Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 10 décembre 2013 à 22h00
Commission des affaires économiques

Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir aménagé le temps nécessaire à l'examen de cet important projet de loi.

L'agriculture française traverse à l'heure actuelle, dans toutes ses composantes, une période difficile. La politique agricole commune (PAC) a été renégociée : sa réforme fixe les grands objectifs. Son budget nous permettra d'assurer la pérennité des aides, surtout du second pilier. S'agissant du premier pilier, des objectifs ont été fixés en termes notamment de verdissement et de répartition des aides : le paiement redistributif, qui est une initiative française et permettra de surprimer en France les cinquante-deux premiers hectares, a été adopté par l'Allemagne. Quant aux aides directes liées aux paiements couplés, elles sont particulièrement importantes pour l'approvisionnement de l'élevage en protéines végétales. S'agissant du second pilier, je tiens à souligner le renforcement des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) et toutes les mesures agro-environnementales qui seront mises en oeuvre dès 2014.

L'examen de ce projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt doit être l'occasion d'aborder les rapports entre les citoyens d'une part, et l'agriculture et la forêt d'autre part, sans oublier l'alimentation, l'enseignement agricole, qui est un objectif prioritaire, et les outre-mer. Il convient de préciser les relations entre les objectifs économiques de l'agriculture et de la forêt et les attentes de la société. La représentation nationale doit pleinement jouer son rôle en la matière.

J'ai souhaité également que le texte comporte un nombre raisonnable d'articles – ils sont trente-neuf – afin de me conformer aux objectifs de simplification du Président de la République et du Premier ministre – le texte supprime par ailleurs vingt-quatre articles du code rural. Tel est l'esprit de responsabilité législative dans lequel j'ai travaillé en direction des agriculteurs, des forestiers, des consommateurs et des acteurs de l'enseignement agricole.

Le livre préliminaire prévu à l'article 1er permet de définir les grands objectifs de la politique en faveur de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche maritime.

Le titre Ier est dédié à la double performance, économique et environnementale, des filières agricoles et agroalimentaires. La représentation nationale a raison de vouloir y intégrer la dimension sociale. Ce souci est primordial aux yeux non seulement des agriculteurs, mais également de l'ensemble des citoyens. Les agriculteurs considèrent souvent qu'on leur impose des normes toujours plus nombreuses et les citoyens que les agriculteurs ne fournissent pas les efforts attendus. Il convient à la fois d'atteindre l'objectif économique afin de garantir le revenu des agriculteurs et de prendre en compte les grands enjeux écologiques. Quant à la dimension sociale, elle est traitée notamment dans la question de l'installation : l'agriculture de demain doit demeurer celle des chefs d'exploitations – éleveurs et paysans. Je garde cet objectif en tête. Les grands enjeux sont les suivants : fixer et conforter le rôle du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO) et de FranceAgriMer, qui est un lieu de débat interprofessionnel et de planification stratégique. Un plan stratégique filière par filière est en préparation.

L'article 3 permet de reconnaître les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) qui ont pour objectif de conforter la transition de l'agriculture vers des systèmes agro-écologiques : les agriculteurs, pour obtenir des résultats en termes économiques et écologiques, doivent renouveler leur organisation collective.

L'article 4 renforce le droit du bailleur d'inclure dans le bail des clauses dites « environnementales », tandis que l'article 5 clarifie la notion de transparence, dont les groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) sont la seule forme de société agricole à bénéficier en droit français. Pour la première fois les GAEC sont reconnus à l'échelon européen : c'est un atout supplémentaire pour garantir et la capacité des agriculteurs à se regrouper et la pérennité des chefs d'exploitation.

Le texte vise également à rénover la gouvernance du modèle coopératif, en changeant et en rééquilibrant les clauses contractuelles consécutives à l'adoption de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Le rôle et la place du médiateur, qui a été très utile dans le débat laitier, doivent également être inscrits dans la loi, en vue d'éviter les conflits. Le pluralisme syndical doit être par ailleurs reconnu dans les interprofessions.

Le titre II du projet de loi est consacré à la protection des terres agricoles et au renouvellement des générations. De nombreux amendements ont été déposés sur la question foncière : je le comprends. Il faut toutefois bien prendre en compte le fait que cette question se situe à la frontière, d'un côté, des mesures à prévoir pour assurer le renouvellement et l'installation des exploitations agricoles et, de l'autre, du respect du droit constitutionnel de propriété. Il convient de rester sur cette étroite ligne de crête. Les propriétaires agricoles se sont exprimés sur la question lors de la préparation du texte au CSO. Le texte prévoit le renforcement du champ de compétence de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles (CDCEA) et de l'Observatoire national de la consommation des espaces agricoles (ONCEA), ainsi que le renforcement du rôle des SAFER, renforcement que j'ai souhaité alors même que leur suppression avait été envisagée : il faut redonner des objectifs aux SAFER tout en améliorant leur gouvernance et en étendant leur droit de préemption. Le texte renforce également la politique d'installation, via notamment l'installation progressive, et modifie le régime du contrôle des structures tout en prévoyant la consolidation d'exploitations pérennes pour limiter l'agrandissement excessif. Il redéfinit par ailleurs la surface minimum d'installation conformément aux conclusions des Assises de l'installation, en instaurant une activité minimale d'assujettissement qui permettra de prendre en compte toutes les dimensions liées à l'activité agricole et à l'installation du jeune exploitant.

