Intervention de Michel Issindou

Séance en hémicycle du 18 décembre 2013 à 15h00
Garantir l'avenir et la justice du système de retraites — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Cette réforme était nécessaire. Les Français l’ont parfaitement compris : cela explique que cette réforme annoncée comme devant être impopulaire et difficile à mener, a été acceptée par une grande majorité de Français non par fatalisme ou renoncement, mais parce qu’ils ont compris que l’on ne pouvait maintenir notre système par répartition si nous ne prenions pas rapidement les mesures qui s’imposaient.

Ils l’ont parfaitement compris pour plusieurs raisons : l’espérance de vie continue de progresser fortement – et c’est une chance pour notre pays – et continuera de progresser ; le phénomène du papy-boom s’amenuise, la génération née entre 1945 et 1975 va arriver à la retraite dans les prochaines années ; la crise économique, hélas, a contribué à raréfier les recettes. Ces anticipations n’ayant pas été suffisantes en 2010, il était indispensable, madame la ministre, que vous y reveniez. C’est ce que vous avez fait avec cette belle réforme de gauche.

Il faut également saluer la méthode. Les organisations syndicales ont été associées dès le départ, il y un peu plus d’un an. Elles n’ont certes pas, d’emblée, donné de blanc-seing et certaines ont continué de s’opposer sur certains points. Mais aucune n’a quitté la table des négociations. Leur apport a été précieux par exemple sur la pénibilité et chacune a fait valoir son point de vue. Il faut également rappeler le rôle des experts. Le conseil d’orientation des retraites, instauré par Lionel Jospin en 1999, a fait un diagnostic et un état des lieux très intéressant. Les experts réunis au sein de la commission présidée par Yannick Moreau ont également contribué à la réflexion. La réforme a pu s’engager à partir de leurs hypothèses de travail. Les Français en ont eu connaissance et ils y ont réagi, parfois négativement. Mais en tout état de cause, de ces expertises est ressorti qu’il y avait plusieurs solutions pour retrouver un équilibre financier.

Nous sommes ensuite revenus devant les organisations syndicales – lesquelles n’avaient pas à donner leur accord, car il ne s’agissait pas d’une négociation – pour les consulter une dernière fois. Le Gouvernement a pris ses responsabilités à l’issue de toutes les consultations après avoir laissé tout le temps nécessaire pour faire réussir une telle réforme. La brutalité n’a jamais été un gage de réussite.

Le Gouvernement a choisi de faire une réforme équilibrée. Les efforts sont modérés et partagés. On a dit à chacun des acteurs qu’ils devaient contribuer : les actifs, les employeurs et les retraités, qui ne peuvent pas ne pas être solidaires de ce qui se passera dans dix, vingt ou trente ans. Ils ont eu, eux, la chance que leur retraite ait progressé dans le temps grâce à des carrières souvent meilleures ; et leur niveau de vie est à peu près équivalent à celui des actifs.

La réforme est progressive. L’augmentation des cotisations est modérée et progressive, puisqu’elle est étalée sur quatre années. L’allongement de la durée de la cotisation ne démarre qu’en 2020 à raison d’un trimestre tous les trois ans jusqu’en 2035. Il n’y a donc pas de quoi effrayer ceux qui sont à deux pas de la retraite. Et ceux qui en sont encore loin, auront une connaissance parfaite de leurs conditions de départ. Nous sommes loin des propositions de l’UMP, réaffirmées il y a peu par Jean-François Copé : retraite à soixante-cinq ans, quarante-cinq ans de cotisations. Ça, cela aurait été de la brutalité ! Ceux qui commenceraient à travailler à dix-huit ans cotiseraient quarante-cinq, quarante-six, quarante-sept ans !

Ce qu’il faut retenir de notre réforme, ce sont ses avancées sociales majeures. Jamais une réforme des retraites n’était allée aussi loin en se préoccupant des cas particuliers, au plus près de l’humain, si je puis dire. Ces avancées sont en faveur de ceux qui ont commencé à travailler très jeune, dans des métiers pénibles. Pour eux, c’est en quelque sorte la retraite à soixante ans. S’ils ont effectué vingt-cinq ans dans des situations de pénibilité, ils pourront se retirer à soixante ans pour prendre une retraite bien méritée. Nous le leur devons.

