Intervention de Colette Capdevielle

Réunion du 11 décembre 2013 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle :

Ce projet de loi répond à l'engagement du président de la République de renforcer la protection des sources des journalistes, condition du droit à l'information, qui dans une société démocratique s'impose aux autres droits.

L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « la libre communication des pensées et des opinions est l'un des droits les plus précieux de l'homme » ; quant à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, il dispose : « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques ». Il a pourtant fallu attendre 2010 pour que le législateur réagisse enfin aux condamnations répétées de la France par la CEDH : en la matière, notre pays était multirécidiviste.

Mais le texte cosmétique de 2010 a très vite révélé ses insuffisances.

Le projet de loi de Mme Taubira vient corriger les approximations de la loi « Dati » et remédie aux lacunes que la jurisprudence avait commencé à pointer et à rectifier dans un sens plus libéral. Il affirme de manière très solennelle le principe de la protection du secret des sources : l'article 1er réécrit intégralement l'article 2 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse ; le texte précise que cette protection est absolue et que seule la loi peut lui porter atteinte. Il définit de manière plus précise et plus large ceux qui sont protégés, sans faire référence à la carte de presse. Il définit clairement la notion d'atteinte au secret, qui doit rester exceptionnelle, et durcit les conditions dans lesquelles ces atteintes peuvent être portées dans le cadre d'une procédure pénale. Il confie au juge des libertés et de la détention, juge du siège indépendant du parquet et du juge d'instruction, la compétence d'autoriser des actes d'enquête ou d'instruction qui porteraient atteinte au secret des sources et ce, dans des cas exceptionnels et prévus expressément par la loi. Tant la requête que l'ordonnance doivent être spécialement motivées.

Si ces dispositions légales avaient existé, jamais le procureur de Nanterre ne se serait autorisé à saisir les fadettes des journalistes du Monde !

Le projet assortit enfin la violation du secret des sources de lourdes sanctions et prévoit que les journalistes ne pourront être condamnés pour recel de violation du secret de l'instruction.

Notre débat devra conforter et enrichir ce texte court mais très dense. La commission des Affaires culturelles l'a examiné pour avis, et a notamment souligné l'importance des progrès technologiques dans la presse, et la nécessité de les prendre en considération. Il faudra aussi nous demander qui exactement doit être protégé.

La disposition la plus débattue porte sur la définition des motifs d'atteinte. Le projet de loi vise les crimes, ce qui ne pose pas de difficultés, pas plus que les atteintes graves aux personnes – à condition de fixer le niveau de peine encourue.

En revanche, la mention des « intérêts fondamentaux de la nation » est controversée. La protection accordée aux journalistes ne saurait être absolue et la jurisprudence de la CEDH rappelle le principe de proportionnalité. Il ne faut pas qu'une notion trop large, trop floue et par conséquent arbitraire laisse une grande liberté d'appréciation au juge. La protection du secret des sources doit donc être étroitement et précisément encadrée. Si nous fixons un seuil de peine précis pour définir la notion d'infraction « grave », aucune discussion n'est plus alors possible.

Il en va de même pour les conditions dans lesquelles les perquisitions pourront être pratiquées. Ce régime qui doit être très protecteur peut s'assimiler à celui des perquisitions dans les cabinets d'avocats.

Ce texte ouvre enfin la possibilité pour les journalistes d'accompagner les parlementaires dans les établissements pénitentiaires. Il nous est apparu que cette mesure pouvait être étendue à d'autres lieux privatifs de liberté ; je rappelle que ces visites se feront sous la responsabilité et le contrôle des parlementaires, dont le rôle sera crucial.

La presse est en crise – je viens d'ailleurs d'apprendre avec beaucoup de regret qu'un quotidien du Pays basque fermera dans quelques jours, laissant seize personnes au chômage et une partie de l'information locale oubliée. Ce projet de loi vise à restaurer le lien de confiance avec la presse ainsi qu'à valoriser la liberté d'expression et la qualité du difficile travail d'information.

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