Ces nombreuses questions montrent votre intérêt pour ce texte ; je vous en remercie. Je vous remercie aussi, monsieur le rapporteur, pour votre travail de qualité. La démarche expérimentale ne doit pas donner lieu à malentendu : il ne s'agit aucunement de repousser les choix faits dans le cadre de ce projet, mais bien d'aboutir à une généralisation aussi rapide que possible, et en tout cas au cours du présent quinquennat. Nous souhaitons toutefois tester les dispositifs, notamment pour le versement des pensions alimentaires. Je me suis rendue dans le Rhône et en Haute-Garonne, deux des vingt départements qui participeront à l'expérimentation, où j'ai rencontré des agents des CAF très engagés dans l'élaboration des nouvelles procédures. Cette manière de procéder me paraît plus intéressante que lorsque les lois, parce qu'elles n'ont pas été intériorisées par ceux qui sont chargés de les appliquer, ne le sont pas. Les expérimentations sociales ainsi menées créent une émulation entre les CAF, qui cherchent à développer une expertise propre – sur le difficile sujet du recouvrement des pensions alimentaires à l'étranger par exemple. Ces expérimentations se justifient pleinement, et la durée de dix-huit mois prévue me semble être la bonne. Nous avons par ailleurs, souhaité expérimenter la mesure relative au compte épargne-temps pour nous assurer, avant de la généraliser, qu'elle ne conduit pas, comme certains de ses détracteurs le disent, à revenir sur les 35 heures.
Votre proposition, monsieur le rapporteur, consistant à renommer « prestation partagée d'éducation de l'enfant », PreParE, la prestation partagée d'accueil de l'enfant me paraît excellente.
Les parents de trois enfants et plus peuvent actuellement renoncer à prendre le congé parental de trois ans au profit d'un COLCA, plus court – un an – mais mieux rémunéré – 800 euros au lieu de 400 ou 500 euros. Plusieurs d'entre vous, dont Mme Marie-Françoise Clergeau, ont suggéré d'ouvrir cette possibilité aux familles de deux enfants, à titre expérimental. Je me félicite de cette dernière précision, car il faut éviter qu'en ouvrant une possibilité supplémentaire, on n'incite des femmes qui ne l'auraient pas fait hors ce cadre à s'arrêter de travailler pendant un an, ce qui a un effet néfaste sur la suite de leur carrière. Je trouve intéressant d'avoir un outil de plus dans la palette à proposer aux ménages. Je suis donc favorable à cette proposition sous la forme d'une expérimentation dont le bilan sera évalué.
Vous avez suggéré, monsieur le rapporteur, de rendre obligatoire le congé de paternité. L'idée, séduisante, suscite une difficulté juridique : si l'obligation faite aux mères de ne pas travailler dans les semaines qui entourent la naissance se justifie par le souci de protéger leur santé, l'argument ne vaut pas pour les pères. D'autre part, étant donné le niveau d'indemnisation de ce congé, le rendre obligatoire pourrait poser des problèmes financiers à certaines familles. Je rappelle que le congé parental reste optionnel.
Cependant, la courbe du congé de paternité est fortement ascendante. Déjà, deux tiers des pères en usent, mais de manière contrastée : ils sont près de 100 % à le faire dans la fonction publique, et 30 % dans les professions indépendantes – mais comment obliger un boulanger, par exemple, à s'absenter trois jours ? Je privilégierais plutôt une autre approche. Les sommes dépensées par les employeurs pour financer les congés paternité sont prises en compte au titre de la prévoyance complémentaire, si bien qu'elles ouvrent droit à des déductions fiscales et sociales, mais cette disposition, méconnue, n'est presque jamais utilisée. Je serais donc favorable à la sensibilisation des employeurs à ce sujet, pour inciter les nouveaux pères à prendre le congé de paternité, dont l'attrait serait ainsi rappelé.
