Intervention de général Jacques Mignaux

Réunion du 17 octobre 2012 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale :

Avant de vous présenter les perspectives budgétaires pour 2013, je rappellerai les éléments qui structurent le dispositif de la gendarmerie nationale.

Ma mission est d'assurer la protection des personnes et des biens partout et de manière continue, dans les périodes calmes comme dans les périodes de crise, dans toute ma zone de compétence de sécurité publique – laquelle couvre 95 % du territoire national, soit 34 800 communes sur 36 500, où résident 33 millions de personnes. Il nous faut aussi prendre en considération de fortes augmentations saisonnières de population, en particulier sur le littoral, certaines communes voyant le nombre de leurs résidents multiplié par dix. En termes de prospective, la population en zone gendarmerie devrait croître de 1,3 million de personnes d'ici 2020.

Pour ce qui est de la délinquance, la gendarmerie constate environ 1 million de crimes et délits par an, dont près de 630 000 faits d'atteintes aux biens, parmi lesquels 135 000 cambriolages. Elle agit, bien entendu, sur tout le spectre de la délinquance, notamment la criminalité organisée. Voilà deux nuits, nous avons ainsi arrêté un « go fast » transportant plus de 600 kilos de résine ; cette nuit, nous en avons arrêté un autre dans les Landes, chargé de 500 kilos de drogue.

En 2011, l'activité de la gendarmerie s'est traduite par la mise en cause de plus de 375 000 personnes, dont 91 000 ont été placées en garde à vue, hors délits routiers, ce qui représente une baisse de 14 % du nombre de gardes à vue – l'objectif de diminution fixé en avril 2012 étant de l'ordre de 20 %. La gendarmerie a répondu à 9,2 millions d'appels de nuit, qui ont donné lieu à 1,5 million d'interventions effectives.

Pour remplir sa mission, la gendarmerie dispose de 95 858 personnes, contre 102 101 en 2007. Cette diminution des effectifs du plafond d'emplois – 6 243 emplois, soit 6,2 % de l'effectif total – est due pour l'essentiel à la révision générale des politiques publiques (RGPP). Depuis 2009, cette baisse a été accentuée en gestion par le fait que je ne disposais pas de l'ensemble des crédits qui m'auraient permis de réaliser tous mes effectifs. En 2012, le sous-effectif par rapport au plafond d'emplois sera équivalent à 1 000 gendarmes.

Ainsi, l'arrêt de la RGPP est pour nous un ballon d'oxygène. La chute de nos effectifs ne pouvait se poursuivre sans peser excessivement sur l'opérationnel, sur les personnels appelés à combler les manques, voire sur le modèle même de notre institution – en particulier sur son maillage territorial, auquel je sais que vous êtes attachés. C'est en ce sens que M. Valls, ministre de l'intérieur, a estimé qu'il avait trouvé en prenant ses fonctions une gendarmerie sinistrée. Le bénéfice de l'arrêt de la RGPP est immédiat : dès le 1er janvier 2013, ce sont plus de 1 000 postes que je n'aurai pas à supprimer, ce qui a des incidences sur le recrutement comme sur la déflation des brigades et les remontées de postes. Mieux encore, près de 200 postes seront créés chaque année au cours des cinq ans à venir.

La gendarmerie, c'est aussi un réseau de 3 300 unités qui assurent un maillage territorial significatif. La gendarmerie est la « police des territoires » et nous devons faire vivre cette proximité, qui est garante du lien de confiance avec la population et nous permet de réagir face à tout événement.

La gendarmerie doit être capable de gérer tout type de crise. L'appui de la gendarmerie mobile est à cet égard extrêmement précieux. La gendarmerie mobile est un outil robuste, dont les escadrons peuvent être projetés partout sur le territoire national, en métropole comme outre-mer, voire en opérations extérieures (OPEX). Notre nature militaire nous permet de nous installer et de durer le temps qu'il faut dans des conditions parfois de grande rusticité. En cas de crise ou pour faire face à des pics d'activité, je peux en outre m'appuyer sur les 25 000 réservistes, très disponibles, que nous pouvons rappeler très rapidement sur un simple coup de téléphone. Plus des deux tiers des réservistes ne sont pas des gendarmes retraités qui ont obligation d'y servir encore pendant cinq ans, mais des jeunes que nous avons recrutés.

Après ce bref rappel, je développerai à grands traits les perspectives budgétaires pour 2013.