Le titre III est consacré à la politique de l'alimentation et de la performance sanitaire, qui s'inscrit dans le projet de la performance écologique et de l'agro-écologie. J'ai présenté hier les premiers progrès réalisés dans le cadre du plan Écophyto, mis en place à la suite du Grenelle de l'environnement par M. Michel Barnier, alors ministre de l'agriculture : la courbe de l'augmentation de la consommation de phytosanitaires en France a été inversée, puisque celle-ci a baissé de 5,7 %. Le projet de l'agro-écologie visera à amplifier ce processus. Le texte propose des changements importants en matière de politique publique de l'alimentation comme en matière sanitaire. La publication des résultats des contrôles sanitaires permettra de mieux informer les citoyens dans le cadre d'une transparence parfaite. Par ailleurs, le texte prévoit différentes mesures destinées à limiter au strict nécessaire l'utilisation d'antibiotiques en médecine vétérinaire en vue de réduire l'antibiorésistance – c'est une mesure de responsabilité collective. La question a été débattue avec les vétérinaires : nous sommes arrivés à un accord.

Le projet de loi prévoit également un dispositif de suivi post autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques afin de garantir une plus grande transparence.

N'oublions pas non plus la création d'un fonds destiné à financer le développement des usages mineurs : il permettra d'apporter en la matière des réponses aux agriculteurs.

Je tiens évidemment à souligner le transfert à l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) des missions relatives à la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques et des matières fertilisantes, transfert qui permettra de clarifier la relation entre la direction générale de l'alimentation (DGAL) du ministère de l'agriculture et l'ANSES. Si les grands choix en matière de molécules doivent demeurer sous responsabilité ministérielle, l'utilisation des produits doit être confiée à l'ANSES.

Enfin, la mise en place d'un dispositif expérimental de certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques permettra de réduire le recours à de tels produits.

Le titre IV est consacré à l'enseignement agricole, à la recherche et au développement en matière agronomique, forestière et vétérinaire : c'est un engagement fort du Gouvernement. L'enseignement agricole français est exceptionnel. C'est un outil d'excellence que le monde nous envie et qui doit être conforté, des premiers cycles aux cycles supérieurs de formation jusqu'à la recherche. L'enseignement agricole doit accompagner la démarche de double performance économique et écologique. Il convient également de conforter sa dimension d'outil de promotion sociale, cet enseignement permettant l'obtention de diplômes ouvrant sur des emplois. C'est également un outil d'ouverture à l'international. La création de l'Institut agronomique et vétérinaire de France donnera une identité à l'enseignement agricole et assurera sa cohérence tout en lui donnant la possibilité de négocier des contrats à l'international, notamment sur le plan de la recherche vétérinaire et sanitaire.

Le Titre V traite des dispositions relatives à la forêt : la forêt française, qui est la troisième d'Europe, est à la fois très diversifiée sur le plan des essences – feuillus et résineux – et multifonctionnelle. Ses potentialités économiques en font un enjeu essentiel. Le texte prévoit la mise en place d'un programme national de la forêt et du bois (PNFB), qui sera décliné au plan régional, et instaure le fonds stratégique de la forêt et du bois en vue d'assurer le renouvellement de la forêt, qui sera alimenté par les centimes forestiers, la rémunération liée au défrichement et, plus tard, la taxe carbone. Je tiens également à rappeler la création, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, du compte d'investissement forestier et d'assurance, qui permettra de mobiliser la ressource forestière dans un objectif de développement et de mise en valeur de la ressource. Il convient de ne pas oublier le rôle de la forêt dans le respect de la biodiversité.

Le titre VI, enfin, traite des dispositions relatives à l'outre-mer. Il convient de reconquérir les marchés locaux et de diversifier l'agriculture ultramarine. Le comité régional d'orientations stratégiques et de développement (CROSD) assurera une meilleure coordination des objectifs fixés dans chacun des outre-mer. Si nous avons été confrontés à une forme de renoncement outre-mer, il convient désormais d'y relancer l'agriculture et la transformation des produits agricoles. Hier, en remettant les prix d'excellence du Concours général agricole, j'ai pu noter la très grande qualité des produits ultramarins, notamment de la vanille. Outre-mer, l'agriculture a été trop marquée par de grandes productions – banane ou canne à sucre – : il convient d'assurer sa diversification.

Le débat doit fixer un cadre à la mise en place de la réforme de la PAC à partir de 2015, après la phase de transition de 2014, en vue de dynamiser l'agriculture et la forêt françaises. En effet, celles-ci participent pleinement au redressement du pays en termes de compétitivité, de qualité et de développement économique et écologique.

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