Intervention de Sébastien Denaja

Réunion du 10 décembre 2013 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja, rapporteur :

La « jurisprudence Urvoas » sur les rapports demandés au Gouvernement sera appliquée sans faillir, monsieur le président.

Pendant l'un de ces moments de grâce où l'on peut mettre en adéquation ses convictions et ses actes, je m'occupais hier de mon fils de 22 mois, et regardais en sa compagnie une émission pour les enfants à la télévision. Il se trouve que celle-ci a été suivie d'une autre – Les Maternelles – au cours de laquelle je vous ai entendue défendre, madame la ministre, le projet de loi que vous êtes venue nous présenter aujourd'hui. J'ai alors assisté à un épisode instructif : le journaliste demandant à un jeune garçon si, selon lui, l'égalité entre les femmes et les hommes était réalisée en France, celui-ci a répondu : « Pas complètement, mais assez ». Cette réponse résume l'objectif du projet de loi : passer de « assez » à « complètement », c'est-à-dire aller à l'idéal en comprenant le réel selon les mots de Jean Jaurès.

Le texte aborde pour la première fois la question de l'égalité entre les femmes et les hommes de manière transversale. C'est nécessaire, car les inégalités persistantes appellent une réponse globale. Nous veillerons à ce que le texte issu du Sénat retrouve, par une rédaction resserrée, sa cohérence et sa clarté initiales. Pour ce qui est de l'égalité professionnelle, je vous ai entendue avec plaisir, madame la ministre, évoquer la possibilité d'éventuelles actions de groupe en matière de discriminations, salariales notamment, entre hommes et femmes. Sans revenir en détail sur le corps du texte, que vous nous avez présenté de manière exhaustive, je salue un projet qui fera considérablement progresser les droits des femmes. Nous répondrons ainsi au souhait exprimé par le président de la République : passer d'une égalité de droits à une égalité réelle.

Ma première question a trait à la démarche expérimentale prévue dans trois articles du projet : l'article 5, qui porte sur la conversion des droits accumulés sur le compte épargne-temps pour financer des prestations de garde d'enfant ; l'article 6, qui tend à améliorer les conditions de versement de l'allocation de soutien familial (ASF) en cas de non-paiement de la pension alimentaire ; l'article 6 septies, introduit par le Sénat en première lecture pour expérimenter le versement du complément de mode de garde de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) directement à l'assistante maternelle. Pourquoi recourir ainsi aux expérimentations, au risque de créer des ruptures d'égalité entre les citoyens selon leur département de résidence ? J'envisage de proposer que la durée de ces expérimentations soit réduite à dix-huit mois et je souhaite connaître l'avis du Gouvernement à ce sujet.

L'article 2 institue le partage entre les parents du complément de libre choix d'activité (CLCA), dénommé « prestation partagée d'accueil de l'enfant » par le Sénat. Je lui préférerais un autre intitulé : la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE). Y seriez-vous favorable ?

Je salue à cet article l'une des mesures phares du projet, qui vise à impliquer davantage les pères dans l'éducation des jeunes enfants et à provoquer l'évolution des mentalités en incitant les hommes à prendre un congé parental à la naissance de leur enfant. Actuellement, seuls 18 000 pères le font chaque année ; à en croire l'étude d'impact, la mesure nouvelle permettrait que l'on parvienne à 100 000. Cependant, le niveau de remplacement du salaire pourrait contrecarrer cet objectif en dissuadant de nombreux pères de s'arrêter de travailler pendant six mois. Aussi conviendrait-il de compléter le dispositif de deux manières : d'une part, en étendant le complément optionnel de libre choix d'activité (COLCA) – que le texte permet aussi de partager – aux parents de deux enfants et non plus aux seuls parents de trois enfants et plus, comme c'est le cas aujourd'hui ; d'autre part, en faisant obligation aux pères de prendre leur congé de paternité de 11 jours, ou de 3 jours à tout le moins. Le Gouvernement reprendra-t-il à son compte ces propositions que les contraintes de la recevabilité financière m'empêchent de porter ?

À l'article 3, seriez-vous favorable à l'idée d'étendre aux contrats de partenariat et aux délégations de service public l'interdiction de soumissionner aux marchés publics faite aux entreprises qui ne respectent pas l'égalité entre les femmes et les hommes ? Ne pourrait-on inclure aussi dans ce dispositif les mesures relatives à la représentation des femmes au sein des conseils d'administration et des conseils de surveillance des sociétés ?

Par ailleurs, la suppression « sèche », par le Sénat, de la médiation pénale en cas de violences conjugales ne laisse pas d'interroger. Si cette mesure est supprimée de la palette des juges, ne risque-t-on pas que les parquets classent sans suite nombre de requêtes ? Ne conviendrait-il pas de revenir aux dispositions prévues dans le texte initial ?

Enfin, le Sénat a complété le texte par une disposition interdisant les concours de beauté entre enfants – des fillettes dans la très grande majorité des cas – âgés de moins de 16 ans, dit concours de « mini-miss » et prévu une peine de deux ans d'emprisonnement pour ceux qui ne respecteraient pas cette interdiction. Cela me paraît excessif et je préférerais le dispositif « à deux étages » que vous avez mentionné, prévoyant l'interdiction de ces concours en deçà d'un certain âge et un régime d'autorisation préalable au-delà et jusqu'à seize ou dix-huit ans.

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