– Mme Corinne Bouchoux et moi-même n'avons pu que survoler le rapport et trouvons que les conditions de travail de l'Office ne sont pas à la hauteur de sa prétention à incarner un travail parlementaire et scientifique. Nous avons dû trouver le temps, dans nos agendas chargés, de venir en personne lire ce rapport, dans des délais extrêmement courts. Aucun autre de nos collègues n'en a trouvé le temps, ils vont donc découvrir ce rapport important sur table. Je ne conteste pas le principe de confidentialité, mais il faudrait que nous puissions travailler correctement et donc lire le rapport.
Le rapport, très intéressant, comporte un énorme écart entre son contenu et ses conclusions. Il fait preuve d'un parti-pris idéologique fort, avec l'emploi de mots tels que celui d' « obscurantisme » dans sa conclusion. Ce rapport vise en fait à démontrer qu'il faut utiliser, à tout prix, les gaz de schiste.
Pourtant, les incertitudes sur la géologie du sud-est de la France sont mentionnées, avec un écart de 1 à 1 000 dans les estimations de réserves d'hydrocarbures. Les incertitudes quant aux effets économiques sont aussi évoquées. À ce sujet, j'ai présidé le groupe de travail sur la compétitivité économique dans le cadre du débat sur la transition énergétique où la situation des États-Unis a été évoquée. Je relève que vous mentionnez les emplois créés aux États-Unis, mais pas les emplois détruits, qui sont très nombreux. Le bilan, en termes d'emplois, du gaz de schiste doit être relativisé.
Vous citez l'étude du cabinet Roland Berger qui indique que l'exploitation des gaz de schiste en France n'aurait pas d'impact sur le prix du gaz et donc pas d'effet pour l'industrie française. Cette étude indique qu'il n'est pas possible de conclure de manière certaine à l'existence d'un manque à gagner lié à l'interdiction de la fracturation hydraulique. Ce sont des éléments intéressants du rapport, que l'on ne retrouve pas dans vos conclusions.
Votre rapport constate l'absence d'alternatives fiables. D'après vous, l'exploitation propre des gaz de schiste n'existerait pas. Vous souhaitez donc revenir à la fracturation hydraulique, en donnant l'impression qu'elle a été améliorée. L'Académie des sciences dit d'ailleurs à peu près la même chose. Mais je me permets de vous rappeler que l'Académie des sciences préconisait en son temps l'emploi de l'amiante qui n'aurait pas eu d'impact sur la santé. Cette académie n'a jamais brillé beaucoup par sa capacité d'autocritique par rapport au scientisme.
De nombreuses incertitudes demeurent s'agissant des techniques alternatives. Le rapport en fait largement état et ce n'est pas la piste que vous souhaitez privilégier.
S'agissant du gaz de houille, il ne faut pas confondre gaz de mines et gaz de couche. Le premier est à privilégier. Il bénéficiera d'ailleurs très bientôt d'un financement par la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Quant au gaz de houille, sa rentabilité reste très sujette à débats. Elle n'est pas démontrée.
Vous essayez ensuite de montrer que la fracturation hydraulique, dont l'interdiction a été confirmée par le Conseil constitutionnel, pourrait se faire avec des impacts maîtrisables sur l'environnement, mais vous n'indiquez pas sur la base de quels critères vous évaluez ce qui est, ou non, maîtrisable. À propos des fuites de méthane, vous citez une seule étude, celle d'un chercheur d'Austin sur l'impartialité duquel on peut s'interroger puisqu'il a travaillé pour Exxon. Les évaluations des fuites de méthane sont donc controversées. C'est une question essentielle.
Le fait que le gaz de schiste ait contribué à réduire les émissions de gaz à effet de serre des États-Unis n'est évidemment pas transposable en France, puisque nous n'avons pas le même bouquet énergétique.
Vous évoquez l'hypothèse d'une prochaine autosuffisance énergétique des États-Unis : l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a modéré son propos à ce sujet. Elle prévoyait, de façon irréaliste, une diminution de la consommation énergétique des États-Unis de 20 % jusqu'en 2020, pour parvenir à ce résultat.
Par ailleurs, vous expliquez qu'il y aurait plus de tolérance en Lorraine que dans le Languedoc pour l'exploitation des énergies fossiles. Sur quelle étude fondez-vous ce constat ?
Quant aux paysages, vous évoquez le lignite en Allemagne ; mais, avec la multiplication des derricks, le gaz de schiste n'aurait-il pas un impact sur le paysage qui soit sujet à caution ? Je vous proposerai d'ailleurs de reprendre la recommandation formulée par moi, avec l'accord du MEDEF, dans le cadre du débat sur la transition énergétique, à savoir que, avant toute chose, une étude d'impact global soit réalisée et qu'elle porte notamment sur l'économie et le tourisme.
Le coût d'une réglementation de la fracturation hydraulique n'est pas évalué. Cela devrait relativiser beaucoup l'intérêt économique des gaz de schiste.
Enfin vous prenez comme référence les chiffres d'entreprises concernées au plus près par une éventuelle exploitation. Nous ne pensons pas que cela permette une évaluation correcte.