Intervention de Thierry Benoit

Réunion du 10 décembre 2013 à 22h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit :

Ce projet de loi intervient à un moment charnière pour l'agriculture française. Il s'attache essentiellement à redéfinir le rôle imparti à l'agriculture dans les prochaines décennies. Certes, il est nécessaire de concilier la performance économique et la performance environnementale, et d'ouvrir davantage le monde agricole sur la société. Mais le groupe UDI souhaiterait que la notion de production soit rappelée avec davantage de force. En outre, ce texte n'est pas assez opérationnel : il en reste souvent au stade des concepts.

L'article 1er vise à redéfinir les missions dévolues à l'agriculture. Nous déplorons qu'il ne réaffirme pas suffisamment que l'agriculture constitue un secteur stratégique pour notre pays en matière d'emploi, d'équilibre de la balance commerciale et de relance de l'activité.

S'agissant de la réorganisation des filières, l'article 2 replace les régions au coeur de la gestion des crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Cependant, cette décentralisation doit aller de pair avec un maintien de la cohérence entre les politiques agricoles menées dans l'ensemble des régions.

La création des GIEE à l'article 3 est présentée comme la mesure phare de ce projet de loi. L'UDI a toujours soutenu l'idée qui sous-tend cette création : il doit être possible de concilier l'agriculture de production et l'agriculture durable, sans opposer l'une à l'autre. Mais cet article nous pose plusieurs difficultés. D'abord, le projet de loi se contente de poser les grands principes des GIEE, en renvoyant la définition de leur fonctionnement au pouvoir réglementaire. Nous souhaiterions avoir des précisions sur les modalités d'agrément, de reconnaissance et de sélection des projets concernés. Cet article doit donc être largement précisé pour que nous puissions nous prononcer sur son bien-fondé. En outre, nous souhaiterions que la majoration des aides destinées aux GIEE ne vampirise pas l'ensemble des aides qui pourraient être apportées à d'autres projets. Enfin, nous nous opposons à ce que les GIEE soient exemptés de l'obligation de commercialiser les céréales via un organisme stockeur. De l'avis des professionnels que nous avons rencontrés, cette mesure risque de déstabiliser le marché des céréales et pourrait avoir à terme de lourdes conséquences sur la maîtrise de la qualité sanitaire, la garantie de loyauté des transactions et la transparence des marchés.

L'article 4, qui prévoit l'extension des clauses environnementales à tous les baux, nous pose problème car il risque d'être un nid à contentieux entre bailleurs et preneurs.

Les dispositions prévues à l'article 5 en matière de transparence des GAEC vont plutôt dans le bon sens, mais elles ne répondent pas à la situation des autres exploitants associés au sein de sociétés, qui réclament un véritable statut professionnel.

Nous proposons que les coopératives agricoles évoquées à l'article 6 bénéficient du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

La réforme des interprofessions envisagée à l'article 8 risque d'avoir des conséquences sur le financement des actions de recherche, d'expérimentation, de promotion et de connaissance des marchés, indispensables pour l'avenir de nos productions et de nos filières. Nous présenterons des amendements qui visent à éviter tout blocage de leur fonctionnement, en prévoyant notamment un assouplissement de la réglementation en cas de refus avéré d'une ou plusieurs organisations syndicales de participer à leur gouvernance.

L'article 11 – qui prévoit une régionalisation de la politique agricole à travers les plans régionaux d'agriculture durable (PRAD) – et l'article 12 – qui vise à préserver les terres agricoles – ne nous posent pas de difficultés particulières.

Il était essentiel de revoir le rôle des SAFER, le contexte agricole actuel n'ayant plus rien à voir avec celui de leur création dans les années 1960. Nous aurions néanmoins pu aller plus loin dans la clarification et l'encadrement des critères de recours au droit de préemption, ainsi que dans l'appui que les SAFER doivent apporter aux projets d'aménagement dans nos territoires.

Le renouvellement de nos exploitations constitue l'enjeu majeur de l'agriculture de demain. À cet égard, l'article 14 contient des avancées positives, mais demeure insuffisant. Il conviendra notamment de garantir à tous les candidats à l'installation un accès équitable aux soutiens publics.

Les dispositions relatives à la performance sanitaire contenues dans le titre III appellent plusieurs remarques. D'abord, il est indispensable de restaurer la confiance entre l'ensemble des acteurs de l'alimentation, du producteur au consommateur. De plus, l'extension de la protection des lanceurs d'alerte aux cas de tromperie et de falsification alimentaire ne doit pas entraver le bon fonctionnement des entreprises. Il serait utile d'encadrer plus précisément ces dispositions. Enfin, il convient de revenir sur l'interdiction faite aux groupements d'éleveurs de délivrer à leurs adhérents les antibiotiques que leur a prescrits leur vétérinaire dans le cadre d'un programme sanitaire d'élevage (PSE). Cette remise en cause des PSE, qui permettent une amélioration constante du statut sanitaire collectif de l'élevage français, nous préoccupe au plus haut point.

Deux articles seulement sont consacrés à l'enseignement agricole. L'article 26 n'en contient pas moins des dispositions intéressantes, telles que la reconnaissance des acquis et des compétences permettant une acquisition progressive des diplômes. De même, il est essentiel d'ouvrir les portes et les fenêtres de l'enseignement agricole. À cet égard, l'élargissement des voies d'accès aux écoles d'agronomie constitue une mesure de bon sens.

Concernant la promotion de l'agro-écologie, nous souhaitons que l'enseignement agricole devienne le laboratoire de l'agriculture durable du XXIe siècle.

S'agissant de la politique forestière, la création d'un fonds stratégique de la forêt et du bois est une bonne chose, mais nous souhaiterions que ses moyens fassent l'objet d'une programmation pluriannuelle, afin qu'il ne soit pas soumis aux aléas budgétaires. Quant à la création des groupements d'intérêt économique et environnemental forestiers (GIEEF), ses modalités méritent là aussi d'être précisées.

En conclusion, l'agro-écologie ne saurait constituer le socle unique de notre politique de développement et de financement de l'agriculture. Du point de vue du groupe UDI, ce texte devra apporter des réponses aux professionnels de l'agriculture sur trois points : la compétitivité des exploitations ; la simplification normative, réglementaire et administrative – cette préoccupation, que vous avez faite vôtre, monsieur le ministre, doit être au coeur de ce projet de loi – ; les distorsions de concurrence en Europe, notamment sur la question des travailleurs détachés et sur l'indication de l'origine des viandes.

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