Le budget alloué au programme 152 « Gendarmerie nationale » reflète la contrainte financière générale. Le ministre a réussi à préserver les effectifs des forces de sécurité, mais les dotations prévues hors rémunérations ont imposé des choix contraints entre fonctionnement et investissement.

Pour le fonctionnement, mes dotations sont reconduites en « zéro valeur ». Pour l'investissement, alors que mes capacités s'élevaient à près de 450 millions d'euros de crédits de paiement (CP) en 2007, elles étaient de 250 millions d'euros en 2012 et resteront du même ordre en 2013.

En termes d'effectifs, comme je l'ai dit précédemment, nous ne perdons pas les 1 034 emplois dont la suppression avait été initialement programmée et nous avons 193 postes supplémentaires, dont environ un quart de sous-officiers et trois quarts de gendarmes adjoints volontaires.

À ces décisions positives, s'ajoute une mesure de correction technique du plafond d'emplois à hauteur de 1 045 équivalents temps plein (ETP), correspondant aux effectifs mis à disposition d'EDF, de la banque de France, de la SNCF et de GDF, comptés jusqu'à présent hors du programme 152 et désormais réintégrés dans mon plafond d'emplois pour répondre aux recommandations de la Cour des comptes, ce qui assure une meilleure lisibilité.

Dans ces conditions, le plafond d'emplois 2013 sera de 97 093 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT). En outre, nous sommes engagés depuis une dizaine d'années dans un travail de transformation de postes destiné à mieux recentrer les gendarmes sur leur coeur de métier. Ce travail se poursuivra.

En 2013, la gendarmerie comptera, à côté des gendarmes, 4 528 militaires des corps de soutien et 3 291 personnels civils. Cette évolution est appelée à se poursuivre et ces deux corps cumulés devraient représenter en 2017 près de 10 000 emplois.

Les crédits de rémunérations et charges sociales (RCS) s'élèvent, hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », à 3,684 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 0,4 %, et sont quasiment stables par rapport à 2012. Les dépenses totales de personnel, CAS « Pensions » compris, sont en hausse de 1,6 %, soit 104,7 millions d'euros.

Les crédits de titre 2 du budget 2013 permettront notamment le financement des sept mesures suivantes : le nouvel espace statutaire, qui prévoit l'application de la catégorie B aux sous-officiers, avec 8,9 millions d'euros ; l'extension en année pleine de l'annuité 2012 du Plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE), avec 22 millions d'euros ; l'application à nos personnels civils des mesures catégorielles arrêtées au niveau ministériel, avec 0,4 million d'euros ; la réserve opérationnelle ; une prime pour résultats exceptionnels, dotée comme les années précédentes de 15 millions d'euros ; l'indemnité journalière d'absence temporaire pour les déplacements de la gendarmerie mobile, dotée comme en 2012 de 42 millions d'euros et la reconduction des dotations provisionnées pour prendre en compte les surcoûts OPEX, qui se montent à 11 millions d'euros.

Les dotations hors titre 2 correspondent aux dépenses de fonctionnement courant et d'investissements. Les crédits de fonctionnement courant, (titre 3), moteur de l'opérationnel, s'élèvent au total à 946,2 millions d'euros en 2013 en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), dont 21 millions d'euros de CAS « Fréquences », et restent donc relativement stables par rapport à 2012, avec une diminution de 0,02 %.

La priorité sera de permettre aux unités opérationnelles de mener à bien l'ensemble de leurs missions sachant cependant que certaines dotations de fonctionnement courant (titre 3) évoluent à la hausse. Il s'agit des postes étroitement liés à l'augmentation du coût de la vie : les loyers d'un parc immobilier qui est l'un des plus importants de l'État, les carburants – une augmentation de 10 centimes d'euro du prix du carburant représente une dépense supplémentaire de 5 millions d'euros –, l'eau, l'électricité et le fioul pour le chauffage. Il s'agit aussi des postes liés à l'entretien de nos moyens, notamment de la réparation des véhicules ou de la gestion du parc immobilier.

Il nous faut faire face à ces hausses inéluctables aux dépens d'autres postes de dépenses. La marge de manoeuvre se comprime et nous serons ainsi contraints de freiner la mobilité des personnels, de renoncer à des actions de formation continue, de diminuer le nombre de places offertes ou de raccourcir la durée de certains stages.

Les dépenses liées aux OPEX bénéficieront, quant à elles, d'une dotation budgétaire de 4 millions d'euros hors titre 2, identique à celle des années précédentes.

Pour ce qui est des dotations liées à l'investissement (titre 3 hors fonctionnement courant, titre 5 et titre 6), les dotations globales en autorisations d'engagement (AE), qui étaient de 288,9 millions d'euros en 2012, seront de 164,6 millions d'euros en 2013, ce qui représente une baisse de 43 %. Il s'agit d'une forte compression de la capacité d'investissement de la gendarmerie.

En revanche, les crédits de paiement (CP), qui étaient de 249,4 millions d'euros en 2012, seront de 253,9 millions d'euros en 2013, soit une augmentation de 1,8 %. Ils permettront notamment de payer les commandes passées en 2012 et les années précédentes. Ces dotations seront complétées par 8,9 millions d'euros AE et CP sur le CAS « Fréquences » pour conduire les opérations d'investissement des systèmes d'information et de communication (SIC) de la gendarmerie.

Concrètement, je pourrai assurer le renouvellement des tenues des personnels dans les unités – le « carnet à points » représente 15 millions d'euros par an – et équiper les élèves en école ainsi que les réservistes (20 millions d'euros), acquérir des munitions pour l'entrainement, la formation initiale et continue des personnels (8 millions d'euros), poursuivre l'acquisition de matériel dans le domaine des systèmes d'information et de communication, à hauteur de 23,9 millions d'euros, assurer le maintien en condition opérationnelle de nos réseaux et systèmes informatiques, régler les loyers des opérations immobilières lancées sous la forme d'autorisations d'occupation temporaire du domaine public (AOT), pour un montant de 14,6 millions d'euros, à Caen, Châteauroux, Laval, Mulhouse et dans les locaux récemment inaugurés à Lyon.

En revanche, je suis contraint de différer l'acquisition de certains matériels destinés à la police de la route, à la police judiciaire, à l'ordre public, à l'intervention et à la montagne, ainsi que le renouvellement de mobilier. Je ne pourrai pas non plus équiper en habillement certains spécialistes.

Sur le périmètre du titre 5, les dotations en autorisations d'engagement connaissent une forte baisse – 72 % –, passant de 172 à 48 millions d'euros. Ces crédits sont ordinairement consacrés aux gros équipements, aux moyens mobiles – véhicules, hélicoptères, motocyclettes et moyens nautiques –, aux programmes SIC et aux opérations immobilières domaniales. En 2013, ces dotations permettront de répondre à la priorité gouvernementale d'achat de véhicules pour 40 millions d'euros, soit environ 2 000 véhicules pour un besoin récurrent de renouvellement de 3 000 pour le parc des seules unités territoriales qui représente près de 25 000 véhicules sur une flotte de 30 000. Elles permettront aussi de poursuivre l'évolution des applications métiers dans le domaine des SIC, mais à hauteur de 2 millions d'euros seulement.

En revanche, pour ce qui est de l'immobilier, il ne sera pas possible de lancer des opérations de construction, pour lesquelles le besoin annuel est de 200 millions d'euros, ou de réhabilitation lourde, pour lesquelles il est de 100 millions d'euros chaque année. Il ne sera par ailleurs pas possible d'accorder de nouvelles subventions aux collectivités territoriales dans le cadre des constructions de casernes locatives sous le régime du décret de 1993. Cette situation peut être problématique dans les cas où des engagements ont été pris auprès des communes. Il n'y aura pas non plus, pour la prochaine programmation budgétaire triennale, d'opérations dites de « financement innovant » (AOT).

Nous devrions cependant disposer au profit de l'immobilier de ressources extrabudgétaires. En effet, la gendarmerie devrait pouvoir bénéficier de retours de cessions afin de réaliser des opérations de construction ou de réhabilitation lourde. Ces crédits devraient être ouverts sur le programme 723 « Contribution aux dépenses immobilières » du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Ces prévisions sont toutefois conditionnées à la réalisation des cessions prévues. L'adoption récente de la loi relative à la mobilisation du foncier public ne devrait pas remettre en cause l'équilibre de ce dispositif et les opérations projetées sont prioritaires pour nous compte tenu de l'état de vétusté de certains logements domaniaux. Les gendarmes comprendront très bien qu'on ne puisse pas rénover immédiatement les bureaux.

En conclusion, dans le contexte économique actuel, ce budget se caractérise par l'arrêt de la baisse de nos effectifs, avec même une légère augmentation de ceux-ci et la stabilisation des crédits hors du titre 2.

En matière d'investissement, notre pouvoir d'achat se situera cependant à un niveau faible et 2013 sera une année blanche en matière d'immobilier.

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