Intervention de Bruno Genty

Réunion du 10 décembre 2013 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Bruno Genty, président de France Nature Environnement :

Sur ce point précis, l'ADEME a fait deux études « chariot », sur la base de 150 produits de consommation courante. Elles sont passionnantes et montrent que les consommateurs avisés et soucieux d'environnement peuvent s'y retrouver et économiser jusqu'à 600 euros par an et par personne. Il faut, chiffres à l'appui, combattre l'idée reçue selon laquelle les produits « écologiques » seraient forcément plus coûteux. N'oublions pas non plus qu'un produit qui dure plus longtemps est plus cher à l'achat, mais pas à l'usage. Ma grand-mère disait toujours : « nous n'avons pas les moyens d'acheter du toc ». Le problème vient de ce que ce sont les classes les plus défavorisées qui, faute de connaissances, sont les premières victimes de la mal consommation. Nous avons besoin d'un vrai programme d'éducation populaire à la consommation soutenable. Sinon, et on le voit avec la tarification incitative du traitement des déchets, les classes favorisées s'adaptent et paient moins alors que les plus défavorisés ne s'y retrouvent pas.

L'agriculture à haute valeur environnementale n'est pas toujours synonyme de bio.

Monsieur Olivier Falorni, d'accord sur l'écotaxe : on peut en effet procéder à des modifications pour rendre l'écotaxe plus acceptable, mais attention à ne pas répéter les erreurs de la taxe carbone ; il faut éviter qu'elle soit retoquée par le Conseil constitutionnel. Sans doute vaudrait-il mieux discuter avec ceux qui redoutent par exemple de passer très souvent sous les portiques. On pourrait imaginer des forfaits pour les déplacements de proximité qui ne pénalisent pas les locaux. Quant à l'eurovignette, il faudrait qu'elle soit cohérente avec l'écotaxe. J'aurais tendance à penser qu'il faut s'en tenir à ce qui a été négocié, c'est-à-dire la redevance poids lourds.

Au sujet des microparticules produites par le diesel, il faut tout de même réaliser que l'OMS, l'année dernière, a reconnu que l'air extérieur était cancérigène. C'est proprement hallucinant ! Le report modal est une des mesures à prendre, mais nous tournons en rond puisque c'est la redevance poids lourds qui devait le financer. Une autre piste pourrait consister à s'inspirer des autorités régulatrices de transport de personnes qui fonctionnent bien au niveau des régions, comme le STIF en Île-de-France. Vous connaissez l'importance de la pollution causée par les derniers kilomètres de livraison. Il faudrait une autorité régulatrice dans ce domaine alors que, pour le moment, chaque commune est libre de fixer ses propres règles.

Nous avons dénoncé le livret de développement durable parce qu'il y a tromperie sur la marchandise : moins d'un tiers de l'argent est dirigé vers ce qui lui vaut son appellation.

Vous vous préoccupez de l'avenir des associations de protection de la nature, monsieur Olivier Falorni. Nous aussi. Nous réclamons plus de dialogue, mais, paradoxalement, nous avons du mal à suivre. D'où notre appel à plus de moyens en faveur du mouvement associatif en France, car la lutte contre les lobbies économiques est inégale, et à un mandat pour les responsables bénévoles des associations pour l'environnement qui ont une organisation démocratique. En plus, cela ne coûterait pas forcément très cher à l'État.

Monsieur Patrice Carvalho, j'ai déjà commencé à vous répondre à propos des contradictions autour de l'écotaxe. Sans pédagogie, on favorise la montée des particularismes régionaux, la connivence absurde entre la victime et son bourreau. Je donne des cours à des étudiants de Master 2 à AgroParisTech qui m'ont demandé de leur expliquer ce qu'était l'écotaxe. Il y a encore du travail pédagogique à faire ! Oui au report modal et au développement du fret ferroviaire mais ne nous voilons pas la face, depuis combien de temps, malgré une bonne volonté évidente, les gouvernements qui se succèdent se heurtent-ils à des difficultés ?

Concernant le diesel, l'émission de particules fines coûte aussi en termes de santé. La place de leader que la France occupe sur le marché ne me convainc pas car il n'est pas certain que le diesel ait de beaux jours devant lui au plan international. Cette particularité du marché français peut même se transformer en handicap à l'exportation.

Madame Suzanne Tallard, la protection des milieux conduit-elle à exclure l'homme des territoires ? Notre congrès de 2007 a été l'occasion de travailler cette problématique et de mettre en exergue nos valeurs humanistes, mais les milieux naturels continuent de s'éroder et la biodiversité de reculer. Nous cherchons comment mieux concilier l'activité humaine et la préservation des milieux naturels à travers des projets concrets. Lutter contre l'artificialisation des sols constitue déjà un début de réponse. Défendre l'idée d'une trame verte et bleue, pour restaurer les continuités écologiques, s'inscrit dans cette démarche.

Pour défendre les aires marines protégées, nous nous heurtons au manque de moyens. L'Agence des aires marines protégées n'est pas en mesure de mener les études de projet. Nous ne sommes pas contre son intégration dans l'Agence française de la biodiversité, à condition que la mer ne soit pas perdante dans l'opération. La France a le deuxième domaine maritime du monde, et sa biodiversité très riche.

Nous travaillons beaucoup à la protection et au développement des territoires avec un réseau agriculture, avec un réseau forêts, avec un réseau mer et littoral. Notre approche n'est peut-être pas celle que voudraient les organisations professionnelles, mais nous ne faisons pas pour autant l'impasse sur la pêche et l'agriculture.

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