Le groupe UMP, lors de l'examen du projet de loi, s'est prononcé contre le principe de cette Haute Autorité. Par cohérence, nous avons refusé qu'un de nos membres soit désigné rapporteur sur la nomination de ses membres.
Je félicite néanmoins le rapporteur pour le sérieux de son travail et je vous remercie, monsieur Nadal, d'avoir apporté des réponses aux questions qui vous avaient été adressées. Nous en avons eu connaissance avant-hier et je crois, Monsieur le Président, que cette méthode est satisfaisante car susceptible d'éclairer nos débats. Vous l'avez souligné comme nous l'avions fait au cours de l'examen du texte : la transparence est un moyen et non une fin. En l'occurrence, le moyen est limité par la fin, à savoir la capacité des acteurs à décider et à agir librement. Ce double rappel, par le Conseil constitutionnel et par la personne susceptible de présider la Haute Autorité, nous semble précieux.
Nous sommes dans une matière quasi pénale puisque les décisions de la Haute Autorité auront rapidement des incidences financières pour les personnes visées ou des conséquences sur leur capacité à exercer des responsabilités.
Ma première question porte sur l'impartialité. Vous avez pris des engagements politiques ou à caractère partisan après avoir quitté la magistrature. Personne ne vous conteste ce droit. Considérez-vous ces engagements comme une parenthèse dans votre vie ou sont-ils de nature à peser sur votre conception de l'impartialité ? Quelle lecture devons-nous faire de cet épisode de votre vie personnelle ?
Mes questions suivantes ont trait au flou artistique qui caractérise différentes notions inscrites dans la loi. Le Conseil constitutionnel ayant validé celle-ci, je ne reprends pas le débat. Néanmoins, la Haute Autorité aura un large pouvoir d'appréciation. Aussi je souhaiterais connaître l'interprétation que vous donnez de certains termes ou expressions.
Dans l'article 2, article de principe définissant le conflit d'intérêts, il est ainsi fait référence à une situation « de nature à influencer ou à paraître influencer », qui semble particulièrement difficile à apprécier.
Les articles 4 et 11 évoquent une « modification substantielle » de la situation patrimoniale et des intérêts détenus. Si le caractère substantiel fait écho en droit du travail à une jurisprudence abondante – notamment en ce qui concerne le contrat de travail –, il n'en va pas de même dans la matière qui nous intéresse, alors même que les sanctions encourues, en cas de non-respect de l'obligation de déclaration, sont importantes.
L'article 4 prévoit que la déclaration d'intérêts précise « les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts » ainsi que les « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ». Ces notions très larges méritent d'être précisées et la tâche en revient à la Haute Autorité, puisque le législateur ne l'a pas fait.
Il faut ajouter aux difficultés d'interprétation des interrogations sur la méthode. Comment évaluer les biens devant figurer dans la déclaration d'intérêts, à la date du fait générateur de la déclaration ? Prendrons-nous en compte le prix du marché, le prix déterminé par l'expert, le prix que l'acquéreur est prêt à payer ? Dans la liste, dressée par le même article, des éléments composant la déclaration, sont mentionnés « les autres biens » : s'agit-il de tous les autres biens sans distinction ou de certains d'entre eux seulement ? Le débat parlementaire n'a pas apporté sur ce point de réponse satisfaisante. Or cette imprécision peut avoir des conséquences lourdes sur l'application des sanctions prévues par les textes.
Les conditions d'application de l'article 8, relatif à la gestion des instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et les présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes intervenant dans le domaine économique, sont renvoyées à un décret en Conseil d'État. Quels éléments envisagez-vous transmettre au Conseil d'État pour l'orienter dans la rédaction du décret ? Votre avis sera inévitablement sollicité.
S'agissant des deux personnalités qualifiées qui complètent la composition de la Haute Autorité, avez-vous réfléchi aux profils des candidats que vous pourriez rechercher ?
Je partage par ailleurs la préoccupation de M. René Dosière et de M. Pascal Popelin sur les moyens de fonctionnement de la Haute Autorité. L'article 19 lui attribue les « crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions » mais nous savons combien la nécessité est une notion flexible. Savez-vous de quels moyens vous disposerez ?
Enfin, la Haute Autorité est en relation, parfois en concurrence, avec de nombreuses autres institutions ou services qui s'occupent du même sujet : la commission pour la transparence financière de la vie politique, les déontologues des assemblées, la questure à l'Assemblée, le parquet, l'administration fiscale. Lors du débat parlementaire, la crainte de faire de la Haute Autorité un procureur parlementaire s'était exprimée. Vos propos de ce matin sont de nature à alimenter notre réflexion sur le sujet. Néanmoins, la question de la superposition des compétences demeure posée.