– Je vais maintenant présenter les spécificités de la production de gaz de houille, avant d'évoquer ses perspectives en France.
Le gaz de houille est un gaz non conventionnel dont la roche-mère est le charbon. Il fut considéré pendant longtemps essentiellement comme un danger pour l'industrie minière. Il est aujourd'hui considéré comme une source potentielle d'énergie importante au niveau mondial.
Le gaz de houille est constitué du gaz de mine et du gaz de couche. Le premier est issu de mines exploitées. Il est récupéré, par exemple, depuis 1975 dans le Nord Pas-de-Calais. Le second est issu de couches inexploitées de charbon. Il est produit depuis les années 1980 aux États-Unis et, depuis les années 1990, en Australie. C'est le gaz de couche que j'évoquerai ici, sous l'appellation « gaz de houille ».
Les techniques employées pour l'extraction du gaz de houille présentent des différences avec les techniques employées plus généralement pour la production des hydrocarbures non conventionnels :
Tout d'abord, la production de gaz de couche est généralement associée à celle d'une grande quantité d'eau. Pour libérer le méthane, on commence par pomper l'eau. Dans un premier temps, le puits produit davantage d'eau que de gaz, avant que la situation ne s'inverse.
Ensuite, le gaz de houille ne requiert pas toujours de forage horizontal. La finesse de la couche peut être un obstacle.
Enfin, l'extraction du gaz de houille ne requiert pas non plus toujours de fracturation hydraulique. En effet, il se peut que le charbon soit suffisamment perméable, de par sa structure naturelle, du fait du réseau de fractures qui le traverse. Si l'usage de la fracturation hydraulique pour l'extraction du gaz de houille est largement répandu aux États-Unis, il est, en revanche, plus rare en Australie. Dans la région du Queensland, qui est la principale région australienne productrice de gaz de couche, la fracturation hydraulique n'a, à ce jour, été employée que dans 8 % des puits forés dans les couches de charbon.
Lorsqu'aucune technique de fracturation n'est employée, la gestion industrielle est des plus classiques, sans besoin d'eau – au contraire, l'exploitation en produit. D'après un rapport récent du BRGM et de l'INERIS, le risque principal à prendre en compte est relatif à une éventuelle contamination de l'eau extraite, qu'il faut surveiller. Par ailleurs, toutes les précautions habituellement applicables en matière de forage doivent, bien sûr, être respectées.
En France, les deux bassins les plus prometteurs sont ceux de Lorraine et du Nord Pas-de-Calais. La société EGL, qui mène actuellement des travaux d'exploration, juge que le gaz de houille pourrait y être produit sans recours à la fracturation, si les premiers résultats qu'elle a obtenus en Lorraine sont confirmés par des travaux actuellement en cours, qui doivent aboutir en 2014.
En Lorraine, des tests de production ont déjà été réalisés sur un puits comportant des drains horizontaux multilatéraux (site de Folschviller 2). Trois campagnes de tests y ont été effectuées depuis 2008. La couche de charbon serait épaisse, propice à l'installation de drains horizontaux. Le charbon présenterait une perméabilité compatible avec une exploitation sans fracturation. Les résultats obtenus à ce jour sont toutefois insuffisants. Quatre autres sites pilotes sont prévus. Un forage est en cours sur le site de Trittelling, avec de premiers résultats attendus avant la mi-2014. Ces travaux ne semblent pas, localement, susciter de réticences de la population. Un consensus politique existe, par ailleurs, dans cette région, en faveur des travaux d'exploration.
La situation est moins avancée dans le Nord Pas-de-Calais, où l'on estime que seuls 10 % du charbon du bassin a été exploité dans le passé. Quatre demandes de forages ont été déposées, notamment sur les sites d'Avion et de Divion. Il s'agit de procéder à des forages verticaux à environ 1 500 m pour connaître la teneur en gaz et le degré de perméabilité du charbon. Dans cette région de culture industrielle et minière, comme l'est la Lorraine, il est probable que la population ne serait pas défavorable à ces travaux d'exploration.
Je vais maintenant poursuivre ce panorama des techniques en évoquant la fracturation hydraulique, qui n'est pas une technique figée puisqu'elle connaît des évolutions.
Les risques de la fracturation hydraulique sont bien connus. Ils sont énumérés dans le rapport. Je n'y reviendrai pas dans le détail ici. Je souhaiterais néanmoins mentionner trois points.
D'une part, les images du film Gasland, qui sont à l'origine de la tournure prise par le débat en France, sont des images trompeuses : il est aujourd'hui établi que, si l'eau du robinet s'enflamme dans ce film, c'est en raison de la présence de gaz biogénique c'est-à-dire de gaz produit à proximité de la surface par la décomposition et la fermentation de matière organique, et non de gaz issu de l'exploitation des hydrocarbures.
D'autre part, nous avons approfondi la question des fuites de méthane, que diverses études estimaient entre 3 % et 8 %, susceptible d'anéantir les effets bénéfiques de la réduction de la consommation de charbon aux États-Unis. Or, une étude plus récente de l'Université d'Austin conclut que les fuites, au stade de la production de gaz non conventionnel, sont de 0,42 %. Les techniques et règlementations tendant à éviter l'émission de méthane dans l'atmosphère progressent.
Enfin, les risques sont variables selon les régions. Nous nous sommes rendus à Montpellier où des chercheurs ont attiré notre attention sur la complexité géologique de la région sud-est et les risques spécifiques qui seraient encourus si des précautions n'étaient pas prises. Les éventuelles failles et les réseaux de circulation de l'eau souterraine dans cette région sont mal connus. De plus, l'eau consommée ne provient pas de nappes proches de la surface mais de nappes plus profondes. Un effort redoublé de recherches sur le sous-sol est donc nécessaire.
La fracturation hydraulique est donc une technique qui doit être strictement encadrée. Nous avions déjà indiqué dans notre rapport d'étape que c'était une technique ancienne (utilisée pour la première fois en 1947 aux États-Unis), déjà employée en France à au moins quarante-cinq reprises, et faisant l'objet de constantes améliorations.
Nous possédons, en France, toutes les compétences nécessaires à la mise en place et au contrôle de l'application d'une réglementation spécifique qui devrait concerner notamment les points suivants la transparence et la concertation, le choix des sites de forage après études géologiques appropriées, le contrôle et la prévention des fuites, l'usage d'additifs, avec l'établissement d'une liste de produits autorisés, et l'obligation de divulguer la composition des fluides de fracturation, la protection des paysages par le regroupement des puits en « grappes », la protection des sols et leur re-végétalisation après la phase de forage.
Cette réglementation aura un coût pour l'industrie, mais elle ne pose pas de problèmes de principe majeurs ; la France dispose déjà d'une administration capable de contrôler sa mise en oeuvre, avec le réseau des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).