Chacun s'accorde à dire que la Commission d'enquête a été riche d'enseignements. Les raisons qui ont poussé à sa mise en place justifiaient largement un travail parlementaire, car le cas de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord, s'il est singulier, est aussi représentatif d'un système. Les fermetures de sites industriels devenant de plus en plus fréquentes, il était nécessaire de se pencher tant sur les mécanismes qui mènent à cette solution extrême, que sur la manière dont certains grands groupes justifient des plans sociaux, dont on ne perçoit pas toujours la pertinence et dont des conséquences sont très lourdes pour nos régions.
Les auditions ont fait la lumière sur certains points. Elles ont aussi montré leurs limites, puisqu'elles n'ont pas toujours permis d'établir clairement les intentions et les responsabilités des parties.
La première cause du conflit est l'échec du dialogue social. La tension entre direction et syndicats a été telle que la négociation a fini par sembler impossible. La responsabilité de chacun n'est pas aisée à établir, même s'il n'est pas exclu que les difficultés aient été utilisées de manière stratégique pour favoriser le processus de fermeture.
La seconde cause est le manque de transparence des informations transmises sur la rentabilité du site, sur le montage financier de l'entreprise et sur les négociations concernant une éventuelle reprise par Titan. Les difficultés rencontrées par la Commission d'enquête pour se procurer des chiffres fiables et consolidés, ainsi que certaines données relatives au fonctionnement de l'entreprise, le prouvent assez nettement. Les suites qui seront réservées à un éventuel projet de reprise sont toujours aussi floues. De même, le fait que des repreneurs potentiels n'aient pas eu accès à toutes les informations qui leur étaient nécessaires pose la question des liens entre Goodyear et Titan.
La troisième cause du conflit est l'absence d'investissement dans l'outil de production, devenu de ce fait obsolète. Cette obsolescence a été invoquée ensuite pour justifier le projet de fermeture. Il est difficilement acceptable de voir une entreprise créer les conditions de sa propre fin et menacer de cette façon les emplois d'une région.
Un autre paradoxe du dossier est l'impossibilité pour Goodyear de maintenir l'activité agraire ou de lui trouver un repreneur, alors que celle-ci est unanimement décrite comme rentable et dotée d'un fort potentiel de développement.
La Commission d'enquête a révélé l'importance des risques psychosociaux dus à la pression permanente exercée sur des salariés. À ce titre, les pistes proposées par le rapport semblent particulièrement intéressantes. Il faut concrétiser rapidement la cinquième et la sixième.
La question de la santé des salariés s'est posée fortement dans ce dossier, du fait de conditions de travail déplorables, que nous avons pu constater en visitant le site. De nombreux manquements dans l'application de la loi ont été recensés par l'inspection du travail et le CHSCT, puis sanctionnés par la justice, sans pourtant qu'ils reçoivent de suites satisfaisantes.
Les collectivités territoriales, qui mettent en oeuvre des dispositifs visant à accueillir et faciliter l'implantation d'industries sur leur territoire, sont prises au dépourvu quand il s'agit de comprendre la stratégie des groupes ou de s'impliquer concrètement dans la sauvegarde de l'emploi. Elles sont pourtant les premières à subir les conséquences des difficultés économiques, sociales et environnementales.
Aujourd'hui, la menace de fermeture plane toujours sur près de 1 200 salariés, sur leur famille et sur tout le bassin d'emploi amiénois. Le combat en justice se poursuit. Nombreux sont ceux qui continuent de se mobiliser pour trouver une solution.
Notre commission n'avait pas pour objectif d'empêcher la fermeture du site, mais, puisqu'elle a permis de formuler certaines propositions, celles-ci doivent trouver une application concrète dans des ajustements législatifs. Les plus intéressantes concernent le respect du droit du travail, le dialogue social, la formation ou la dépollution.
Il reviendra à chacun de nous de les inscrire dans un agenda politique. Nous en aurons l'occasion en examinant la loi sur la formation professionnelle. Derrière les pages du rapport se joue la vie d'hommes, de femmes et de familles entières, non seulement chez Goodyear mais dans de nombreuses usines françaises. Le rôle des politiques est d'anticiper les mutations économiques, afin de soutenir les secteurs menacés et d'orienter incitations et formations vers les secteurs créateurs d'emploi. Plus nous anticiperons, plus nous éviterons le naufrage de certains bassins industriels.
C'est dans cet état d'esprit constructif, en réaffirmant ma volonté – ainsi que celle de tout le groupe écologiste – d'avancer sur ces sujets, que je voterai le rapport.