Je ne vois pas d'objection à étendre aux contrats de partenariat l'interdiction de soumissionner aux marchés publics faite aux entreprises qui ne respectent pas l'égalité entre les femmes et les hommes ; pour les délégations de service public, il nous faudra vérifier avec les services du ministère de l'Économie et des finances que la disposition est compatible avec la directive sur les concessions. En revanche, le Conseil d'État, considérant que la mesure introduirait une rupture d'égalité entre les hommes et les femmes et une atteinte à la liberté d'accès à la commande publique, nous a dissuadés d'inclure dans ce dispositif les mesures relatives à la représentation des femmes au sein des conseils d'administration et des conseils de surveillance des sociétés.
Pour ce qui concerne la médiation pénale en cas de violences conjugales, je suis comme vous, monsieur le rapporteur, favorable au retour au texte initial, qui laisse au juge un pouvoir d'appréciation.
La proposition faite par Mme Cécile Untermaier de retrancher du texte toute mesure relative aux concours de beauté pour « mini-miss » me surprend, car une disposition relative à des cas d'hyper-sexualisation des petites filles, selon le juste terme de la sénatrice Chantal Jouanno, a toute sa place dans un texte relatif à l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous pourrions nous mettre d'accord sur un dispositif « à deux étages » moins catégorique que l'interdiction absolue voulue par le Sénat, en prévoyant l'interdiction de tels concours pour les mineurs de 13 ans et, pour les enfants âgés de 13 à 16 ans, un régime d'autorisation individuelle tel qu'il en existe pour les enfants engagés dans les entreprises de spectacle ou employés comme mannequins.
Je partage les préoccupations exprimées par Mme Axelle Lemaire à propos des femmes employées dans le secteur des services à la personne, pour la plupart peu diplômées et d'un âge moyen assez élevé. Ces activités, pour lesquelles les conditions de travail laissent à désirer, devraient être un sas permettant la promotion à d'autres emplois, mais elles se révèlent vite une impasse faute de formation des salariées concernées. Cela étant, par leur présence, les employées du service à la personne permettent aussi à d'autres femmes de travailler. Mon collègue Michel Sapin, ministre du Travail, et moi-même, avons décidé d'engager une réflexion conjointe à ce sujet, à laquelle j'aimerais vous associer, madame Lemaire. Nous organiserons prochainement une conférence de progrès sur la qualité de l'emploi dans ce secteur. Nous voulons évaluer les perspectives qu'offrent les services à la personne, de manière que les dispositions nécessaires figurent notamment dans le texte à venir sur la formation professionnelle, qu'il s'agisse de la formation, de la mutualisation des employeurs ou de l'organisation de la journée de travail pour éviter l'émiettement des heures travaillées. Je suis assez ouverte aux propositions d'amendements sur la pénibilité, mais sachez que toutes les réponses à ces questions ne trouveront pas leur place dans le texte qui vous est présenté aujourd'hui.
Le Gouvernement n'a bien sûr aucune opinion sur la création d'une crèche à l'Assemblée nationale… mais je pourrais vous dire, hors les murs de votre Commission, tout le bien que j'en pense. De même, c'est du Parlement que relève la modification, qui me paraît très pertinente, du statut du suppléant permettant qu'il se substitue à une députée en congé de maternité. La question me semble devoir être creusée tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat et dans les assemblées locales.
Vous l'avez rappelé, le Gouvernement a introduit dans la loi du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice une nouvelle incrimination visant les mariages forcés. Outre cela, j'ai demandé à M. Olivier Noblecourt, adjoint au maire de Grenoble, de présider une mission de réflexion sur les femmes migrantes et le droit. Il rendra ses conclusions sous peu et je compte m'appuyer sur ses préconisations pour enrichir le texte.
Non, madame Orphé, le partage du CLCA entre les parents n'est pas une mesure d'économie, puisque si les pères ne prenaient pas tous, tout de suite, le congé parental, les ressources ainsi rendues disponibles seraient intégralement consacrées à la création de places de crèches d'une part, à l'accompagnement des femmes sans emploi à la fin de la période de versement du CLCA d'autre part. Nous souhaitons vivement inciter à ce partage. C'est possible, la réforme allemande de 2007 qui a inspiré cette mesure le montre : cinq ans après son entrée en vigueur, 20 % des pères d'Allemagne avaient recours au dispositif ; ils n'étaient que 3 % avant la réforme.
