Intervention de Martial Saddier

Réunion du 12 décembre 2013 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartial Saddier :

Les députés UMP – notamment MM. Antoine Herth et Dino Cinieri – ont déposé plusieurs amendements visant à équilibrer le droit de préemption, qui seul peut garantir le maintien de l'agriculture et la maîtrise du foncier agricole.

La majorité et le Gouvernement semblent acquis à l'idée d'ouvrir certains baux aux collectivités territoriales et à des associations, notamment environnementales. Il est pourtant indispensable que cette évolution n'affaiblisse pas la profession agricole. En effet, des décisions prises en toute bonne foi par les responsables en charge peuvent, quelques années plus tard, être dénaturées par ceux qui leur succèdent, transformant un acte positif en une catastrophe pour la profession agricole. Ainsi, en tant que maire, j'ai acheté – en accord avec la profession agricole et la SAFER – des dizaines d'hectares de terrains agricoles en périphérie de ma ville afin de bloquer l'urbanisation et figer l'agriculture ; j'ai reloué ces terrains avec des baux très longs – 30 ans – à des jeunes agriculteurs. Cette action a été possible parce que je suis resté en charge entre le moment de l'achat et celui du bail ; mais en cas de changement municipal, mon successeur aurait pu en disposer autrement. Si je ne conteste pas le principe, il faut donc demeurer vigilants.

Plusieurs questions restent en suspens. Ainsi, peut-on envisager le droit de préemption dans le cas de sociétés à parts sociales, ayant des activités agricoles ? Qu'en est-il des notions de nue-propriété et d'usufruit ? Nous aimerions connaître l'avis du Gouvernement.

En matière de stockage du foncier, le coût souvent élevé du portage impose des délais importants.

Les parcelles boisées et les zones humides entrent-elles dans le champ de préemption ? Le texte de loi semble par ailleurs en exclure différents terrains en zone agricole qui peuvent paraître abandonnés, comme les anciennes carrières ; nous avons déposé des amendements visant à les y inclure.

Certaines sanctions prévues dans le texte nous semblent disproportionnées. Qu'en pense le ministre ? Compte-t-il prendre en compte le fait que des collectivités locales souhaitent déléguer leur droit de préemption à la SAFER ? Quid des baux de complaisance ?

La question de la solvabilité se pose également afin que la SAFER ne porte pas seule les risques financiers d'une opération. Ces risques sont très différents d'un département à l'autre selon que la situation foncière est tendue ou non. Dans certains secteurs, il est toujours possible de trouver des acheteurs hors du monde agricole prêts à mettre n'importe quel prix pour disposer deux semaines par an d'une résidence secondaire dans un lieu privilégié. L'outil de préemption doit donc rester souple pour fonctionner dans les zones de déprise agricole et dans les zones de pression.

Je dépose par ailleurs en vain des amendements depuis dix ans sur la séparation du bâti et du foncier agricole. Si des acheteurs venus du bout du monde sont prêts à payer plusieurs millions d'euros pour ouvrir, quelques jours par an, les volets de leur chambre sur un lever de soleil sur le Mont-blanc, il faut toutefois éviter qu'ils acquièrent en même temps les alpages alentours sur lesquels de jeunes couples d'agriculteurs pourraient s'installer pour produire des fromages AOC.

Monsieur le président, nous apprécions que vous ayez permis à la commission de débattre sur des sujets que le « couperet » de l'article 40 de la Constitution ne nous aurait pas permis d'aborder.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion