Il s’agit d’un sujet important. Il m’inspire une réflexion : j’ai en mémoire les débats que nous avions il y a trois ans au sein de cet hémicycle sur un texte qui n’a rien à voir a priori avec celui-ci, mais qui s’y rapporte à certains égards. Il s’agit du texte autorisant les jeux en ligne. La majorité et l’opposition n’étaient pas les mêmes, et j’avais pris la parole à l’époque pour dire tous les risques que ce texte de généralisation pouvait receler, notamment au regard du fait qu’une société créée ex nihilo pouvait se lancer dans les jeux en ligne. Il ne me paraissait pas normal de ne pas réserver cette pratique aux casinos, qui sont formés, ont les autorisations et un certain nombre d’obligations notamment concernant les phénomènes addictifs au jeu.
L’opposition de l’époque, socialiste, m’avait dit partager complètement ces arguments, car le commerce en ligne devait être une continuité du commerce traditionnel et classique. Et aujourd’hui, quelle n’est pas notre surprise de voir que ce texte va offrir un certain nombre de possibilités à l’e-commerce, mais sans les mêmes garanties que celles qui existent dans le réseau classique des lunetiers opticiens !
Ces derniers se trouvent dans une situation assez complexe, entre le développement d’un réseau de commercialisation lié au système mutualiste, qui capte un certain nombre d’achats, et d’un autre côté un certain nombre de mesures telles que celle-ci, qui pourront avoir des conséquences sur leur activité.
Deux actes doivent être distingués : le primo achat de lunettes et de lentilles et le renouvellement – et encore la vue n’est-elle pas forcément stable, elle évolue. Connaissant les difficultés qui existent par ailleurs du fait du faible nombre de médecins oculistes dans notre pays, un certain nombre d’actes qui étaient de leur ressort pourraient peut-être, un jour, pour des raisons de santé publique, être réalisés par des professionnels dûment formés tels que les lunetiers opticiens.
Cela nous ramène au sujet du maillage territorial, qui m’est cher. Bien sûr, les grands magasins de lunetiers opticiens des centres-villes et de certains quartiers dynamiques n’auront pas trop à souffrir, et encore, mais ceux qui se trouvent au coeur de notre milieu rural pourraient rapidement se trouver en situation délicate.
Nous sommes ici face à nos contradictions, car ce qui est vrai dans ce cas vaut aussi pour le réseau des libraires et bien d’autres. Le développement de l’e-commerce est un fait de société, mais certains produits ne sont pas banalisables comme d’autres. Tout ce qui à trait à l’optique est tout de même très important.
Monsieur le ministre, vous avez certainement une très bonne vue, mais je crois qu’il est essentiel de tenir compte de la spécificité de ce produit. Comme l’a dit Damien Abad tout à l’heure, le fait de se diriger tout le temps vers une libéralisation à tous crins, à tout niveau, est choquant et surprenant, surtout venant de vous, monsieur le ministre.