Il n'est nullement question de réduire la durée du congé pour le premier enfant ; la rédaction du texte sera corrigée pour lever toute ambiguïté à ce sujet.
Je donnerais un avis favorable à un amendement qui viserait, comme Mme Marie-Françoise Clergeau et vous-même l'avez suggéré, à aligner la durée du congé parental d'éducation pour les familles qui accueillent des triplés sur celle de la prestation partagée d'accueil de l'enfant.
C'est exact, la législation n'est pas aussi claire qu'elle devrait l'être sur ce qu'il advient de l'autorité parentale de l'auteur de violences ou de crime sur conjoint. C'est toujours l'intérêt supérieur de l'enfant qui doit guider notre action. Je serais donc très favorable à ce qu'un amendement prévoie les règles de suspension de l'autorité parentale en ce cas.
Enfin, Mme Marie-Louise Fort avait déposé une proposition de loi relative à l'inceste, mais le texte, tel que complété par le Sénat, a été censuré par le Conseil constitutionnel. Je serais favorable à ce que l'on en revienne à l'esprit initial de la proposition et je serais favorable au dépôt d'un amendement en ce sens. Sur cette question, vous le savez, les avis sont partagés, certains estimant qu'une loi sur l'inceste n'aurait de valeur que symbolique. Mais la loi doit précisément avoir valeur symbolique ; de plus, ne pas devoir prouver le non-consentement à l'inceste modifie la perspective.
Sans doute ai-je parlé de manière elliptique, monsieur Geoffroy, mais soyez assuré que la lutte contre les violences faites aux femmes continuera tant pendant la vie conjugale qu'ultérieurement.
Je ne m'opposerais pas, madame Coutelle, à la suppression du mot « notamment » au deuxième alinéa de l'article premier, et j'approuverais l'introduction dans le texte de la phrase « la loi garantit la parité » ; j'ai même souhaité qu'elle figure dans la Constitution, sans obtenir gain de cause à ce jour. Peut-être le projet a-t-il perdu un peu, lors de son passage au Sénat, pour ce qui est des mesures relatives à la parité dans le sport ; je serais favorable, à ce sujet, au retour au texte initial, équilibré.
La féminisation des noms appelle une réflexion, mais les décisions éventuelles à ce sujet ne sont pas nécessairement d'ordre législatif.
Monsieur Lesterlin, l'Observatoire des violences faites aux femmes a été installé sous le nom de « mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains » (MIPROF). La MIPROF, outil d'innovation et de recherche, oeuvre à la cohérence de notre politique de lutte contre les violences faites aux femmes. Elle travaille activement à la réalisation d'un plan de formation des professionnels concernés par les violences faites aux femmes et, avec les administrations de l'État, aux procédures qui permettront l'extension du téléphone « grand danger », ainsi qu'au dispositif d'hébergement d'urgence des femmes victimes de violence. Elle collationne les statistiques et mène des enquêtes. À ce sujet, j'indique qu'une nouvelle enquête nationale sur les violences et rapports de genre, dite enquête Virage, a été lancée, pour la première fois depuis douze ans ; elle se poursuivra jusqu'en 2016 et concernera également l'outremer.
Nous voulions, madame Bourguignon, supprimer tout financement public des partis politiques qui ne respectent pas strictement la parité hommes-femmes. Mais le Conseil d'État a considéré que, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à libre expression du suffrage, la diminution de la première fraction de ce financement ne devait pas excéder 150 % de l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe rapporté au nombre total de ces candidats. Pour la même raison, on ne peut agir sur la deuxième fraction de ce financement car ce sont les électeurs qui font le libre choix de leurs élus. La suppression complète du financement public d'un parti politique à raison du non-respect des règles de la parité n'aura donc jamais lieu.
L'article 18 du projet clarifie les modalités de la prise en compte du rattachement.