Ces avancées concernent également les femmes : leur retraite représente actuellement 30 % de moins que celle des hommes en raison de carrières souvent hachées. A cet égard, le projet de loi à venir sur l’égalité entre les hommes et les femmes devrait permettre des améliorations sensibles en matière de rémunération et de carrière professionnelle.

Elles concernent également les jeunes avec la prise en compte en partie des années d’études, la reconnaissance des stages et la possibilité de rachat d’années d’études ainsi que la validation d’un trimestre pour 150 heures SMIC effectuées. Un travail à 30 % aujourd’hui, temps très partiel, permettra de valider un trimestre. Ce sont là des avancées majeures qui prendront leur effet au terme du dispositif.

Ces avancées concernent aussi les handicapés, qui pourront partir plus tôt dans certaines conditions. Nous avons clarifié le dispositif actuel. Les agriculteurs ne sont pas oubliés. Nous avons promis que pas une retraite agricole ne serait inférieure à 75 % du SMIC en 2017. Le calcul des retraites des polypensionnés sera également amélioré entre le régime général, le RSI et la MSA.

Cette réforme majeure en termes d’avancées sociales et de progrès comprend d’autres dispositifs telle la retraite progressive, dispositif tombé en désuétude, qui permet de se retirer progressivement de l’activité professionnelle avec la possibilité de percevoir une partie de sa retraite tout en continuant à travailler à temps partiel. Il faut remettre ce dispositif en place car il est intéressant. Nous avons également clarifié le dispositif du cumul emploi retraite, très flou. Certaines personnes pouvaient continuer à cotiser pour leur retraite alors que d’autres ne le pouvaient pas. Par ailleurs, un décret permettra à ceux qui bénéficient du minimum vieillesse, l’ASPA, de pouvoir cumuler avec un emploi. Voilà un ensemble de mesures importantes.

S’agissant de la gouvernance du système pour l’avenir, Mme la ministre a évoqué le comité de suivi. Peut-être que dernier, par ses observations et son expertise, évitera-t-il de nouvelles réformes. Si le comité rend ses avis tous les ans, ce qui est prévu, les gouvernants devront en tenir compte et prendre les mesures d’ajustement pour éviter d’y revenir tous les trois ans, comme cela se pratique depuis quelques années.

La création d’un GIP inter-régimes représente une avancée significative, comme le compte de retraite unique. Chacun pourra avoir un compte de retraite et évitera certaines situations actuelles que chacun de nous peut vivre dans sa circonscription. Dans ma permanence, j’ai rencontré des gens désespérés me demandant de les aider à valider le travail qu’ils ont fait à l’âge de dix-huit ans dans telle ou telle entreprise qui a disparu. Malgré ma bonne volonté, vous imaginez bien que ce n’était pas possible. Désormais, tout sera suivi grâce à un système informatique qui pourra suivre les carrières.

La demande unique de retraite est également une avancée importante. Tout le monde sait qu’il peut être angoissant, au moment d’arriver à la retraite, de faire valider trois ou quatre emplois. Le versement unique permettra de recevoir un seul versement pour toutes les pensions que l’on a pu accumuler. Voilà de belles mesures.

En conclusion, je ferai part, à l’instar de Mme la ministre, de ma fierté d’avoir porté cette réforme, au nom de mes collègues socialistes, mais aussi de la majorité – même si des différends ont existé entre nous, les écologistes et les radicaux. Mais nous nous sommes retrouvés sur l’essentiel. Je tiens à vous remercier pour le travail fourni car nous y avons consacré des mois et des mois. L’évolution du texte a été possible grâce au travail de chacune et chacun d’entre vous. Le Gouvernement a su, le plus souvent, entendre nos demandes et a su les traduire concrètement dans la loi. C’est ce travail collectif qu’il nous faut poursuivre maintenant, madame la ministre, par la promulgation des décrets. Nous vous faisons entièrement confiance pour qu’ils soient pris dans les délais raisonnables qui s’imposent, car sur certains points, il faut aller vite. Nous serons attentifs afin que cette belle réforme des retraites, cette vraie réforme de gauche soit rapidement suivie d’effets afin qu’elle puisse bénéficier aux jeunes générations. Nous sommes fondés à penser que nous avons bien travaillé collectivement et que nous avons sauvé notre beau système par répartition.

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