Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 11 décembre 2013 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président :

Je vous souhaite la bienvenue devant la commission des Lois. Je devine que vous n'êtes pas dépaysé puisque vous connaissez plusieurs d'entre nous et que vous avez eu l'occasion de venir vous exprimer devant cette Commission dans l'exercice de vos précédentes fonctions. Monsieur Nadal, vous êtes la troisième personnalité que nous entendons depuis le début de la législature dans le cadre de l'application de la procédure prévue à l'article 13, alinéa 5, de la Constitution. Cet article et les lois organique et ordinaire du 23 juillet 2010 prévoient que les commissions des Lois des deux assemblées doivent émettre un avis public sur la proposition de votre nomination à la présidence de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Vous serez également entendu ce jour à onze heures par nos collègues du Sénat.

Nous souhaitons que cette procédure voulue par le Constituant puisse trouver sa place, ses règles, et, pourquoi pas, ses rituels, dans l'ensemble des dispositions conférant une influence décisive au Parlement. C'est pourquoi, à chaque occasion qui lui a été donnée, notre Commission a cherché à rendre ces auditions plus utiles et plus riches. Dès le début de la législature – ce n'était pas le cas précédemment –, j'ai choisi d'utiliser la possibilité offerte par l'article 29-1 du Règlement de notre Assemblée de nommer un rapporteur. Bien que le Règlement ne l'impose pas, j'ai souhaité que ce soit un membre de l'opposition. Ce fut le cas de M. Guy Geoffroy, le 5 décembre 2012, pour l'audition relative à la nomination à la fonction de directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis de M. Jean-Luc Warsmann, le 20 février 2013, pour les auditions relatives à des nominations au Conseil constitutionnel.

Le groupe UMP ayant décliné la semaine dernière la proposition que je lui avais faite en ce sens, c'est M. Alain Tourret, député membre d'un groupe minoritaire, qui a été désigné rapporteur. Je rappelle que le groupe RRDP auquel il appartient avait voté, dans sa grande majorité, le 17 décembre dernier, contre le projet de loi relatif à la transparence de la vie publique.

Par ailleurs, pour la première fois, nous avons adressé un questionnaire préalable à la personne que nous allions auditionner. Monsieur Nadal, en accord avec M. le rapporteur, nous vous avons fait parvenir par écrit, vendredi dernier, douze questions. Vos réponses nous sont parvenues avant-hier, lundi, et nous les avons communiquées à tous nos collègues, qui ont ainsi disposé du temps nécessaire à leur lecture. Vous vous exprimerez donc, après le rapporteur, devant des parlementaires avertis de votre vision sur le rôle de l'autorité administrative indépendante à la tête de laquelle le président de la République envisage de vous nommer.

Qu'il me soit auparavant permis de dire, une nouvelle fois, ce que je crois être les apports essentiels de la loi relative à la transparence de la vie publique. Pour la première fois, a été défini en droit français le concept de conflit d'intérêts pour le secteur public. La nécessité d'une loi dans ce domaine était acquise depuis quelques années. Il faut souligner l'apport essentiel de M. Jean-Marc Sauvé, en tant président de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, mais aussi en tant que co-auteur du rapport qu'il remit – avec MM. Didier Migaud et Jean-Claude Magendie –, au président de la République, M. Nicolas Sarkozy, le 26 janvier 2011. La pesanteur des traditions avait pourtant maintenu le secteur public étranger à ce concept perçu comme anglo-saxon et réservé à certaines professions. Je vous invite à ce titre à lire l'article publié le 28 octobre dernier dans La Semaine Juridique par M. Paul Lignières, avocat à la Cour.

Il est maintenant reconnu que le risque du conflit d'intérêts n'est plus l'exclusivité des gens malhonnêtes et l'on admet enfin que la recherche de l'intérêt général n'est plus exclusive des conflits d'intérêts. Il s'agit d'un progrès de l'État de droit dans un pays centralisé qui a longtemps estimé que la recherche de l'intérêt général était censée transcender les risques de conflits d'intérêts. Dans cette vision, la vie publique était régie uniquement par la dichotomie entre les personnes respectueuses du droit et les autres. Le seul fait de s'interroger sur un potentiel conflit d'intérêts était perçu comme un aveu de faiblesse, voire de culpabilité, ou bien considéré comme de nature à créer un soupçon. Le droit pénal et les sanctions disciplinaires étaient supposés régler ces questions.

Avec l'article 2 de la loi ordinaire, nous avons tourné cette page en créant un régime préventif. C'est ce qui explique que, pour M. Daniel Lebègue, le président de Transparency International France, ces lois constituent une avancée indiscutable.

Je suis convaincu que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique connaîtra un destin comparable à celui du Comité national d'éthique, crée par François Mitterrand en 1983 : elle sera respectée par tous pour la pondération et le sérieux de ses avis, et sollicitée par chacun pour éclairer la complexité des situations et suggérer des évolutions tempérées. Encore faut-il que cette Haute Autorité puisse travailler, qu'elle soit installée et que ses membres soient nommés, ce qui nous ramène à l'objet de cette audition.

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