bout de quelques mois par les progrès de compétitivité qu'accomplissent les concurrents, qu'ils soient en Allemagne ou dans des pays plus lointains.

Cette opération, qu'on l'appelle TVA sociale, TVA anti-délocalisations, ou autrement, et qui a été décidée bien tardivement, au bout de dix ans de gouvernement de la droite, n'avait pas beaucoup de justification économique. Elle avait, je le constate par la qualité des intervenants, davantage de justification politique. Vous avez le droit de vouloir persévérer dans cette vision, ou dans ce combat politique qui est le vôtre. Vous avez le droit de nous expliquer que cette opération aurait empêché les délocalisations, qu'elle aurait permis de recréer de l'emploi et de combler le déficit de notre commerce extérieur, particulièrement préoccupant puisqu'il s'élevait l'année dernière à 70 milliards d'euros alors qu'il y avait un excédent en 2001. Vous avez le droit de penser qu'une baisse de prix de 0,4 à 0,8 % pour solde de tout compte aurait réglé l'affaire, mais je ne crois pas que vous le pensiez vraiment.

Un certain nombre d'anciens ministres se sont exprimés, comme M. Ollier, M. Woerth ou M. Bertrand, ainsi que l'ancien président de notre assemblée. Je voudrais citer un autre ancien membre des gouvernements du quinquennat de Nicolas Sarkozy, Mme Lagarde. Elle avait remis, au début de la précédente législature, un rapport d'étape sur l'éventualité d'une baisse du coût du travail qui aurait eu pour contrepartie une hausse de la TVA. Je vous demande de prêter attention à l'analyse de celle qui, je crois, reste votre amie politique, et qui siégea au Gouvernement avec un certain nombre d'entre vous.

Voici, donc, ce qu'écrivait Mme Lagarde : « La hausse des prix intérieurs qu'impliquerait la mise en place de la TVA comporterait à court terme un risque pour la bonne tenue de la consommation et de la croissance. La hausse initiale de prix serait, pour une large part, inévitable : parce que les biens de consommation importés subiraient la hausse de la TVA. Ce renchérissement des imports serait même une condition nécessaire à la réussite de l'opération. » Nombre d'entre vous ont indiqué que ce renchérissement n'interviendrait pas ; Mme Lagarde n'était pas d'accord avec eux car, ajoutait-elle, « la hausse de la TVA s'appliquerait immédiatement à des biens produits avant la mise en oeuvre de la réforme, sur lesquels les entreprises n'auraient pas bénéficié de la diminution des cotisations sociales ». Il y aurait bien eu de l'inflation, c'est-à-dire une perte de pouvoir d'achat.

« Le problème principal », poursuivait Mme Lagarde, « viendrait de la lenteur de la répercussion des baisses de charges employeurs dans les prix. Cette lenteur pourrait avoir plusieurs origines : les délais normaux du cycle de production » – qui peut le contester ? –, « le besoin éventuel de reconstitution des marges » – tout aussi incontestable car, malgré la politique favorable aux entreprises et à la compétitivité que vous avez prétendu mener pendant dix ans, leurs marges sont historiquement basses, et nul ne peut s'en réjouir – et « le manque de concurrence dans certains secteurs, qui pourrait pousser à des comportements de rente ».

Mme Lagarde est aujourd'hui directrice générale du FMI. Je doute qu'elle ait un avis différent. Celui qu'elle a émis à l'époque modifiera peut-être le jugement que ses anciens collègues peuvent avoir sur l'article 1er.

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